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Covid, fin de la bulle: Faire un câlin à un parfait inconnu autorisé à partir du 9 juin ?

Muriel Lefevre

À partir du 9 juin, il semble qu’il sera à nouveau possible d’embrasser qui on veut. Même si cet assouplissement n’est pas explicitement annoncé, il semble bien qu’on ait mis fin à la bulle.

Selon le projet d’arrêté ministériel de la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden, il n’y aura à partir du 9 juin plus de limitation aux contacts « physiques » entre personne, car « la mesure limitant le nombre de contacts étroits pouvant être maintenus dans le temps n’est plus applicable ». Concrètement, cela veut dire qu’il n’y a plus de bulle, ni de « knuffelcontact » (de contact câlin).

La règle de limitation des contacts rapprochés, soit la « bulle » et le maintien d’un seul « knuffelcontact » pour six semaines, serait en effet en passe de filer à la poubelle, pour être remplacée par « la règle de 4 », explique-t-on au cabinet de la ministre Verlinden.

C’est un peu une surprise, car cela n’avait pas été annoncé comme tel au sortir du codeco du 11 mai et même la presse n’avait pas relevé qu’on ne devait plus garder une distance avec toutes les personnes que l’on rencontrait.

La règle du contact câlin sera remplacée par la « règle des quatre »

Avec la règle de 4, il existe bien encore une limite au nombre de personnes que vous pouvez recevoir chez vous, mais avec ces quatre visiteurs, vous « n’avez plus à suivre les règles de la distanciation sociale » si l’on en croit la note. De plus, rien ne vous empêche d’inviter quatre autres amis une heure plus tard pour vous câliner à nouveau à votre guise.

Un constat confirmé par le cabinet du ministre-président flamand Jan Jambon (N-VA) au De Standaard : « Nous ne réglementerons plus quels amis sont autorisés à être présents ». Jambon avait lui-même déjà fait savoir que « le terme de contact câlin allait disparaître ».

Jan Jambon
Jan Jambon

Même son de cloche, chez le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) « à un moment donné, le gouvernement doit oser se retirer de la sphère privée » a-t-il déclaré. Cela fait partie du « passage à la responsabilité individuelle » qu’il a prêché après le précédent comité de consultation.

Sur les ondes de Radio 1, la ministre de l’Intérieur a tenu à souligner que ces changements devaient rendre les règles « cohérentes et claires ». Annelies Verlinden a mis en avant les indicateurs positifs de l’évolution de la pandémie de coronavirus, essentiellement grâce aux vaccinations. « Le Comité de concertation a décidé de rendre leur responsabilité aux gens en ce qui concerne leurs contacts à domicile. Nous connaissons tous les règles à respecter face au coronavirus et cela vaut certainement pour les contacts à la maison. » Selon Mme Verlinden, les autorités ont tenté de rendre « les règles les plus cohérentes possibles, sans ambiguïté, pour qu’elles soient compréhensibles ». Pour la ministre, il était plus simple d’aligner les règles du domicile sur celles en vigueur ailleurs. « Nous pouvons déjà boire un verre à quatre en terrasse. À partir du 9 juin, il sera aussi possible d’être à quatre à l’intérieur. Par conséquent, il semblait logique de recommander cette mesure » aussi à la maison. « Si vous faites le parallèle avec, par exemple, un rendez-vous dans un restaurant ou un café, il serait étrange que la distance ne s’y applique plus mais bien à la maison », a ajouté Annelies Verlinden. Ce serait « un mauvais signal », a-t-elle conclu.

Il n’empêche que cela offre un sacré changement par rapport aux deux personnes extérieures à la famille avec lesquelles les Belges étaient actuellement autorisés à avoir des contacts étroits.

« Plus interdit » ne signifie pas « judicieux à faire » (commissariat corona)

« Ce n’est pas parce que quelque chose n’est plus interdit dans un arrêté ministériel qu’il est obligatoire ou judicieux de le faire », a réagi samedi le commissariat corona du gouvernement fédéral à la suite d’articles de presse relatant qu’il n’y aura à partir du 9 juin plus de limitation aux contacts « physiques » entre personnes.

