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Charles Michel, l’invisible Premier ministre

Muriel Lefevre

Notre Premier ministre Charles Michel n’est plus vraiment là, dénoncent certains. Toute son attention serait tournée vers son futur poste de président du conseil européen. La preuve ? Il n’a pas daigné se présenter en séance plénière depuis pas moins de cinq semaines. Un premier qui délaisse ainsi son pays pour ses ambitions européennes, n’est pas au gout de tout le monde. Il semble avoir entendu le message, puisqu’il vient d’annoncer son départ pour, au plus tard, début novembre. Soit la semaine prochaine.

Charles Michel vient d’annoncer ce vendredi au Conseil des ministres qu’il souhaitait être déchargé de sa responsabilité de Premier ministre, au plus tard, au début du mois de novembre afin de préparer la présidence du Conseil européen qu’il prendra le 1er décembre. Le chef du gouvernement fédéral en affaires courantes a fait part de sa volonté aux vice-premiers ministres il y a déjà quelques jours, précise un communiqué. « Constatant qu’à ce stade aucun processus de formation d’un gouvernement fédéral n’a démarré à la suite des élections 2019, il a également entamé depuis le début de cette semaine des consultations sur les modalités de son remplacement en affaires courantes », ajoute le communiqué. « Le Premier ministre veillera à garantir une transition fluide et responsable au service de l’intérêt des citoyens et de l’Etat », conclut-il.

Les mauvaises langues diront que, de toute façon, le Premier ministre avait depuis quelque temps déjà l’esprit ailleurs.

L’invisible Premier

Depuis qu’il sait qu’il va se retrouver à la tête du conseil européen, Charles Michel était nettement moins assidu à la chambre. Sur les huit dernières séances plénières qui ont eu lieu depuis juillet, date de sa nomination, il s’est fait excuser pas moins de six fois dit De Standaard. Un record, puisque sur les six premiers mois de l’année, il ne s’est fait excuser que trois fois (deux fois pour un sommet européen et une fois pour Davos).

Pourtant, jusqu’à présent, Michel ne semblait pas vouloir démissionner dans l’urgence. Une attitude qui différait de celle adoptée par Herman Van Rompuy (CD&V). Lui avait été nommé président européen fin novembre 2009 et avait immédiatement démissionné de son poste de Premier ministre même s’il ne devait commencer que le 1er janvier 2010. Il est vrai que Michel a déjà un bureau dans le prestigieux bâtiment du quartier européen à Bruxelles où siège le président. Son porte-parole et conseiller diplomatique s’y sont déjà installés, mais lui-même restait encore toujours principalement au 16 rue de la Loi, où il réside en tant que Premier ministre précise De Morgen.

Charles Michel, l'invisible Premier ministre
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Ce qui ne l’empêchait pas de se pencher sur des dossiers européens. Selon son entourage, il est en effet normal qu’il prépare sa nouvelle fonction notamment en étant présent avec les chefs de gouvernement au sujet du Brexit en plénière. Un coup d’oeil au compte Twitter du Premier ministre Charles Michel (MR) montre des photos de la moitié du continent. Le « président élu » – comme il est dit dans sa biographie – est en plein Tour d’Europe. Dans la semaine du 7 octobre, il s’est rendu successivement en Italie, en Slovénie et au Portugal pour rencontrer chaque fois les chefs de gouvernement. Une semaine plus tard, c’était au tour de la Finlande, de la Lettonie et de l’Estonie.

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Toujours selon l’entourage de Michel cité par De Morgen, les deux seraient parfaitement combinables le gouvernement étant en affaire courante ce qui appelle à une certaine retenue. Un avis qui n’est pas partagé par Carl Devos (UGent) dans De Morgen : « Qu’il s’agisse d’affaires courantes ou non, le Premier ministre a toujours la responsabilité de s’adresser au Parlement. C’est le fondement de la démocratie », déclare professeur de sciences politique. « Qu’il donne l’impression qu’il ne veut plus le faire, c’est le cynisme à son sommet. »

