Barbara Trachte

CEB, CE1D, CESS… : savoir répéter ou savoir apprendre ?

Barbara Trachte députée Ecolo à la Fédération Wallonie-Bruxelles en charge des matières liées à l'enseignement

Juin :les jours les plus longs, la fête des papas… et les examens des enfants. Moins drôle ! Surtout après le cafouillage qui a marqué l’organisation des épreuves externes (CEB, CE1D, CESS…) il y a tout juste un an.

. Souvenez-vous, les fuites d’une série de questions d’examens avaient obligé à annuler certaines épreuves, et laissé élèves, parents et enseignants dans la plus grande incertitude. Pour éviter que cela se reproduise, la précédente ministre de l’Enseignement a fait voter ensuite un décret « anti fuites ». L’image est jolie. Le résultat est décevant. Joëlle Milquet s’est bornée à coller quelques rustines et à responsabiliser davantage les directions d’écoles. Ce faisant, elle est passée à côté de l’essentiel : quelle place ces épreuves externes doivent-elles occuper dans le cursus scolaire ? Leur multiplication ne met-elle pas en péril le fondement de l’apprentissage au profit d’un coaching stérile, stressant et injuste ?

Les épreuves externes ont bien sûr un rôle à jouer dans un système d’enseignement de qualité. Elles permettent en effet de poser un diagnostic du niveau des élèves et des éventuelles lacunes qui subsistent, mais aussi d’établir des normes communes, tant pour les enseignants que pour leurs élèves. Mais est-il réellement nécessaire, et efficace, de leur donner une telle place ? La question mérite d’être sérieusement posée. Au total, un élève passe actuellement six épreuves externes dans son cursus obligatoire, soit une tous les deux ans à partir de la 3e primaire. En conséquence : les enseignants consacrent une grande partie de leur temps en classe à préparer leurs élèves à ces épreuves, au détriment de la transmission des connaissances. Dans certaines écoles, les derniers mois de l’année scolaire sont par exemple quasi exclusivement consacrés à l’entraînement aux épreuves, sur base des tests des années précédentes. Et le reste passe à la trappe. Or, il est également primordial que les enfants apprennent…à apprendre. Cette capacité leur sera utile toute leur vie, notamment pour pouvoir se servir des informations emmagasinées.

Ce ‘forcing’ visant uniquement la ‘réussite des tests’ est non-sens pour l’acquisition des connaissances. Au-delà de ça, que dire de la pression que subissent les élèves, et du stress pour les parents ? Certains d’entre eux se sentent contraints de recourir à des professeurs particuliers pour ‘driller’ leurs enfants ou de leur imposer un rythme infernal de préparation en dehors des heures scolaires. Les manuels de préparation, les logiciels en ligne ou encore des conseils pour ‘mieux affronter les examens’ foisonnent. Une telle pression sur des enfants si jeunes est-elle vraiment nécessaire ? Rappelons que les premières épreuves évaluent des élèves d’à peine une dizaine d’années…

CEB, CE1D, CESS… La question des épreuves externes et de leur multiplication dépasse les murs des salles de classe

Par ailleurs, ces épreuves, ce stress, ces préparations… augmentent encore les inégalités déjà trop présentes dans notre système d’enseignement actuel. Certains parents n’ont en effet ni le temps, ou les compétences, ni les moyens financiers pour accompagner leurs enfants dans ces révisions. On peut dans tous les cas légitimement s’interroger : si l’enseignant pouvait se concentrer un peu plus sur sa mission, c’est-à-dire enseigner, ces dépenses seraient-elles encore nécessaires ? Et si tous les élèves pouvaient se concentrer un peu plus sur l’acquisition de connaissances générales et diversifiées, au lieu d’apprendre ‘au forcing’ voir ‘par coeur’ des réponses à des questions d’examens standardisés, ne seraient-ils pas mieux armés pour la suite de leur parcours, quelle que soit leur origine sociale ou culturelle ?

Ces divers éléments imposent une conclusion claire : pour que les épreuves externes soient efficaces et utiles, il faut avoir le courage de réduire progressivement leur nombre. En faire moins, les faire mieux. Prendre le temps de s’interroger sur ce qu’on souhaite pour nos enfants : qu’ils sachent répéter des réponses à des questions types, quitte à ne pas les comprendre ? Ou qu’ils soient curieux et désireux d’apprendre qu’ils soient capables d’apprendre ? Et dès lors capables d’utiliser les connaissances acquises tout au long de leur vie ? Notre monde est en perpétuel changement, chaque jour pose un nouveau défi à relever. Les réponses d’hier et toutes faites ne sont pas à la hauteur des enjeux qui se poseront dès demain.

La question des épreuves externes et de leur multiplication dépasse les murs des salles de classe.

La réflexion sur leur fréquence et sur le rôle qu’elles ont à jouer dans un enseignement de qualité doit avoir lieu. Il en va de la qualité de notre enseignement, de son équité, mais aussi du plaisir d’enseigner et d’apprendre.

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