Pour de nombreux Belges, s’occuper d’un animal de compagnie devient un luxe: « Les demandes d’abandon explosent »

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Covid, énergie, inflation : les crises successives impactent aussi les propriétaires d’animaux de compagnie. Les coûts de la nourriture et des soins médicaux, très élevés, mais aussi l’instauration d’un permis obligatoire sont autant de contraintes qui poussent de plus en plus de Belges à se séparer de leur animal de compagnie, alors qu’une vague d’adoption avait eu lieu pendant les confinements. Les refuges, saturés, sont au pied du mur.

D’abord, un chiffre : 3,5 milliards d’euros. C’est la somme que dépensent les Belges chaque année pour leurs animaux de compagnie, selon une étude publiée par la fédération du commerce Comeos. Ces 3,5 milliards englobent la nourriture mais aussi les jouets, les soins, les compléments alimentaires et les médicaments pour animaux. En quatre ans, le marché lié aux animaux de compagnie a bondi de près de 11%. Aujourd’hui, avoir un animal de compagnie a un réel coût.

Le Covid et les confinements multiples ont poussé les Belges à rechercher de la compagnie. Aujourd’hui, 53% des Belges possèdent un animal de compagnie, soit une progression notable de 10% par rapport à 2018. Le pays compte environ 1,6 million de chiens domestiques, répartis chez quelque 1,3 million de propriétaires. Les services pour animaux de compagnie comme les gardes, les promenades, les soins et les pensions enregistrent également une importante tendance à la hausse.

549 euros de nourriture par an pour un chien

Mais s’occuper d’un animal de compagnie coûte cher. En moyenne, un propriétaire de chien dépense 549 euros pour son animal, juste en nourriture. Les équipements ou les frais médicaux viennent encore un peu plus saler l’addition. Conséquence, près de 45% des propriétaires d’animaux achètent désormais de la nourriture en ligne, où le marché y est plus concurrentiel, contre 28% en 2018.

Pour certains ménages, s’offrir un animal de compagnie devient une option de plus en plus difficilement supportable au niveau financier. Car après la vague d’adoptions directement liée avec les périodes de confinement, l’inflation et la crise énergétique sont passées par là.

L’équilibre abandon/adoption s’écroule

« On a de plus en plus de demandes d’abandon », confirme Ludivine Nolf, porte-parole du refuge Veeweyde, à Bruxelles. Mais le centre ne peut pas les prendre en charge, car il est complet. « On dépend des adoptions pour pouvoir accueillir un nouvel animal. Mais les adoptions sont aussi très rares actuellement. Pour nous, c’est une période compliquée », alerte-t-elle. Par jour, le refuge traite environ 15 demandes d’abandon par téléphone, principalement pour des chats et des chiens. Pour une trentaine d’adoptions par mois. La saturation est donc totale, d’autant plus que le centre se voit également contraint d’accepter les animaux perdus remis par la police.

Le Covid a propulsé les demandes d’adoption. Et pour le centre de Veeweyde, la crise sanitaire a bouleversé les méthodes de travail. « Le Covid nous a permis de changer notre façon de fonctionner et de modifier notre politique d’adoption. Aujourd’hui, on travaille uniquement sur rendez-vous afin de favoriser la réflexion en vue d’une adoption. Ce n’était pas le cas avant. Les gens peuvent désormais venir 4 ou 5 fois pour le même animal. Cela permet de mieux cibler les candidats adoptants », explique Ludivine Nolf.

Les grands chiens au centre du problème

Si pour les chats et les rongeurs, la situation reste gérable, elle l’est beaucoup moins pour les chiens. « Les demandes d’abandon d’animaux concernent essentiellement les chiens. Les appels augmentent considérablement pour les grands chiens, car ils ont des besoins en nourriture et en dépense énergétique au-dessus de la moyenne. Les propriétaires ne le réalisent parfois pas lors de l’adoption. Et si un chien n’est pas satisfait, il développera à long terme des problèmes de comportement, qui provoqueront la demande d’abandon », observe Ludvine Nolf.

Les différents refuges du pays craignent tous que les demandes d’abandon continuent à augmenter. Mais rares sont les centres qui ont encore de la place. De quoi faire redouter une prolifération des abandons sauvages. « Abandonner un animal en rue est illégal, mais c’est quelque chose qu’on redoute », alarme la porte-parole du refuge Veeweyde.

En Belgique, 25.000 chiens et 32.000 chats sont abandonnés chaque année, soit 155 animaux par jour. Les races de chiens les plus abandonnées restent l’American Staff et le Berger Malinois, des chiens puissants avec des besoins spécifiques.

Un permis désormais obligatoire

Depuis le 1er juillet, un permis de détention est demandé à toute personne souhaitant acquérir ou adopter un animal de compagnie en Wallonie. Objectifs: lutter contre la maltraitance envers les animaux et éviter les achats compulsifs qui aboutissent trop souvent à des abandons.

Depuis le 1er octobre, la durée de validité du permis est d’un an pour les espèces dont la nature ou les modalités de détention peuvent impliquer des achats réguliers (poissons, oiseaux, dont les volailles).

Des travaux sont en cours pour permettre, d’ici quelques mois, une délivrance numérique systématique, même si l’accès à un document papier restera possible pour les personnes qui le souhaitent, via le guichet communal.

« Nous avons voulu nous adapter au mieux aux réalités de terrain, tout en restant ambitieux quant aux objectifs de la mesure. Les animaux ne sont pas de vulgaires biens de consommation. Toute acquisition mérite réflexion et toute personne qui a déjà fait l’objet d’une signalisation pour maltraitance ne doit plus avoir la possibilité d’adopter à nouveau un animal », commente Céline Tellier (Ecolo), ministre du Bien-être animal.

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