« Un certain nombre de règles détaillées sur la vie privée ne sont plus incluses » dans l’arrêté ministériel à paraître, fixant les assouplissements prévus au 9 juin, a confirmé le commissariat du gouvernement. S’il n’est plus interdit d’avoir davantage de contacts rapprochés, avec lesquels on ne respecte pas les mesures sanitaires, cela ne signifie pas qu’il serait « obligatoire ou judicieux » de les multiplier, avertit le commissariat corona. Pour recevoir des invités à domicile, la règle de quatre personnes maximum est maintenue et il vaut mieux respecter les mesures de prévention si le groupe n’est pas ou pas complètement vacciné. À l’extérieur, la limite sera fixée à 50 personnes maximum et à nouveau, distance et port du masque sont toujours recommandés si l’entièreté du groupe ne bénéficie pas d’une couverture vaccinale complète.

« Le commissariat a formulé une proposition de recommandations pour accompagner les citoyens dans leur vie privée », précise-t-il, ajoutant qu’il distingue les réunions entre personnes vaccinées et les autres. Dans tous les cas, les règles d’or, telles que se laver les mains, tousser dans son coude ou rester chez soi lorsqu’on est malade et consulter un médecin, restent d’application.

Pour les groupes réunissant des personnes vaccinées et d’autres non protégées, le commissariat préconise de limiter leur taille, de garder ses distances à l’intérieur, de ne pas s’embrasser et de porter le masque lorsque les distances ne peuvent être respectées. « Utiliser des autotests est un signe de courtoisie et de respect envers vos proches », ajoute-t-il.

Les experts en ont avalé leur café de travers

A en croire De Standaard, les experts se sont étouffés dans leur café lorsqu’ils ont vu cette mesure. Il faut dire que ce n’est pas un petit assouplissement. On touche là à un symbole de la lutte contre la pandémie en Belgique.

Depuis le début de la crise du Covid, nos contacts publics, mais aussi privés, sont régis par des règles strictes. Avec qui et de quelle manière nous entretenons des contacts rapprochés est méticuleusement repris dans un cadre juridique. Les chiffres de la pandémie l’ont cependant fait évoluer au fil du temps. Parfois moins stricte, comme à l’été 2020 où la bulle était constituée de 15 personnes et qui pouvaient changer être différente chaque semaine. Cette liberté ne fut cependant que de courte durée puisque dès la fin du mois de juillet, ce nombre avait déjà été fortement réduit. En octobre, le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit) introduit le terme knuffelcontact / »contact câlin » pour distinguer clairement les contacts avec lesquels on peut faire des câlins et ceux avec lesquels on doit toujours garder une distance d’un mètre et demi. Pendant des mois seul un contact câlin était autorisé et ce n’est que depuis peu qu’on est passé à deux.

La bulle, cette mal aimée

La bulle, ce concept introduit au sortir du premier confinement vise en effet surtout à réduire l’interaction avec les autres à des contacts répétés et non plus à des contacts aléatoires. Ce qui permettrait, selon les auteurs d’une étude à l’origine de ce concept de bulle, de diminuer de 30% le nombre d’individus infectés. Ce système de « bulle » ou « silo » hermétique va pourtant rapidement devenir un véritable casse-tête pour de nombreux Belges. Et c’est, depuis le début, le problème: le concept n’est pas clair. Le modèle a été pensé pour des couples avec enfants vivant sous le même toit. Ce qui ne présente que 37 % des ménages belges. Presque inapplicable dans la vie de tous les jours et généralisée à tout le pays, la mesure ne va jamais obtenir l’adhésion de la population. Et ailleurs en Europe, si on a limité le nombre de contacts, on n’a jamais jugé nécessaire d’introduire le concept de bulle fixe.

Le principe de la bulle et de ce contact câlin semble pourtant bientôt du passé avec les assouplissements annoncés pour le 9 juin. Même s' »il est toujours fortement recommandé de respecter autant que possible les mesures de prévention, telles que le maintien d’une distance et le port d’un masque » précise-t-on encore au cabinet de Verlinden.

Erika Vlieghe
Erika Vlieghe

Une perspective qui fait réagir l’infectiologue et présidente du GEMS, Erika Vlieghe. « Nous n’avons jamais recommandé cela », indique-t-elle. Elle tient en tout cas à souligner que cet élément « n’était pas dans notre avis ».

Le virologue Steven Van Gucht a signalé que pour lui aussi il s’agissait d’une nouveauté et précise que ce n’est pas parce que c’est soudainement autorisé que c’est sûr. « Je voudrais quand même appeler à continuer à faire preuve de bon sens. Nous connaissons les règles de base et nous devons prendre soin les uns des autres. » dit-il encore dans De Standaard.

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