Lorsqu’elles prennent feu, les voitures électriques sont un casse-tête à éteindre. La faute à leur batterie lithium-ion. Une particularité qui pèse sur le travail des pompiers, la sécurité, mais aussi le prix des assurances.
Refroidir le moteur, limiter la propagation du feu, sécuriser les environs: en cas de véhicule automobile en proie aux flammes, les pompiers savent comment intervenir rapidement. Avec la voiture électrique, la manœuvre s’avère bien plus complexe. La faute à sa batterie lithium-ion. «Cette technologie pose plus de difficultés que les voitures traditionnelles, car elle peut entraîner un emballement thermique. Cela alimente un incendie pouvant atteindre des températures très élevées et se prolonger longtemps», explique Christophe Dubon, porte-parole de la Febiac (Fédération de l’industrie automobile).
Ce phénomène, souvent accompagné d’explosions successives, survient lorsque la batterie chauffe au-delà de 100° C et que ses composants chimiques s’activent. «La batterie produit alors son propre oxygène», détaille Bart Merci, professeur des sciences et de l’ingénierie de la sécurité incendie à la Faculté d’ingénierie et d’architecture de l’Université de Gand.
«Afin de refroidir la batterie et d’éviter la propagation des flammes, les soldats du feu doivent utiliser plus d’eau que pour une voiture essence.»
Cette particularité complique l’intervention des pompiers qui ont alors besoin de davantage de temps, comme de moyens. «Afin de refroidir la batterie et d’éviter la propagation des flammes, les soldats du feu doivent utiliser plus d’eau que pour une voiture essence», indique Christophe Dubon. Si la batterie reste instable, le foyer peut se rallumer des heures, voire des jours plus tard.
Face à ces incendies, la plupart des zones de secours et pompiers utilisent souvent de la mousse, mais pour s’assurer d’une extinction complète, des containers spéciaux sont nécessaires. Remplis d’eau, ils peuvent immerger la voiture entière plusieurs jours, voire plusieurs semaines, pour limiter tout risque de reprise des flammes. Problème: ces dispositifs ne sont pas disponibles partout. «Peu de zones de secours et pompiers disposent de containers spécifiques qui assurent la captation de l’eau polluée et une extinction permanente du feu», expose Peter Vandenberk, président du secteur- Siamu (Service d’incendie et d’aide médicale urgente de la Région de Bruxelles-Capitale).
Des interventions aux difficultés multiples
Autre souci: la gestion de gaz toxiques, proches de l’hydrogène, qui émanent de la batterie embrasée et nécessitent une prise en charge particulière. Ils obligent les pompiers à utiliser des protections renforcées et compliquent les interventions en milieu urbain ou confiné, notamment dans les parkings souterrains. «En cas de faible affluence autour du véhicule, on peut laisser ces gaz s’échapper, mais si la voiture se trouve dans un centre-ville ou un parking, il faut essayer d’endiguer l’incendie rapidement», insiste le professeur.
«Si vous ne pouvez pas vous échapper rapidement en cas de feu, vous êtes en danger.»
Quels risques pour les conducteurs?
Les conducteurs sont-ils dès lors davantage exposés aux risques en voitures électriques? «Dans un certain sens, oui, reconnaît Bart Merci. Pour les voitures diesel ou essence, le moteur est à l’avant ou à l’arrière. Pour les véhicules électriques, la batterie est placée sous le conducteur et les passagers. Si vous ne pouvez pas vous échapper rapidement en cas de feu, vous êtes en danger.»
Les contraintes de ces feux de batteries sont également logistiques: déplacer ou extraire une voiture électrique en proie aux flammes pour l’immerger est quasi impossible. Résultat: sur autoroute, les pompiers doivent parfois se résoudre à laisser brûler le véhicule, tout en sécurisant le périmètre», relate Bart Merci.
Mais, pour l’heure, les véhicules électriques ne brûlent pas plus souvent que les modèles essence ou diesel. Selon des données concernant les incendies de véhicules aux Etats-Unis en 2020, il y aurait 25 feux par an pour 100.000 voitures électriques, contre 1.530 pour 100.000 voitures à moteur thermique.
Si le phénomène augmente, c’est en raison du développement du parc automobile électrique. Rien qu’en un an, le nombre de voitures entièrement électriques a fortement progressé en Belgique (+83,2%): 138.749 en 2023 pour 254.240 en 2024, selon les données de Statbel, l’office belge de statistique.
Un impact sur le prix des assurances
Cette batterie lithium-ion fait aussi partie des raisons expliquant que les assurances des voitures électriques se révèlent plus onéreuses que les versions thermiques équivalentes, soit 148 euros supplémentaires en moyenne. Une batterie endommagée demeure en effet rarement réparable, d’autant plus lorsqu’elle a brûlé, ce qui conduit le véhicule à la casse. «Davantage de risques techniques entraîne davantage de frais pour les assureurs, et donc pour les conducteurs», résume Christophe Dubon.
A terme, de nouvelles techniques pourraient offrir des solutions. «L’une d’elles serait d’intégrer dans les batteries des systèmes d’auto-refroidissement ou d’auto-extinction. Toutefois, cela alourdirait les véhicules, ferait consommer plus d’énergie et donc réduirait l’autonomie, sans oublier une augmentation des prix», explique Bart Merci. Du côté des pompiers, le développement de la formation des équipes en matière d’analyse des risques spécifiques aux incendies de voitures électriques et des équipements adaptés, comme les containers, apparaissent indispensables face à une problématique «assez régulière», selon Peter Vandenberk.