Sophie Rohonyi

Attentats de Bruxelles: victimes de la barbarie du terrorisme… et de la lâcheté du gouvernement (carte blanche)

Sophie Rohonyi Députée fédérale DéFI

Six ans après les attentats de Bruxelles, l’Etat est défaillant concernant l’aide à apporter aux victimes, dénonce la députée fédérale DéFI Sophie Rohonyi. Qui cite plusieurs exemples concrets démontrant, selon elle, que ces victimes sont « abandonnées et méprisées » par le gouvernement.

Il y a tout juste six ans, notre pays était frappé par d’effroyables attentats.

Nous en sommes sortis meurtris et impuissants vis-à-vis des victimes qui porteront toute leur vie les séquelles de ces attaques aussi lâches que barbares.

Nous sommes toutefois des élus du peuple. Nous avions (et avons encore!) la responsabilité et le devoir d’informer et d’accompagner au mieux toutes ces victimes.

Au-delà des mots et des hommages, les victimes méritaient des actes.

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C’est pourquoi la Commission d’enquête parlementaire Attentats a réalisé un travail remarquable, avec 22 recommandations on ne peut plus claires à destination du gouvernement. Aujourd’hui, force est de constater que peu de ces recommandations ont été mises en oeuvre par nos autorités, laissant les victimes livrées à elles-mêmes et démunies, pour ne pas dire abandonnées.

Les démarches restent lourdes et innombrables. Certaines victimes et leurs proches ne sont toujours pas reconnues comme telles par l’Etat, et n’ont été ni prises en charge ni indemnisées, faute d’avoir été informées de leurs droits.

Fort heureusement, des associations se sont rapidement constituées pour pallier ces manquements. L’une d’elles, Life4Brussels, soutient les victimes au quotidien, en lieu et place de l’Etat: un Etat défaillant, qui se soustrait à ses responsabilités, et qui renforce même les discriminations entre les victimes.

En voici quelques exemples:

  • Le Guichet unique – destiné à informer les victimes de leurs droits – ne concerne pas les victimes du 22 mars 2016, mais uniquement de potentielles futures victimes. Les victimes du 22 mars étaient pourtant celles que visaient les recommandations de la Commission d’enquête parlementaire Attentats et, surtout, celles qui avaient immédiatement besoin d’une telle simplification administrative.
  • Malgré l’envoi d’une lettre de mise en demeure par la Commission européenne, le 27 janvier 2016, la Belgique reste toujours en défaut de transposer la directive européenne du 25 octobre 2012 qui octroie aux vicimes du terrorisme des droits clairs en matière d’accès à l’information, de participation aux procédures pénales, mais aussi de soutien et de protection adaptés à leurs besoins. Cette Directive devait en effet être transposée pour le 16 novembre 2015…
  • L’Etat belge a limité son intervention dans la couverture des frais d’avocat et de voyage pour les victimes résidant à l’étranger et refusé de prolonger les délais pour bénéficier d’une aide financière en tant que victimes du terrorisme (qui a expiré le 18 mars 2020). Ce refus est particulièrement incompréhensible lorsque l’on sait que le procès pénal n’a pas encore commencé.
  • De plus, l’Etat a sciemment omis de faire savoir aux vctimes qu’elles pouvaient être aidées en tant que victimes « hors terrorisme », estimant que c’était « logique ». Or, les victimes des attentats de Bruxelles devraient alors attendre le jugement du procès pénal (pas avant septembre 2024) pour être indemnisées auprès d’auteurs dont l’insolvabilité est connue de tous! Le refus de l’Etat belge de prolonger ce délai a donc pour conséquence que les victimes des attentats qui solliciteraient aujourd’hui l’aide d’un avocat ne pourront plus être aidées.
  • L’Etat a accordé à une association de victimes un subside de 200.000 euros (sur un total de 300.000 euros par an) dans le cadre d’un projet de coaching de victimes, à l’exclusion totale de l’autre association, Life4Brussels, et des 532 victimes qu’elle représente. Malgré mes nombreuses interpellations parlementaire, cette décision a été prise sans la moindre transparence autour des critères d’attribution de ce subside et sans la moindre justification de cette discrimination.
  • Depuis 2017, une victime a été privée de sa qualité d’ayant droit, alors qu’elle vivait sous le même toit que la victime décédée, au motif qu’elle était la maman et non la compagne ou l’épouse du défunt. La loi créant le statut de solidarité nationale a pourtant pris soin d’accorder les mêmes droits à toutes les personnes qui cohabitaient (de fait ou sous le régime de la cohabitation légale) au moment de l’attentat, sans notion de « couple ». Une « erreur du SPF Pensions » qui n’aurait pas dû arriver si les gouvernements successifs avaient veillé à ce que leurs services appliquent correctement la loi !
  • Enfin, l’Etat vient de faire appel contre une décision du tribunal du travail de Bruxelles qui restaure dans ses droits une victime invalide à 90%, dont les séquelles ne sont pas encore stables et donc non consolidées. Il s’agit du droit de recevoir sa pension de dédommagement tous les mois, comme c’est le cas pour les victimes résidant en Belgique, alors qu’elle en était exclue depuis 2019 pour le seul fait d’être une victime étrangère non-résidente. Cette différence de traitement ne repose donc sur aucune base légale et place cette victime britannique dans une situation de précarité qui l’oblige à s’endetter.

Six ans après les attentats de Bruxelles, nous en sommes donc là: des vies brisées à jamais, des victimes abandonnées et méprisées par un Etat qui était censé les protéger. Les victimes doivent s’adresser à des associations pour être soutenues, informées de leurs droits et restaurées dans ceux-ci.

Les victimes doivent emprunter de l’argent pour survivre et se faire aider.

Les victimes doivent se diriger vers les députés fédéraux de l’opposition pour connaître le suivi des recommandations de la Commission d’enquête parlementaire Attentats, faute de suivi régulier par une commission parlementaire spécifique que la Vivaldi refuse d’instituer!

Force est de constater que le discours du Premier Ministre Alexander De Croo, s’adressant aux victimes du terrorisme à l’occasion des commémorations du 22 mars 2021, n’a pas été suivi d’actes. Les victimes avaient pourtant placé énormément d’espoir dans ces quelques mots : « Les pouvoirs publics, eux aussi, se doivent de garder cette humanité. D’apporter soutien et proximité. Si cela n’a pas été suffisamment le cas à certains moments, nous devrons faire mieux. Nous ne pouvons laisser personne de côté« .

Six ans après avoir vécu l’enfer, les victimes des attentats de Bruxelles sont ainsi doublement victimes du drame qu’elles ont traversé.

Victimes de la barbarie du terrorisme.

Victimes de la lâcheté du gouvernement.

Sophie Rohonyi, députée fédérale (DéFI)

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