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Ce que disent les éditos de ce dimanche « en jaune et noir »

Les éditorialistes de la presse belge, tant francophone que flamande, relèvent unanimement le plus grand défi devant lequel Bart De Wever et Elio Di Rupo ont été amenés par les électeurs: se parler. Après, les chemins divergent, les Flamands se montrant plus radicaux sur la manière dont les francophones devront mener les négociations.

Les éditorialistes de la presse francophone de ce lundi matin ne manquent pas de constater et commenter le phénomène De Wever au Nord et la victoire du PS au Sud. Ils recommandent aussi aux partis francophones de ne pas rester sourd au message lancé par le Nord du pays.

Sud-Presse: « Les francophones sont ouverts, mais cela ne doit pas signifier qu’ils feront la carpette. » De Wever et les Flamands veulent que le pays change mais il reste à savoir si ce changement est encore compatible avec l’unité du pays, constate en substance Demetrio Scagliola dans les journaux du groupe Sud Presse. La Flandre a fait savoir qu’elle veut que le pays change profondément. Désormais, on ne pourra plus dire que les problèmes institutionnels sont une invention des politiques, souligne l’éditorialiste, affirmant que les partis francophones ont bien reçu le message et sont prêts à discuter. « Mais être disponible, cela ne signifie pas faire la carpette devant les revendications flamandes », dit-il.

Ce n’est pas un hasard si trois partis francophones, qui seront peut-être aux affaires, ont parlé d’un plan B en cas de départ de la Flandre, note Sud Presse, souhaitant que le front francophone reste plus uni que jamais et que le MR ravale sa défaite pour construire avec les autres la Belgique de demain.

Le Soir: « Les Flamands n’ont pas chargé Bart De Wever de décréter l’indépendance de la Flandre. » Dans Le Soir, Béatrice Delvaux note que Bart De Wever et Elio Di Rupo ont le sort de la Belgique en mains. Ils incarnent des positions idéologiques absolument opposées mais sont en position politique pour construire un véritable pacte. Ils ont donné des signes qu’ils ont compris l’enjeu et il leur reste à concrétiser d’urgence. Le succès de Bart de Wever est énorme et la Flandre s’est choisie un nouveau héros; « c’est de fait historique », dit-elle, notant que la victoire a ses limites, du fait même de son ampleur. Les Flamands ne l’ont pas chargé, du moins pas tout de suite, de décréter l’indépendance mais ont crié haut et fort qu’il faut réformer le pays et régionaliser davantage.

Un message clairement de ras le bol et nationaliste, estime Le Soir, ajoutant que si la main tendue du vainqueur flamand sera toujours vue comme suspecte par les francophones, Elio Di Rupo et Bart De Wever, en vrais détenteurs du pouvoir, sont en position de construire un véritable pacte.

La Libre Belgique: Les francophones devront être ouverts, unis et déterminés. Dans La Libre Belgique, Vincent Slits désigne aussi N-VA et PS comme grands vainqueurs du scrutin et invite à ne pas écarter d’un geste de la main le message de l’électeur flamand. Mais que fera De Wever de sa victoire et sera-t-il capable de s’inscrire dans une logique de concession?, s’interroge l’éditorialiste, ajoutant que dans un schéma électoral inédit, les francophones devront faire preuve d’ouverture pour négocier une réforme de l’Etat, d’unité pour pousser Di Rupo au 16 rue de la Loi et de détermination pour marquer la ligne rouge à ne pas franchir, qui remettrait en question la solidarité interpersonnelle, le statut de Région à part entière de Bruxelles et les droits des francophones.

La Dernière Heure: La N-VA en 2010, comme le Vlaams Blok de 1991. Le verdict est « très dur » pour le jeune président d’Open Vld et son homologue du CD&V ne s’en tire guère mieux, juge Christian Carpentier dans La Dernière Heure. Mais pour lui, le plus important, c’est le raz-de-marée de la N-VA, à peine moins inquiétant que celui du Vlaams Blok en 1991. Il est urgent que les francophones arrêtent de fermer les yeux sur cette aspiration nationaliste forte et qu’ils y apportent des réponses crédibles, en laissant de côté les jeux de partis qui ont empêché de le faire il y a trois ans. Pour les formations politiques accrochées à la belgitude, cela demandera bien du courage, note encore l’éditorialiste.

