Nicolas De Decker

Charles Michel, une certaine idée du stable

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, disait Héraclite. Au mobilisme universel du présocratique d’Ephèse, un réformateur de Wavre oppose son roc, son pic, son cap, sa péninsule. C’est Charles Michel, dont trop de gens disent que son nez s’allonge trop souvent mais ça n’a rien à voir.

Il fait barrage, Charles Michel, contre l’incertitude, contre l’aventure, contre le chaos, contre l’axe d’acier du shutdown nationaliste socialiste, et son parti aussi, parce que le MR, c’est  » la stabilité, la prospérité et l’innovation « , dit-il. Surtout la stabilité, en fait, parce qu’après avoir voulu surfer sur les eaux froides du calcul égoïste avec la prospérité et l’innovation de ses jobs, jobs, jobs, l’esquif à voile bleue de Charles Michel a dû un peu changer de cap, de roc, de pic et de péninsule.

Depuis l’étranger soufflent en effet des vents contraires, qui montrent que le bilan de la suédoise échouée est moins glorieux que ne s’en vante le Premier ministre en affaires courantes. Stabilité, donc. Roc, pic, cap et péninsule. Il l’a encore répété, Charles Michel, dimanche 24 mars, dans un lapsus enjoué à la tribune du congrès du parti qu’il préside désormais. Aventure ? Roc, stabilité ! Chaos ? Pic, stabilité ! Incertitude ? Cap, stabilité ! Chaos ? Péninsule, stabilité ! National-socialisme ? Lapsus, stabilité ! Cette oblongue capsule publicitaire qui lui tient les lunettes si droites sert de digue face aux flots déchaînés du fleuve dans lequel on ne se baigne jamais deux fois.

Cette stabilité portée en bleu par le Premier ministre, celle qui doit sauver le parti qu’il préside désormais, c’est celle d’un président de parti, Olivier Chastel, qui est prolongé fin 2018 mais qui part début 2019. C’est celle d’un président de fédération bruxelloise, Didier Reynders, qui se prolonge fin 2018 mais qui partira à la mi-2019 si c’est possible, et si ça ne l’est pas, il restera. C’est celle d’un sénateur, Alain Destexhe, qui écrit le chapitre migratoire du parti qu’on préside désormais et puis qui s’en va en disant que le chapitre migratoire du parti qu’on préside désormais est nul.

Cette stabilité, c’est celle d’un gouvernement fédéral qui est tombé parce que le partenaire avec lequel on avait juré de ne jamais gouverner a décidé de ne plus gouverner avec celui qui avait juré de ne jamais gouverner avec lui. C’est celle d’un gouvernement wallon qui est tombé parce qu’il n’avait qu’une seule voix de majorité et qu’une de ses parlementaires n’a pas reçu la place qu’elle voulait pour pouvoir le rester. C’est celle d’un Premier ministre qui vient de redevenir simultanément président de parti alors qu’il était devenu président de parti parce que selon lui on ne pouvait pas être simultanément président de parti et vice-Premier ministre. C’est celle du président d’un parti qui refuse de modifier un article de la Constitution le lundi et qui veut modifier un article de la Constitution le mardi.

Cette stabilité, contre la N-VA, contre le PS, contre le mobilisme universel d’Héraclite d’Ephèse, c’est celle de quelqu’un, Charles Michel, qui ne se baignera pas deux fois dans le même fleuve.

Mais pas parce qu’il serait parvenu à en arrêter le cours dangereux.

Parce qu’il est en train de s’y noyer.

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