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Ce que coûtent nos élus

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Députés et sénateurs gèrent leur budget en toute autonomie et en toute discrétion. Quels sont les montants en jeu ? Combien touchent-ils d’argent public ? Enquête sur un système opaque et mal connu.

La Chambre et le Sénat reçoivent une dotation publique pour leur fonctionnement. Une très grande partie de ces dotations sert à rémunérer leurs membres. Les députés parlementaires sont donc payés par des budgets publics.

Or, il y a une étrange pudeur à parler d’argent, tant à la Chambre qu’au Sénat. Et le parlement fédéral ne doit rendre de comptes à personne. Ni à la Cour des comptes (qui en dépend) ni au gouvernement. Protégé par le sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs, il jouit d’une totale autonomie financière. Résultat : il pêche trop souvent par un manque de transparence. Il communique peu sur son contenu, même si ses comptes sont publiés, poste par poste. Mais les documents de la questure ou de la commission de la comptabilité (toutes les deux chargée d’établit son budget et de l’apurer) sont des dossiers internes, non accessibles. Et le parlement n’a qu’un seul « chien de garde » : lui-même. En d’autres termes, des parlementaires qui contrôlent leurs collègues.

Pour autant, dans le contexte de crise d’aujourd’hui, la Chambre et le Sénat ont annoncé des efforts de rationalisation et d’économies. Certaines dépenses des élus ont été limitées : frais de déplacement, bouteilles de champagne, eau chaude supprimée aux sanitaires… Mais les revenus réels ont, eux, pas vraiment diminués.

En 2012, la Chambre et le Sénat ont reçu respectivement 122 019 000 d’euros et 69 881 000 d’euros de dotations de la part de l’Etat fédéral. Ces montants, appelés dotations, ne sont pas fixés par une loi. Au nombre de cinq pour chacune des deux assemblées, les questeurs – des parlementaires – établissent eux-mêmes les crédits nécessaires à leur fonctionnement, et estiment eux-mêmes leurs dépenses et leurs recettes. Ainsi pour 2013, la Chambre a demandé une dotation de 124 219 000 d’euros, le Sénat, 71 953 000 d’euros. Avec près de 192 millions d’euros par an, le parlement fédéral est donc l’institution la mieux dotée.
Décidée en décembre de l’année précédente, la dotation est versée en une seule fois, en début d’année. Une part est notamment investie en placements financiers. Le Sénat a ainsi pu empocher en 2010 (dernière année connue) 386 000 d’euros de revenus supplémentaires, grâce à des placements financiers. Et ce sont encore des députés qui président la commission de la comptabilité, chargée de vérifier et d’apurer leurs comptes. Ses dossiers sont des documents internes, que seuls les députés peuvent consulter.

Si le parlement n’a pas à rendre des comptes, il n’a pas non plus à restituer l’argent qu’il n’utilise pas. En 2011, la Chambre a ainsi bénéficié d’un boni de 2 262 666 euros. Tandis que les sénateurs constataient, toujours en 2011, « une sous-utilisation des crédits pour la plupart des postes ». Le « trop-perçu » des deux assemblées ont donc fini par constituer une réserve. Celle de la Chambre est aujourd’hui de l’ordre de 7 860 000 euros. Cette somme ne figure pas d’emblée dans les comptes publiés par l’Assemblée. Il faut une question d’un député (une seule) pour la voir apparaître. C’est en puisant notamment dans cette manne (qui était encore de 16 895 160 euros en 2011) que la Chambre paie les indemnités de départ des députés. Autre « trésor de guerre » : la caisse de pension du Sénat. Car la cotisation acquittée par les élus (8,5 % retenus sur leurs indemnités parlementaires brute) reste dans ses tiroirs pour financer leur régime de pension. On ignore le montant de cette cagnotte, mais les cotisations perçues par le Sénat en 2012 s’élevaient, elles, à 4 040 660 euros en 2012.
Concrètement, chaque parlementaire reçoit 5 444,74 euros net mensuel. Une part de leur salaire est reversée à leur parti, sous forme de rétrocessions, non déductibles fiscalement. Part qui diffère selon les partis. Au montant perçu, s’ajoutent évidemment les rémunérations liées aux autres fonctions de chaque élu. Ainsi, dans le cas de Paul Magnette, 41 ans, sénateur, maïeur de Charleroi, président du PS et professeur à temps partiel à l’ULB : aux 5 444 euros d’indemnité parlementaire et d’indemnité pour frais exposés, il faut ajouter son traitement de
bourgmestre (5 055 euros net mensuel), celui de président du PS (non communiqué) et celui de professeur.

L’enquête intégrale et la ventilation des montants dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

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