L'habitat léger, solution au problème de l'accessibilité au logement ? © getty images

2021, l’année des tiny houses à Namur

Namur ouvre ses portes à l’habitat léger. Dans un esprit social avant tout et davantage en ville que dans ses campagnes.

Depuis son entrée au Code wallon de l’habitation durable en mai 2019 et, quoique plus furtive, au Code du développement territorial wallon dans la foulée, l’habitat léger s’est invité dans les réflexions des autorités de plusieurs communes en Wallonie. Qui voient dans ce logement nouvelle génération une réponse à diverses préoccupations sociales, économiques et urbanistiques. La Ville de Namur est de celles-là. Poussée dans le dos par son échevin du logement et président du CPAS, Philippe Noël (Ecolo), qui a placé l’introduction de l’habitat léger dans la cité mosane au rang des priorités de la Déclaration politique namuroise du Logement 2019-2024.

Pourquoi inscrire l’habitat léger à l’agenda de la Ville vous tient-il tant à coeur?

Avec ma casquette de président du CPAS, j’y ai d’abord vu une solution au problème de l’accessibilité au logement à Namur. En croisant nos données sur les revenus des locataires sociaux avec celles de l’Observatoire des loyers namurois, on voit que la part réservée au logement dépasse les 30 à 35% recommandés et grimpe à 50%, voire70 % pour les ménages moins favorisés. Et c’est encore plus préoccupant pour les personnes isolées.

La solution est l’habitat léger?

C’est un calcul simple. Pour arriver à des loyers de l’ordre de 300-350 euros par mois et rétablir l’équation entre les ressources des ménages et la part consacrée au logement, il faut diminuer les coûts de construction. Grâce à des habitats alternatifs comme les tiny houses, ces minuscules maisons mobiles, ou des containers maritimes aménagés, on peut atteindre ce niveau de loyer préférentiel car le ratio entre le coût constructif et l’amortissement du bien sur la durée de vie du bâtiment est moindre.

Il n’y a pas que les locataires sociaux qui sont demandeurs de payer moins pour se loger…

Assurément. Un second public pourrait en bénéficier, qui nous sollicite d’ailleurs directement. Tous les dix ou quinze jours, on reçoit des demandes émanant de jeunes de 30-35 ans qui souhaitent construire ou acheter un logement léger et ainsi éviter de s’endetter pendant vingt à trente ans. Leurs raisons sont économiques, mais aussi écologiques et philosophiques.

Les Namurois ont la réputation d’être un peu « bobos », bourgeois bohèmes. Est-ce ce qui explique leur engouement pour l’habitat léger?

Les Namurois sont réceptifs, c’est certain. Le sont-ils plus que dans d’autres communes wallonnes, je n’en sais rien. Mais ce qui était pour moi au départ une mesure à vocation sociale s’est vite élargie à d’autres franges de la population. Des jeunes qui, je l’ai dit, ont une autre vision de leur avenir, n’ont pas encore d’enfants et se contentent d’un logement plus petit en réservant leurs revenus aux loisirs, aux voyages, etc. Mais aussi, pourquoi pas, une fois que le modèle aura fait ses preuves, des personnes plus âgées, qui sont encore actives mais qui n’ont plus d’enfants à la maison.

Quelle est la marche à suivre?

Nous voulons lancer un projet pilote pour montrer l’exemple et préciser notre vision de l’habitat léger, certes moins coûteux, mais non moins qualitatif en matière d’architecture, de confort et de performance énergétique. Cela pour éviter qu’il ne se transforme en secteur profitable pour des tiers mal intentionnés, de type marchands de sommeil. Le souci, c’est que pour lancer notre projet, il faut que la Région wallonne publie un arrêté d’exécution relatif au permis de location. En Wallonie, tout petit logement de moins de 28 m2 doit obtenir un permis de location pour être mis sur le marché. Or, ce qui existe pour l’habitat en dur n’existe pas encore pour l’habitat léger. Il nous manque un maillon dans la faisabilité des choses.

Philippe Noël.
Philippe Noël.© DR

Dans quels délais espérez-vous un dénouement?

Nous voulions que notre intention politique soit définie au premier semestre 2020. On a pris du retard. Pour tout vous dire, je rencontre prochainement Pierre-Yves Dermagne ( NDLR : ministre wallon PS du Logement) pour avoir des réponses à mes questions et, surtout, savoir s’il est indispensable d’attendre le maillon manquant du permis de location avant de lancer notre projet pilote. On sait que les débats au parlement de Wallonie peuvent être longs… Ce qui est sûr, c’est que je souhaiterais qu’en 2021, au plus tard en 2022, des logements légers soient créés.

Quelle forme prendraient-ils?

L’idée est de les implanter en plein centre-ville, dans une dent creuse entre deux immeubles ou sur un terrain vide sur lequel se prépare un projet immobilier. J’en ai un en vue à Jambes. Moyennant l’accord du promoteur, en l’équipant d’une dalle et en le raccordant à l’eau, au gaz et à l’électricité, on pourrait y installer un cluster de quatre à six logements légers et amovibles jusqu’à ce que le coup d’envoi du chantier soit donné.

Pourquoi faire le choix du centre-ville?

Parce que c’est important de montrer que d’autres modèles de construction sont possibles dans une zone densément bâtie. Le milieu rural suivra dans un second temps. Et puis, l’habitat léger prend plus de sens en ville, où l’accès aux commerces et aux facilités est aisé via des voies de mobilité douce, sans le recours à la voiture, coûteuse et polluante.

La suite, c’est l’ouverture aux projets privés?

A terme, oui. C’est là que se situe l’articulation entre l’urbanisme et le logement. C’est important que notre intention soit comprise et que, dans la délivrance des permis, les services urbanistiques se montrent attentifs aux critères d’accessibilité, de qualité et de performance énergétique définis.

On peut donc s’attendre à voir un jour des yourtes fleurir entre deux quatre-façades?

Oui, c’est tout à fait envisageable. Il faut que les choses cheminent dans l’esprit des gens et c’est pour cela que l’on veut montrer d’abord un exemple urbain avant de passer au rural. Cela dit, nous n’insistons pas trop sur la yourte à l’heure actuelle. C’est un habitat qui n’est pas encore accepté par tous et qui souffre parfois d’une connotation négative. Namur n’est pas le terrain idéal pour la yourte. Pas plus que pour la caravane muée en logement perpétuel.

Quid de ceux qui rêvent d’installer un habitat léger au fond de leur jardin?

Pour les fonds de jardin, comme les arrière-cours et les intérieurs d’îlots, nous n’allons pas permettre tout n’importe où. Outre le fait que cela relègue l’habitat léger à quelque chose de secondaire et de caché, cela créerait un précédent et pourrait déstructurer la conception de l’urbanisme sur Namur.

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