Nicolas Baygert

Après le Big Bang électoral, la guerre des personnalités

Nicolas Baygert Chargé de cours à l'IHECS et maître de conférences à l'ULB

Un peu plus d’un an après le Big Bang électoral tant annoncé, quel constat côté francophone ? Big Bang il y eut. Non tant à la vue des conséquences à court terme pour le pays (en cela, la théorie créationniste de l’Intelligent Design gouvernemental serait à privilégier, compte tenu des bouleversements induits par la sixième réforme de l’Etat préalablement actée) mais pour l’impact déterminant du scrutin sur l’ensemble du biotope partisan.

Winter is coming. Le blizzard suédois symbolise depuis l’automne le climat bipolaire soufflant sur les assemblées. Dans cet hiver politique où trépassent les faibles et succombent les aînés, les petites et moyennes formations luttent pour leur survie. La redramatisation soudaine des relations entre partis a en effet sonné le glas du pacte de non-agression qu’illustrait le fameux « consensus à la belge ». Finie, donc, l' »Ecole des Fans » ; une génération entière d’élus découvrit l’alternance – cet « oxygène de la démocratie » selon François Mitterrand (1), qui en asphyxia pourtant plus d’un.

Dans cette guerre de tous contre tous, le MR résista d’abord avec flegme à la première vague d’assauts, menée par une famille socialiste aux abois, se voyant comme injustement détrônée, voire détentrice d’un pouvoir légitime. En ligne de mire : l’axe (« du mal ») MR – N-VA. Une fronde finalement déjouée par un élément de langage du Premier ministre, Charles Michel : un « sur la N-VA, je me suis trompé » venant laconiquement refermer une séquence de confusion et donc, de vulnérabilité.

Une seconde attaque, cette fois-ci en provenance du maquis vert, cible désormais Marie-Christine Marghem, actuel  » maillon faible » de l’étonnant casting libéral et sparring-partner de Jean-Marc Nollet (en binôme avec Kristof Calvo) en commission Energie. Nollet, seul Ecolo audible et ce malgré un nouveau duumvirat fraîchement élu. Paradoxe : la ministre MCC servirait de bouée médiatique au parti toujours en phase de « Re-génération » coincé entre idéologie et stratégie.

Dans cette année de reconfiguration belliciste, les partis s’effacent plus que jamais derrière les personnalités.

Constat similaire au CDH, où malgré le sursaut tardif de « centrisme radical » qui déboucha sur l’éviction définitive des rangs humanistes de l’élue AKP-Bruxelles Mahinur Özdemir, la quête identitaire se poursuit.

En réalité, dans cette année de reconfiguration belliciste, les partis s’effacent plus que jamais derrière les personnalités. A l’instar des syndicats, les structures partisanes perdent du terrain face à la médiatisation de leurs figures de proue. Jadis homme d’appareil, le leader-marque joue de plus en plus sa partition en soliste.

Ainsi, au PS, derrière « le chantier des idées », c’est d’ores et déjà l’après-Di Rupo qui se bâtit. Ce dernier gardant ses habits de « shadow Premier » protocolaire, c’est entre Paul Magnette, auteur d’un ouvrage sous forme de mantra : La gauche ne meurt jamais (2), et Laurette Onkelinx, véritable meneuse de revue socialiste durant l’année écoulée, que se dispute le leadership idéologique. Le premier mordant sur sa gauche en fustigeant le PTB, la seconde prônant une écologie de gauche – coupant là encore l’herbe sous le pied d’Ecolo. Deux stratégies de (re)conquête validant la dynamique de bipolarisation actuelle.

Aussi, dans cet environnement particratique chamboulé, guerriers MR et PS semblent nous dire : « Il ne peut en rester que deux. »

(1) François Mitterrand, Pensées, répliques et anecdotes, choisies et présentées par Michel Charasse, Paris, Le Cherche-Midi, 1997.

(2) La gauche ne meurt jamais, par Paul Magnette, Liège, Luc Pire, 2015.

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