Bulles à facette (1/6): avoir bonne Minne avec de la bière

Sandrine GOEYVAERTS
Sandrine GOEYVAERTS Sommelière, caviste, blogueuse et auteure de Jamais en carafe (à paraître)

Combien de millions de bulles dans un verre de bière, de cidre ou de vin effervescent? Les scientifiques ont creusé la question mais quand on aime, on ne compte pas. Balade en Belgique pétillante.

Pour Catherine et Philippe Minne, la bière est une profession de foi. De la brasserie de Bastogne (le Sanglier, dites) à la brasserie Minne, il y a eu quelques années et kilomètres: on a vu les cuves grossir, la chaîne de mise prendre du galon. Même si on affectionne la vieille machine qui fait bien son boulot: « Le bruit de cette antique capsuleuse, ce tac tac tac là, c’est une poésie », murmure Catherine en faisant le tour des propriétaires: les sacs emplis de malts d’abord, les Vienna, Munich, Pilsner, s’entassent comme une oeuvre à composer. Plus loin, les houblons viendront corser la partition.

Moudre le grain, empâter: les bières en devenir, liquides et dorées, seront mises en ébullition, puis en fermentation grâce au fond de cuve contenant des levures en provenance d’Orval, bien vivantes. Enfin, elles suivront selon leur destinée soit le chemin de la mise en bouteille, en canette ou du conditionnement en fût. « On ne veut pas s’encroûter, alors on sort des nouveautés souvent », confie Catherine.

Par exemple, de véritables « vins d’orge », vieillis en barriques de genièvre, de vin jaune, de cognac. Un coup de klaxon, un camion qui arrive, le transpalette se met en branle. Dans cette brasserie petite mais costaude, tout vit et respire: de l’orge chaude, des mains au coeur du grain jusqu’à beaucoup d’amour qu’on met dans les verres.

La bière que j’ai choisi de déguster, la Super Sanglier, elle se boit par une de ces journées d’été où tout plaque, tout est moite, le moindre tissu est insupportable. Servie dans un verre à vin, dont la surface s’orne de gouttes, la bulle explose sur la langue, en une caresse revigorante. Puis le houblon remplit la bouche, une saveur intense mais fraîche, ça a du nerf et du jus! L’amertume est là, pour secouer un peu, comme on morigénerait tendrement un amour qui manque roupiller au soleil. Elle a une ardeur d’avance, comme dirait l’autre. Et sa « naissance » n’a rien du hasard.

Toujours plongée dans des bouquins, Catherine tombe un jour sur la mention d’une « super sanglier » autrefois brassée à Hotton, à une petite dizaine de kilomètres d’où est la brasserie Minne. Ni une ni deux: Catherine décide de la faire renaître, au moins de nom: le style est Minne, avec sa mousse parfaite, ses bulles fines. Une bière toute légère et très aromatique, qu’on aimera savourer avec une tomate-crevettes ou, encore plus belge, une pêche au thon. Et que ça bulle!

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