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Comment le CDH a été piégé par le survol aérien de Bruxelles

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

La guerre préélectorale autour des nuisances de l’aéroport de Bruxelles-National risque de faire exploser les humanistes en plein vol le 25 mai. Voici les vrais enjeux politiques d’un dossier miné.

Melchior Wathelet, secrétaire d’Etat CDH en charge de la Mobilité, n’a pas quitté le devant de l’actualité ces dernières semaines. Il s’en serait bien passé : un piège s’est refermé sur lui au pire moment, dans la dernière ligne droite d’une campagne électorale hypertendue. « Son » plan de répartition des vols aériens au départ de l’aéroport de Bruxelles-National, entré en application le 6 février, a suscité des vagues de protestation citoyennes dans et autour de la capitale avant d’être fustigé par tous les partis francophones, jusqu’au coeur de sa propre majorité fédérale. Ce vendredi, en conseil des ministres, le gouvernement est parvenu à un accord partiel sur le plan Wathelet.

La gestion des nuisances sonores de Zaventem est un brûlot politique depuis vingt-cinq ans. Tour à tour, bien des ministres s’y sont brûlés les ailes. Arrivé à l’été 2011, Melchior Wathelet s’est attaché à l’application d’un double accord datant de la chaotique période Leterme et de la courte transition Van Rompuy – les textes ont été approuvés en décembre 2008 et février 2010. Il modifie la répartition des vols en veillant à les disperser au maximum, en favorisant autant que possible les zones les moins densément peuplées.

Sa concrétisation a été le fruit de marchandages politico-communautaires dont la Belgique a le secret. Du jour au lendemain, les habitants des deux Woluwe, de Crainhem et de Wezembeek, qui souffraient en première ligne des nuisances, ont été soulagés, mais ceux d’Auderghem, d’Etterbeek ou de Watermael-Boitsfort se sont plaints d’entendre des avions ronronner bruyamment dans leur ciel. En outre, l’accord de 2008-2010 n’a été que partiellement concrétisé : la création d’un institut indépendant de contrôle des nuisances sonores manque encore – provisoirement – à l’appel.

Mal emmanché, le dossier est devenu le poil à gratter préélectoral du CDH sur fond de colère citoyenne, de rivalités entre partis – voire internes aux partis – et de méfiance entre Communautés. Un traquenard. Et un cas d’école.

« Si un dossier arrive de la sorte à l’agenda politique, c’est qu’il est significatif et qu’il suscite des réactions émanant de la société civile, souligne Pascal Delwit, politologue de l’ULB. A quelques semaines d’une élection, c’est explosif. » Wathelet a beau affirmer qu’il a concrétisé en moins de deux ans ce que d’autres n’avaient pas réussi à faire auparavant ou se justifier en dénonçant les retards de dernière minute qui lui ont été imposés, il n’a pu éviter une fronde associative vigoureuse portée notamment par un nouveau mouvement citoyen baptisé « Pas question ! » (en deux mois, plus de 10 000 personnes se sont mobilisées sur les réseaux sociaux, plus de 250 volontaires ont distribué quelque 120 000 tracts pour ne pas parler des réunions noires de monde).

Politiquement, dans la perspective du 25 mai, le trio de communes nouvellement survolées n’est pas neutre : Auderghem est la commune de Didier Gosuin, tête de liste FDF à la Région bruxelloise, Watermael-Boitsfort celle d’Olivier Deleuze, coprésident d’Ecolo, et Etterbeek le fief de Vincent De Wolf, tête de liste régionale MR. « A priori, le survol aérien n’est pas un enjeu électoral très vaste, souligne Pascal Delwit. Il ne concerne dans ses effets que quelques communes bruxelloises et de la périphérie. Mais ce sont des enjeux-clés d’un arrondissement électoral qui représente quinze sièges au Parlement fédéral et septante-deux au parlement régional bruxellois. Même si Melchior Wathelet n’est pas candidat à Bruxelles, cela égratigne l’image de l’une des figures de proue du CDH. Et c’est désastreux au regard de la thématique du bien-être mise en avant par le parti avec son slogan de campagne: Vivre mieux, c’est possible… »

Au fil des semaines, le chaos s’est emparé du monde politique francophone. Tous contre le plan Wathelet ! Avec des attaques très vives du vice-Premier ministre MR Didier Reynders et de son collègue et rival de parti, Vincent De Wolf par ailleurs bourgmestre d’Etterbeek, sommation de huissier à la clé. « Nous avons décidé de cette réaction concertée après plusieurs tentatives de dialogue parce que Melchior Wathelet n’en faisait qu’à sa tête et ne voulait rien entendre des critiques exprimées », justifie le porte-parole des réformateurs. Soucieux d’être le premier parti de la capitale, une clé pour l’après-25 mai, le MR ne pouvait décemment pas rester à l’écart de la polémique, en dépit de la loyauté gouvernementale.

Quelle que soit l’issue de ce traquenard dans lequel il est tombé, Melchior Wathelet n’en finit plus de tempêter : « Ce qui me fait le plus mal, c’est que l’on reproche de plus en plus aux politiciens de ne plus respecter leur parole. Quand certains ne la respectent pas, comme c’est le cas ici, ils donnent du crédit à ce sentiment. Cet épisode laissera des traces après les élections, c’est clair ! »

Par Olivier Mouton

Le dossier dans le Vif/L’Express de cette semaine. Avec : – l’amertume de Melchior Wathelet – l’opinion d’Isabelle Durant – les dossiers pièges de chaque parti

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