Marius Meremans © Hatim Kaghat

Canon flamand : « Chez un certain nombre d’allochtones, la volonté de s’intégrer est trop faible »

Walter Pauli
Walter Pauli Walter Pauli est journaliste au Knack.

Le député flamand Marius Meremans (N-VA) n’est pas très connu, mais en tant que vice-président de la commission de la jeunesse, des sports et des médias, il le sera certainement. Il a contribué à la création d’un canon flamand et d’un musée d’histoire flamande, et à la révision de la coopération avec la VRT. Entretien avec notre confrère de Knack.

Au parlement, Meremans est la voix de la N-VA dans le domaine culturel. Ce n’est pas une tâche facile. Les membres du parti qui s’occupent de questions économiques sont en contact permanent avec les employeurs flamands. Dans ce contexte, la sympathie pour un parti nationaliste flamand est beaucoup plus grande que dans les milieux culturels progressistes de gauche.

Dans le journal De Morgen, le sociologue Mark Elchardus a averti que la mise en place d’un canon est toujours un « sport de combat ».

(soupir) Pour certains commentateurs, il s’agit d’un instrument permettant aux politiciens de lutter pour un régime totalitaire. J’ai dit à ma femme : « Je devrais peut-être faire ma valise et aller à Nuremberg pour y être jugé ».

C’était une explication de nul autre que Bart De Wever de 2002 : la plupart des régimes autoritaires se servent d’une histoire canonisée.

Bien sûr, on peut abuser d’un canon. En Turquie, aucun livre d’histoire n’enseigne ce qui est arrivé aux Arméniens ou aux Grecs pontiques. Bart De Wever a fait le contraire. En tant que bourgmestre, il a mis en évidence le rôle néfaste de la police anversoise dans la persécution des Juifs.

Regardez, un canon comme celui-ci nous enseigne ce qu’est notre passé collectif, les bonnes et les mauvaises choses. Parmi les colons du Congo belge, il y avait aussi un bon nombre de Flamands. Et il serait impensable d’ignorer ce qui s’est passé dans les années 1930 et 1940. Il y a aussi, bien sûr, des aspects positifs, tels que l’histoire de l’émancipation sociale.

Le danger de telles listes, c’est qu’on utilise toujours l’histoire pour le présent.

Pas nécessairement, non ? Il y a quelques années, l’honorable Koninklijke Academie voor Nederlandse Taal- en Letterkunde (Académie royale de Langue et Littérature néerlandaises) a rédigé un canon littéraire à la demande du Vlaams Fonds voor de Letteren (Fonds flamand pour les Lettres). Là aussi, il y a eu des critiques. Yamila Idrissi (ex-SP.A) l’a qualifié de liste d' »hommes blancs morts ». En effet, Stijn Streuvels et Hugo Claus sont décédés, même moi je ne peux rien n’y changer.

La politique ne doit pas vouloir réécrire l’histoire. Nous laissons donc la composition d’un tel canon à un comité indépendant. En même temps, un canon nous oblige à réfléchir et à discuter de notre identité commune et d’un passé commun. Cela s’applique également aux nouveaux arrivants. La société flamande n’est pas une feuille blanche que chacun peut remplir selon ses goûts. Une société sans cadre collectif et sans valeurs communes pourrait nous conduire à une guerre civile. C’est pourquoi cet accord de coalition se concentre sur le caractère inclusif de la société flamande. C’est la différence essentielle entre le Vlaams Belang et le N-VA. Le VB dit : « Les musulmans ne peuvent pas être flamands » ou « Avec l’islam, on n’a que des ennuis ». C’est ce que dit le VB, pas la N-VA.

Non ? L’accord de coalition dit sur un ton neutre qu’il sera beaucoup plus difficile de créer de nouvelles écoles. Du coup, Nadia Sminate, députée de la N-VA, a tweeté l’intention réelle de cette mesure :  » Le gouvernement flamand ne veut pas d’écoles islamiques « .

Nadia Sminate a raison. Les musulmans peuvent déjà pratiquer leur religion dans nos écoles aujourd’hui ?

Comment le gouvernement flamand peut-il expliquer aux musulmans de ce pays que tous les Flamands sont égaux devant la loi si on accepte les écoles catholiques, mais pas les écoles islamiques?

L’existence des écoles catholiques ne signifie pas que les élèves doivent saluer la croix tous les jours, non ? Je ne suis pas en faveur d’écoles musulmanes. Elles existent aux Pays-Bas, et il y a constamment des problèmes. Quel est le but des gens qui insistent pour créer des écoles islamiques ? Veulent-ils seulement donner un meilleur enseignement? Est-ce qu’ils ne trouvent vraiment pas leur compte dans l’éducation existante ? Pour moi, c’est la question cruciale : les écoles musulmanes ségrégent-elles ou favorisent-elles l’intégration? Offrent-elles une meilleure éducation à ces enfants ? Éduquent-elles de meilleurs citoyens pour la société flamande ? Ne nous leurrons pas: chez un certain nombre d’allochtones, la volonté de s’intégrer est trop faible. Je ne voudrais donc pas leur donner des instruments supplémentaires pour participer encore moins à notre société. La position de la N-VA est claire : les enfants musulmans doivent s’inscrire dans nos écoles.

