Didier Reynders © BELGA

Comment Didier Reynders s’est mis la rue de la Loi à dos

Alain Mouton
Alain Mouton Alain Mouton est journaliste chez Trends

Il semble que Didier Reynders (MR) soit le nouveau commissaire européen pour la Belgique. Très souvent agacés par les attaques de Reynders, ses opposants politiques respirent.

Même si la décision n’a pas encore été annoncée publiquement, la crème de la diplomatie affirme que Didier Reynders serait pratiquement sûr d’obtenir le poste de commissaire européen. Après quinze ans, le libéral francophone quitte donc la rue de la Loi, ce dont la plupart des politiques ne seront pas fâchés. À commencer par le MR où Charles Michel est enfin débarrassé de son rival de toujours.

Au PS aussi, le soulagement sera grand. Ces derniers mois, les bons mots, ou plutôt les attaques ciblées du ministre des Affaires étrangères envers Di Rupo, Onkelinx, Magnette et les autres étaient difficiles à suivre. La présence marquée du premier ministre Di Rupo sur la chaîne publique RTBF a fait dire à Reynders que « la Wallonie ressemble un peu à la Corée du Nord ». Il avait également provoqué la colère des socialistes en disant que « sans les libéraux, il n’y aurait pas eu d’enlèvements d’enfants ».

Mais le PS est surtout frustré de la façon dont Reynders a damé le pion aux socialistes il y a dix ans, au sommet de la gloire du gouvernement violet. En tant que ministre des Finances Didier Reynders souhaitait s’attirer les faveurs des entreprises en baissant l’impôt sur les sociétés. Le PS était radicalement contre, mais Reynders a tout de même réussi à gagner la partie en instaurant la déduction des intérêts notionnels. La baisse de charges pour les entreprises en poche, Reynders et Guy Verhofstadt sont allés se pavaner aux États-Unis : la Belgique était redevenue un pays d’investissement attirant. C’était l’heure de gloire de Reynders et les socialistes francophones n’ont pu que ravaler leur agacement.

Le PS a également très mal pris le « Tour de Flandre » entrepris ces derniers mois par Didier Reynders dans les cercles d’entreprises flamandes. Selon Laurette Onkelinx, le seul objectif était de « dépeindre les Wallons en Flandre comme des profiteurs et des paresseux ». Lorsque, l’année passée, Paul Magnette est allé parler au Cercle de Lorraine, Didier Reynders était également présent. Lorsqu’un journaliste de télévision a demandé à Magnette s’il arriverait à convaincre des hommes d’affaires de voter pour le PS, Reynders a répondu en un clin d’oeil : « Un socialiste peut en convaincre un ou deux. Mais pas plus ».

Le plus mauvais ministre des Finances

On connaît la guerre froide qui règne entre le libéral et le PS. Mais en vue des élections, sa relation avec le CD&V s’est également dégradée. Reynders a eu du mal à accepter que les chrétiens-démocrates exigent le poste de ministre des Finances lors de la formation du gouvernement Di Rupo, fin 2011.

Fin mai, Didier Reynders s’est rebiffé, à l’instant où l’insatisfaction flamande sur un certain nombre de nouveaux impôts plus élevés avait atteint son apogée (bonus de liquidation, voitures de société…). « Je constate surtout que les deux ministres CD&V ont instauré toutes ces tracasseries » a-t-il déclaré dans une interview croisée avec le patron d’Unizo Karel Van Eetvelt au quotidien De Standaard. « En Flandre, j’étais coté comme le plus mauvais ministre des Finances. Je suppose que maintenant je suis le plus mauvais, après eux ».

Deux semaines plus tard, Koen Geens et Kris Peeters ont répondu dans une interview accordée au magazine Trends. Koen Geens : « Ce que Reynders ne dit pas c’est que nous avons corrigé ses erreurs du passé ». Et Kris Peeters d’ajouter : « Pour quelqu’un qui caresse l’ambition d’occuper le poste de premier ministre de ce pays, il s’agit d’une sortie à laquelle il sera confronté plus tard ». C’est alors que Didier Reynders a perdu l’estime des chrétiens-démocrates flamands.

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