Charge de la N-VA et du PTB

Sa énième absence d’hier a donc fait sérieusement grogner dans les rangs de l’assemblée. D’autant plus qu’à l’ordre du jour figuraient les troubles en Catalogne, une question qui tient particulièrement à coeur à la N-VA. « Si une personne démissionne, elle continue de remplir ses obligations professionnelles « , a déclaré le chef du groupe N-VA Peter De Roover. Il semble à notre groupe que ses activités ici au Parlement sont considérées comme secondaires. » Chose plus surprenante: le PTB a rejoint la N-VA dans une alliance rare. « Il est certainement logique que le Premier ministre puisse être interrogé « , a déclaré Raoul Hedebouw. Au cours des cinq dernières années, je ne pense pas qu’un Premier ministre n’ait jamais dit : « Je ne veux pas répondre, je ne viens pas ». Certaines des sorties de ces deux partis ont également bénéficié, exceptionnellement, des applaudissements de nombreux partis : Groen, PVDA, SP.A, CD&V, Vlaams Belang, PS et Open VLD. Si les verts et le sp.a se sont montrés moins virulent , ils soulèveront tout de même la question lors de la consultation avec les chefs de groupe. L’opposition soupçonne que Michel ne s’est finalement pas présenté, car, en tant que futur président européen, il serait délicat de s’exprimer sur la Catalogne. Il y a deux ans, alors que la N-VA était encore au pouvoir, Michel fut l’un des premières chefs de gouvernement à condamner l’action policière. « La violence ne peut jamais être la réponse « , disait-il sur Twitter.

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Une sortie qui a conduit à des tensions diplomatiques avec l’Espagne. Un point de vue qui à pousser De Roover à s’exclamer : « S’il s’avère si difficile de combiner son emploi actuel avec son emploi futur, il ferait mieux de passer la main maintenant ». Le cabinet du Premier ministre souligne pour sa part qu’il était présent au sein de la commission mercredi pour répondre aux questions – y compris sur la Catalogne. Il est donc faux qu’il n’est pas disponible. Ensuite sous-entendre qu’il cherche à se défiler est absurde, selon Michel. « Il n’y avait pas d’éléments nouveaux dans le dossier, notre position avait déjà été clarifiée la semaine dernière », déclare son porte-parole Barend Leyts.

L’urgence d’un gouvernement de plein exercice et le risque d’un « shutdown »

Pour le groupe Ecolo-Groen, le report du vote à jeudi prochain du projet de loi du gouvernement ouvrant des crédits provisoires pour les mois de novembre et décembre, démontre le besoin et l’urgence d’un gouvernement fédéral de plein exercice. Une séance plénière de la Chambre sera organisée jeudi prochain – pendant les vacances de Toussaint – pour permettre aux députés de se pencher à nouveau sur le projet de loi du gouvernement ouvrant des crédits provisoires pour les mois de novembre et décembre. Depuis la chute du gouvernement Michel fin décembre, l’échelon fédéral vit au rythme des douzièmes provisoires, un mécanisme qui reporte en douze tranches le budget 2018 sur l’année 2019 et évite à l’État un « shutdown ». Après l’adoption ce jeudi d’un amendement du PTB, soutenu par les Verts, les socialistes et le Vlaams Belang, prônant la création d’un « fonds blouses blanches », le texte sur ces douzièmes provisoires n’a pas pu faire l’objet d’un vote.

Et toujours pas de piste pour un nouveau gouvernement…

« Comme précédemment, le groupe Ecolo-Groen apportera ses voix à ce budget », indique Ecolo vendredi matin dans un communiqué. Mais « les difficultés pour le gouvernement minoritaire en affaires courantes d’obtenir le vote de ce budget illustrent de façon évidente que la prolongation de ces affaires courantes n’est plus tenable. Il faut apporter la clarté le plus rapidement possible sur la possibilité, ou non, de former un gouvernement associant le PS et la N-VA. C’est la formule qui est testée pour le moment. Et si ça ne marche pas, nous rappelons qu’il existe une alternative à ce scénario, avec les Verts! », ajoutent les chefs de groupe Ecolo-Groen à la Chambre, Georges Gilkinet et Kristof Calvo, cités dans le communiqué. Cette hypothèse d’une coalition sans la N-VA et avec les Verts a été une nouvelle fois balayée vendredi matin par le CD&V, par la voix de son chef de groupe à la Chambre Servais Verherstraeten sur la VRT.

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