Christine Laurent

2012, l’année de toutes les trahisons

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

« En politique, il n’y a pas de traîtres, il n’y a que des perdants », affirmait l’écrivain André Thérive. Des perdants, on les ramasse à la pelle en cette fin de 2012. Année trash, année de folie du pouvoir, vanité des vanités. Coups de canif dans les contrats, volte-face, putschs… Du Coppola pur jus ou du Scorsese inspiré, on ne s’est pas ennuyé.

Flash-back et petit florilège en vrac : Lance Armstrong quitte le panthéon des héros pour le purgatoire des félons ; Georges Leekens, après s’être vendu en sauveur du football belge, abandonne « ses » Diables rouges ; ArcelorMittal à Liège, Ford à Genk « mangent leur parole », laissant sur le carreau des milliers de travailleurs ; Maurice Lippens, le « père la vertu » de la bonne gouvernance des entreprises, accuse ses plus proches collaborateurs dans le dossier Fortis, sous le fallacieux prétexte qu’il n’était au courant de rien. Pathétique ! Mais le meilleur, c’est probablement dans le landerneau politique, au lendemain des communales du 14 octobre, que l’on a pu l’observer. Que de bruit et de fureurs ! Qui a trompé qui ? Aux quatre coins de la région bruxelloise et jusqu’à Verviers, le spectacle n’a pas déçu. Abandon, lâcheté, on a tout vu. Un bon cru, 2012 ! Qui a surtout marqué les esprits par la carrure des victimes : Philippe Moureaux dégommé à Molenbeek, Joëlle Milquet expulsée de Bruxelles-Ville, des stars qui se croyaient intouchables. Les ego ont souffert. La potion n’en est que plus amère.

Au cimetière des illusions, Moureaux et Milquet vont rejoindre bien d’autres ténors qui ont pris des coups, eux aussi. Comme Louis Michel qui s’est fait rouler dans la farine par Gérard Deprez dans les années 1980, puis en 2003 par Elio Di Rupo. Ou plus proche, le SP.A à Anvers, lâché par le CD&V pour les beaux yeux de Bart De Wever. Les dupés d’aujourd’hui ne sont-ils pas aussi les Iago d’hier ou de demain ? Un saint Philippe Moureaux tout au long de ses cinquante années de carrière ? Une innocente, Joëlle Milquet, après tant de présence au pouvoir ? Allons donc, bien sûr que non, tant la realpolitik engendre inévitablement son cortège de duperies, d’hypocrisie et de bassesses. Car, de la gauche à la droite, tous, à un moment ou à un autre, ont trempé ou tremperont dans l’intrigue. Mais sans doute qu’à côté d’un Poutine ou d’un Bush nos politiques font encore figure d’enfants de choeur.

Et puis la félonie n’est-elle pas une loyauté à l’envers ? Un mode régulier de relation sociale, un simple problème de point de vue, comme le soulignent certains sociologues ? Ou bien « une question de dates », comme le prétendait Thérive ? Et puis, « on ne passe pas d’un camp à l’autre pour faire mal. On rompt le pacte sous l’emprise d’une passion, d’une violence, d’une logique qui échappe à la personne trahie », analysait Claude Sales dans La Trahison (Seuil, 2006). Il n’y aurait donc pas le bon d’un côté, le méchant de l’autre, une vision manichéenne digne des westerns spaghetti. Non, juste des passionnés de tout bord qui ont le goût du pouvoir chevillé au corps. In fine, qu’importe ? Les grandes trahisons ne sont-elles pas balayées par l’Histoire ? Et dans quelques mois à peine, on aura déjà tout oublié des retournements de veste, désertions et autres perfidies de cette année. Chiche ?

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