Nicolas Baygert

Anne Delvaux éjectée d’une particratie belge, dopée au celebrity marketing

Nicolas Baygert Chargé de cours à l'IHECS et maître de conférences à l'ULB

Le « centrisme radical ». Il a donc fallu attendre l’hara-kiri humaniste d’Anne Delvaux pour donner sens à cet oxymore politique. Ne pouvant rempiler comme eurodéputée jusqu’en 2019, l’ex-présentatrice du JT de la RTBF a claqué la porte, critiquant tour à tour le « lynchage » dont elle a fait l’objet de la part des « barons, caciques et huiles » (saintes) du CDH, faisant directement référence aux interviews d’ex-acolytes, restés anonymes, la qualifiant de diva.

Le « centrisme radical ». Il a donc fallu attendre l’hara-kiri humaniste d’Anne Delvaux pour donner sens à cet oxymore politique. Ne pouvant rempiler comme eurodéputée jusqu’en 2019, l’ex-présentatrice du JT de la RTBF a claqué la porte, critiquant tour à tour le « lynchage » dont elle a fait l’objet de la part des « barons, caciques et huiles » (saintes) du CDH, faisant directement référence aux interviews d’ex-acolytes, restés anonymes, la qualifiant de diva.

Autant dire que la crise interne a été gérée avec le tact d’un sanglier ardennais. Une séquence au demeurant riche en enseignements.

Le coach Benoît Lutgen n’aurait fait que répartir les candidats selon l’intérêt du parti – la feuille de match ne se discutant pas. Restée sur le banc de touche européen, la trop individualiste Anne Delvaux a été sommée de s’entraîner avec les réserves provinciales, au profit de Claude Rolin, ex-secrétaire général de la CSC, milieu récupérateur à la moustache télégénique, tout juste happé par les filets humanistes. Ce dernier devra porter un message « social » dans les rangs du PPE – dixit Lutgen, humoriste radical.

Anne Delvaux : un modèle politique de fin de série, une élue victime de l’obsolescence programmée des anciens attrape-voix ? La cueillette des personnalités par les formations démocratiques est une pratique courante. Ces « candidats d’ouverture », censés participer au renouvellement des élites, permettent surtout aux partis d’aguicher de nouveaux publics et d’engranger un capital sympathie découlant d’une notoriété médiatique bien établie. Et à en examiner l’ampleur du phénomène, la particratie belge semble bel et bien se doper au celebrity marketing.

Pour les néophytes, la promesse d’un beau score personnel – une élection en mode one shot. Or, une fois élues, l’aura des vedettes fond comme neige au soleil. Frédérique Ries, eurodéputée depuis 1999, ferait ici figure d’exception. Quid de l’euro-déboutée Anne Delvaux ? Celle-ci n’a « sûrement pas » démérité comme députée européenne. Des mots du président Lutgen, qui soulignent l’indifférence crasse de la classe politique pour un obscur travail parlementaire, rarement récompensé.

Probable parent pauvre du « big-bang électoral » du 25 mai, « l’Europe » demeure un levier stratégique aux projets nationaux des partis, voire une maison de repos pour élus de métier usés ou en disgrâce. De l’art de faire pénitence, sans se faire oublier. A l’inverse, nommée co-rapporteur de la commission Environnement au Parlement européen, Anne Delvaux est actuellement classée 90e (sur 766) en termes de participation aux votes par le site VoteWatch, 3e sur 25 eurodéputés belges et 1ère parmi les francophones (1). « On m’a interdit de présenter mon bilan européen aux voeux du CDH », dénonce l’insurgée.

« Débranchée » des câbles de la matrice particratique – « machine communicationnelle, stratégique, […] machiavélique » – la renégate Anne Delvaux n’a pas voulu « rentrer dans les codes ». Groggy, elle découvre désormais une sombre vérité, celle de sa propre genèse politique : pion mobile et interchangeable, recrue prête-à-jeter préposée au ravalement de façade cosmétique de structures partisanes sclérosées et omnipotentes. Un destin de faire-valoir tout entier voué au momentum électoral, où l’engagement parlementaire tient du hobby. Un rôle auquel d’anciens footballeurs, habitués aux lubies d’entraîneurs, sont bien mieux préparés.

(1) http://www.votewatch.eu

par Nicolas Baygert Chercheur au Lasco (UCL), enseigne les sciences politiques et sociales à l’Ihecs.

Retrouvez la chronique de Thierry Fiorilli le lundi à 7 h 20 sur Bel-RTL Matin.

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