© BELGA

2015 en 15 mots: Molenbeek (10/15)

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Classée « the place to be » du terrorisme djihadiste, la commune bruxelloise mettra du temps à se reconstruire une image moins repoussante. Et à faire oublier la propagande N-VA, qui en fait la Mecque d’un « islamo-socialisme » engendré par son ex-maïeur Philippe Moureaux.

La réputation de Molenbeek n’est plus à faire. Les médias du monde entier s’en sont chargés. Depuis le 13 novembre et les attentats de Paris, la commune bruxelloise est définitivement fichée comme base arrière de l’islamisme et de ses menées barbares. Trop de chemins empruntés par les terroristes djihadistes lors de leur équipée sanglante au coeur de la capitale française mènent à Molenbeek pour que le soupçon n’ait pu prendre corps. Pour qu’il ne se mue en conviction que cette  » fabrique djihadiste « , dixit le journal français Libération, n’a pu y prendre à ce point racine par enchantement.

Il fallait bien que quelqu’un ait déroulé le tapis rouge sous les pieds des radicaux, ait trop longtemps toléré leur présence et fermé les yeux sur leurs agissements et leurs sombres desseins. Ce coupable laisser-aller devait avoir un visage. Il était tout trouvé. Comment ne pas croiser la route du socialiste Philippe Moureaux, bourgmestre de la commune pendant vingt ans (1992-2012) ? S’est alors ouvert le procès en place publique d’une gestion, d’un laxisme. De ce qu’un député N-VA bruxellois, Karl Vanlouwe, avec un sens calculé de la formule qui fait mouche, a qualifié de vingt ans  » d’islamo-socialisme « .

A défaut de convaincre, Philippe Moureaux a été égal à lui-même dans l’art de renvoyer les balles. Lui, responsable, mais de quoi à la fin ?  » Je crois que, globalement, les politiques que j’ai menées étaient les bonnes. Même si j’ai aussi, sans doute, commis des erreurs.  » Qui n’en fait pas dans une vie bien remplie ?  » Ce n’est jamais arrivé quand j’étais bourgmestre. J’ai l’impression que, depuis trois ans, les choses ne tournent pas bien dans cette commune.  »

C’est aussi l’avis de Jan Jambon, le ministre N-VA de l’Intérieur. Qui a promis de  » faire le ménage « , de  » nettoyer  » Molenbeek. Qui brûle d’y marquer son territoire, d’y envoyer ses fonctionnaires fédéraux jouer aux contrôleurs d’adresse. Tant de zèle à vouloir se mêler des affaires de la commune ne fait pas forcément plaisir à voir. Notamment à la bourgmestre MR, Françoise Schepmans, qui aime rappeler que  » la patronne des lieux « , jusqu’à preuve du contraire, c’est elle.

Les nationalistes flamands ne pouvaient décemment laisser passer pareille aubaine. Molenbeek,  » la Mecque de l’islamo-socialisme  » : quel tremplin idéal pour pointer ce qui est, à leurs yeux, la faillite de la lutte contre le radicalisme et l’insécurité à l’échelle du modèle régional bruxellois et, plus largement encore, l’échec d’une politique d’intégration  » à la francophone « .

Découvrez les 149 autres mots de l’abécédaire 2015 dans le numéro collectif du Vif/L’Express, en librairie dès le 24 décembre, et pour trois semaines.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire