Edouard-Jean Empain (au centre), lors de la reconstitution de son enlèvement (le 28 juin 1979). © Reporters

23 janvier 1978 : le jour où la vie du baron Empain bascula

On est lundi et la semaine commence. Edouard-Jean Empain quitte le parking souterrain du 33, avenue Foch, son domicile parisien. Confortablement installé dans la voiture conduite par son chauffeur, le célèbre homme d’affaires se rend dans les bureaux de son groupe, situés dans le VIIIe arrondissement.

Quelques instants après avoir démarré, le véhicule doit s’arrêter derrière une camionnette. Soudain débarquent des gangsters, armés. Aussitôt, la portière est ouverte. Et le baron est enlevé. Sa vie vient de basculer.

Edouard-Jean Empain, c’est d’abord un nom. Celui que son grand-père a rendu célèbre en construisant des métros et des tramways à Paris et Héliopolis (Egypte). Financier et industriel d’exception, le Belge Edouard Empain était un bâtisseur d’empire. Dans les années 1970, son petit-fils se retrouve à la tête du holding français Empain-Schneider, un groupe actif dans la sidérurgie, la construction, les chantiers navals et l’énergie. Il emploie 120 000 salariés. Son chiffre d’affaires s’évalue en milliards.

Dans l’ombre, un petit groupe de ravisseurs se met sur pied. Leur objectif : se faire un max de pognon. Et attaquer un symbole du capitalisme apparemment triomphant. Dassault ? Rothschild ? Bettencourt ? Ils optent finalement pour Empain.  » Il était la caricature du capitaliste sauvage, racontera l’un des ravisseurs. On s’est dit qu’il fallait qu’il paie et qu’il connaisse à son tour des conditions très difficiles…  »

Rien n’est épargné au baron de 41 ans. Dès son enlèvement, on lui coupe… l’auriculaire. L’horreur ! Mais aussi des raisons d’espérer :  » C’était rassurant, parce qu’on vous coupe un doigt pour négocier quelque chose, décodera Empain. On vous donne du temps. Le but n’est pas de tuer.  » Les débuts de la captivité sont éprouvants. L’homme est balancé dans une caisse, enfermé dans une galerie souterraine, enchaîné à la cheville. Placé dans le silence et l’obscurité, il perd bientôt toute notion du temps. A sa disposition, le minimum. Et encore… Malgré tout, l’industriel garde sa dignité. Et force le respect de ses geôliers.  » Nous étions face à un homme, un homme debout « , déclarera l’un d’eux.

Alors qu’une rançon de 80 millions de francs français est demandée, l’entourage se mobilise… mais non sans ambiguïté. Certaines pages de la vie privée d’Empain – pas les plus roses – sont dévoilées dans la presse. Des rumeurs circulent aussi sur les dettes qu’il aurait contractées. Pendant ce temps, les négociations patinent. La perspective de voir versés les 80 millions s’évanouit. Et les ravisseurs s’interrogent sur la suite. Liquider le patron ? L’hypothèse est rejetée à une courte majorité. Traqué, le commando finit par libérer l’homme le 24 mars. Certains bandits sont arrêtés ; d’autres parviennent à s’échapper. Quant au baron, lâché par plusieurs proches, écarté de la direction de son groupe, il est libre mais seul. Jamais il ne retrouvera la gloire.  » Cet enlèvement a été la charnière de ma vie « , confiera-t-il.  » Je me suis aperçu que le monde extérieur m’avait condamné en soixante jours. « 

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