Marie-Thérèse Haze (1782 - 1876). © dr

À Liège, comment les Filles de la croix se sont progressivement effacées

Jean-Marc Damry
Jean-Marc Damry Rédacteur au Vif L'Express

Fondée juste après l’Etat belge, la congrégation des Filles de la croix a connu une expansion hors du commun. Pour progressivement s’effacer ensuite.

Née en 1782 et avant-dernière de six enfants, Jeanne Haze semblait prédestinée à un avenir radieux, au sein d’une famille unie et aisée. Son père faisait partie du tout premier cercle autour de François- Antoine-Marie de Méan, le prince-évêque de Liège. Mais la Révolution complique les choses : la famille Haze connaît l’exil, la dislocation, les deuils, la perte de ses biens. Jeanne tient bon, se forgeant une personnalité où l’attention aux problèmes d’autrui et l’aide active aux plus démunis prennent de plus en plus d’ampleur. Au quotidien, elle et sa soeur Fernande survivent grâce à des petits travaux de broderie et quelques cours à domicile.

En 1829, le curé de la paroisse de Saint-Barthélemy leur confie la direction d’une école gratuite. Trois ans plus tard, à leur demande, il leur rédige une règle de vie religieuse et, en septembre 1833, Jeanne (en religion, mère Marie-Thérèse) et Fernande (soeur Aloysia) prononcent leurs voeux perpétuels. Avec quelques compagnes et novices, elles fondent une congrégation, les Filles de la croix, en référence à une vision dont elles avaient été l’objet dans le ciel liégeois : une grande croix noire, ornée d’une couronne blanche aux crénelures bien distinctes. Pour elles, cette vision était porteuse d’un message : leur association devait devenir une communauté religieuse…

Elles auraient contribué à faire de l’église le troisième propriétaire foncier de la ville.

A partir de 1851, les Filles de la croix essaiment à l’étranger. En Allemagne, en Angleterre, et puis beaucoup plus loin, comme au Pakistan où elles fondent des écoles et des ateliers de couture, ou en Inde où elles développent des écoles, des orphelinats, des pensionnats, des dispensaires et des hospices. Mère Marie-Thérèse est à l’origine de la création d’une cinquantaine d’implantations accueillant au total 900 religieuses. Elle meurt à 94 ans, la congrégation des Filles de la croix poursuivant son oeuvre en prenant racine au Congo, en Irlande, aux Pays-Bas, en Italie, au Brésil, en Californie, au Cameroun.

Chez nous, c’est en province de Liège que l’empreinte est la plus forte. L’expansion des activités des Filles de la croix a été de pair avec la constitution d’un patrimoine foncier important. Il se dit même qu’avec les bénédictines, elles ont contribué à faire de l’Eglise le troisième propriétaire foncier de la ville, après l’Etat et la régie communale ! Dans les faits, nombre d’écoles sont nées à leur initiative : Sainte-Véronique, Sainte-Foy, Sainte-Julienne, Marie-Thérèse, Sainte-Thérèse d’Avila (Chênée), Saint-Lambert (Montegnée), Saint- Remacle (Stavelot)… Le couvent et l’école attenante de la rue Hors-Château à Liège, abritant le siège mondial de la congrégation (généralat), aussi. Et la clinique Notre-Dame des Bruyères, à Chênée. De même qu’une partie des Coteaux de la Citadelle, rachetée par la Ville de Liège.

La crise des vocations a amené les dernières religieuses à progressivement passer la main. D’abord de la direction des écoles, puis de leurs pouvoirs organisateurs (PO). Elles ont accepté la fusion de la clinique des Bruyères avec le CHU, où soeur Fulvie Debatty, la provinciale, siège à titre d’observatrice. La maison mère (généralat) a été transférée dans banlieue de Londres. Les Filles de la Croix se sont séparées de leurs propriétés liégeoises, généralement au profit de leurs occupants. Et ne sortent plus que rarement de la discrétion. Comme en avril 2017, à l’occasion de la translation des reliques de mère Marie-Thérèse de la rue Hors- Château vers la cathédrale de Liège.

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