L’accord de coalition flamand exprime en effet une grande insatisfaction quant aux résultats de la politique d’intégration telle qu’elle a été menée jusqu’à présent.

C’est vrai. La N-VA n’est pas la seule à ressentir cela. Cet accord de coalition flamand est soutenu par trois partis, tous trois favorables à une politique d’intégration plus stricte. Ces accords ont été approuvés par trois congrès des membres, de sorte que la politique bénéficie d’un large soutien.

Les « anciens » et les « nouveaux » Flamands ne se rencontrent pas assez, hormis dans les clubs de football. Dans nos centres culturels, je ne vois presque jamais de personnes d’origine immigrée. Pourtant, il existe des formules bon marché, comme Uitpas. Le manque d’argent ne peut donc pas être un obstacle. Nous faisons tous les efforts possibles pour impliquer ces gens. Il y a une lourde responsabilité de la part des dirigeants et des faiseurs d’opinion de ces communautés. S’ils ne disent pas: « envoyez vos enfants aux mouvements de jeunesse Chiro et au KSA, laissez les filles aller au centre de jeunesse », alors ça n’arrivera pas. J’ai l’impression que certains meneurs immigrants préfèrent assumer le rôle de nos vicaires d’il y a quelques décennies. Dans la communauté immigrée, il y a encore trop de crispations par rapport à l’ère moderne. Il n’est pas logique qu’ils appliquent des règles plus strictes en matière d’habillement ici que dans les pays d’origine ?

En même temps, je pense que vous devriez être prudent avec ces gens. Nous ne devons pas les stigmatiser, nous devons leur tendre la main. Mais ils ont le devoir de saisir cette main tendue.

Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

La N-VA veut une culture de leadership pour la Flandre. Chaque habitant de la Flandre souscrit au même cadre social, en dépit de nos points de vue différents ou d’une origine différente.

Vous voulez aussi un musée d’histoire flamande. Faut-il le construire à Anvers ou à Bruxelles ?

C’est un point délicat. Il y a d’autres candidats : Vincent Van Quickenborne (Open VLD) aimerait ouvrir ce musée à Courtrai, « la ville de la Bataille des Éperons d’Or en 1302 ». Alost est également demanderesse. (ricanements)

Selon l’accord de coalition, la VRT doit également propager différemment l’identité flamande.

Selon son site Internet, la VRT veut « informer, inspirer et connecter tous les Flamands, et ainsi renforcer la société flamande ». Dans la pratique, la radiotélévision publique est prise entre deux feux. J’aimerais que la VRT coopère plus clairement pour faire prendre conscience que chacun fait partie de la même Communauté flamande. Cela ne signifie pas, bien sûr, que le Lion flamand doive être hissé tous les matins ou que l’hymne national doive résonner, comme c’est le cas aux États-Unis à l’école. Nous n’allons pas imposer unilatéralement à la radiotélévision publique la manière dont cela doit être fait : cela se fera dans le dialogue. Mais à la VRT, ils ont aussi lu l’accord de coalition. Ils savent donc que nous allons leur présenter un nouveau contrat de gestion.

Ils sont surtout choqués. Personne ne s’attendait à une économie de 44 millions d’euros.

La VRT ne doit pas se plaindre. En effet, la radiotélévision publique doit encaisser des coupes, mais moins que d’autres organisations. Il est difficile de demander plus d’efforts au Bien-être, juste pour épargner à la VRT. Chacun doit apporter sa contribution. En outre, avec le gouvernement flamand précédent, nous avons fourni des fonds supplémentaires pour le nouveau bâtiment de la VRT. Je ne vois donc pas de  » massacre  » de la VRT, comme l’a dit Jos D’Haese, ce jeune homme du PVDA.

N’est-ce pas là l’enjeu de tout cet accord de coalition : le gouvernement Jambon qui veut oeuvrer à une Flandre plus flamande ?

J’aimerais que nous arrivions à une Flandre où tout le monde se sent Flamand. Que chaque habitant, quelles que soient ses racines, se sente appartenir à la nation flamande. Vous savez, beaucoup de critiques à l’égard de l’accord de coalition sont le résultat d’une lecture différente du même texte. On peut y voir une longue série de devoirs. Il offre également une large invitation à participer à la société flamande. Cela ne signifie pas que tout le monde doit être d’accord sur tout, mais cela signifie que tout le monde souscrit à la culture publique flamande. Je me souviens qu’après les émeutes dans les banlieues le président français Nicolas Sarkozy s’est adressé aux instigateurs, souvent des jeunes d’origine maghrébine. Il s’est adressé à eux en ces termes :’Françaises et Français’. C’est ainsi que nous devrions tous vouloir être traités : en tant que « Flamands ».

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