L’Avenir: Bart De Wever rassure, les autres partis le dédiabolisent. Avec un soupçon d’ironie, Thierry Dupièreux salue dans les journaux du groupe L’avenir l’esprit d’ouverture de Bart De Wever et d’Elio Di Rupo mais relève les propos plus pessimistes, du côté du FDF et du MR notamment. A l’entame des négociations, M. De Wever se montre rassurant, alors que les autres partis le « dédiabolisaient  » de façon quasi-spectaculaire. Mais les négociations seront extrêmement compliquées et BHV ne sera peut être pas le dossier le plus difficile, dit l’éditorialiste, qui souhaite que cela se passe dans la sérénité et l’ouverture à l’autre.

Côté flamand, on multiplie les mises en garde aux francophones

Quelques heures après l’issue du scrutin, les premiers éditoriaux de la presse flamande ont souligné le caractère historique du résultat en Flandre mais aussi la situation paradoxale de la N-VA, à présent obligée de réussir là où Yves Leterme et le CD&V ont échoué en matière institutionnelle.

De Morgen: « Le nationalisme flamand est revenu dans le champ de la démocratie. » Pour l’éditorialiste du Morgen, Yves Desmet, l’issue du scrutin est « historique » dans la mesure où jamais auparavant, on a assisté à un tel glissement de voix. Bart De Wever a construit un « nouveau large parti du centre », faisant aussi en sorte que les trois partis « classiques » n’atteignent plus, ensemble, la moitié des voix, tandis que le nationalisme flamand est revenu dans le champ de la démocratie.

Mais, a averti Yves Desmet, le résultat a également placé Bart De Wever devant une énorme responsabilité et un choix déchirant: soit rechercher une majorité des deux tiers en mesure de réaliser une grande réforme de l’Etat et la scission de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde avec Elio Di Rupo comme Premier ministre, soit adopter une stratégie de pourrissement et de blocage comme groupe politique le plus important et en tant que membre du gouvernement flamand.

De Tijd: « Si De Wever échoue, il finira comme Yves Leterme. » L’événement est historique en ce que pour la première fois, un parti nationaliste est la première formation de Flandre, a souligné Pieter Blomme, du quotidien De Tijd. Celui-ci a mis en évidence l’ironie du sort qui fait qu’en 2007, la N-VA avait fait campagne contre le président du PS Elio Di Rupo sous le slogan « ne te laisse pas nouer », faisant allusion au noeud papillon du président du PS, et qu’à présent, le patron de la N-VA devrait se mettre à table avec celui-ci pour former un gouvernement, alors que leurs formations n’ont pas grand chose en commun. Pour l’éditorialiste du journal économique et financier, Bart De Wever devra montrer ce qu’il fait de sa victoire écrasante. S’il échoue, il risque de finir dans de mauvais draps comme le vainqueur de 2007 et 2009: le CD&V Yves Leterme.

Het Laatste Nieuws: « Les francophones doivent comprendre qu’ils ont encore une chance d’arrêter de dire non. » Dans Het Laatste Nieuws, Luc Van der Kelen écrit que l’histoire retiendra du 13 juin 2010 que ce fut une « journée noire et jaune », durant laquelle les trois partis flamands traditionnels ont été dépassés par un parti nationaliste qui n’existait pas il y a dix ans. L’éditorialiste s’est montré très dur avec Yves Leterme et sa stratégie de « cinq minutes de courage politique » (ndlr pour scinder l’arrondissement de BHV): « Marianne Thyssen a pris sur elle toute la merde du premier ministre durant la campagne et elle a été balayée. L’électeur flamand n’a pas voulu entendre les histoires d’économies à réaliser, racontées par Alexander de Croo. Il a à peine écouté l’histoire sociale des socialistes, pour ne pas parler des anti-islamistes du Vlaams Belang ».

Pour Luc Van der Kelen, il s’agit par ailleurs d’un signal fort en direction du sud du pays. Encore une fois trois ans et De Wever and co ont la majorité absolue. « Tous les partis doivent bien comprendre qu’ils ont encore une chance: arrêter de dire non, arrêter de faire des exclusives, se mettre à table et parler entre grandes personnes ».

LeVif.be, avec Belga

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