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« Quand on meurt, on peut encore progresser »

Barbara Witkowska Journaliste

La conscience ou un aspect de notre personnalité (ou de notre identité) continuerait d’exister après la mort physique, soutient Stéphane Allix, fondateur de l’Inrees (Institut de recherche sur les expériences extraordinaires). Elle serait capable de communiquer avec un médium.

Stéphane Allix a été reporter de guerre. En 2001, la disparition brutale de son frère Thomas, 30 ans, dans un accident de voiture en Afghanistan, inverse le cours de sa trajectoire. Le journaliste « change de vie », commence à explorer les hypothèses d’une vie extraterrestre et crée l’Inrees. Le 22 juin 2013, le jour des funérailles de son père, il place, à l’insu de tous, plusieurs objets dans son cercueil. Un an plus tard, six médiums triés sur le volet sont sollicités pour se livrer à une expérience inédite : tenter d’entrer en contact avec le défunt pour qu’il dise de quels objets il s’agissait… Dans Le Test (1), Stéphane Allix raconte cette enquête passionnante (2). Interview.

Le Vif/L’Express : Selon vous, la vie après la mort est aujourd’hui une hypothèse solide et rationnelle. Quelles preuves peut-on avancer ?

Stéphane Allix : Il y a des indications que la conscience peut perdurer, pas des preuves. La méthode scientifique est insuffisante et réductrice pour une question que l’humanité se pose depuis des millions d’années. On est dans une vision mythologique, dans des questions qui frôlent la philosophie et la spiritualité. En revanche, on a, autour des questions liées à la mort, énormément d’observations qui peuvent être compilées par des médecins et chercheurs, et étudiées de façon statistique ou même biologique. Comme ces gens qui ont un arrêt cardiaque et qui, pendant l’état de cessation cérébrale, continuent à avoir des perceptions plus réelles que celles qu’ils ont eues avant. Comme si on cassait la télé mais qu’on continuait à voir les émissions beaucoup mieux qu’avant. On sait que 20 % de ceux qui font un arrêt cardiaque ont une expérience de ce type-là, l' »expérience de mort imminente » (EMI). Ce qui signifie que la croyance qu’on avait – le cerveau génère notre conscience – n’est plus tout à fait avérée. La simple existence de ces expériences bouleverse cette vision très matérialiste des choses. Elle ne prouve pas qu’il y a une vie après la mort mais elle nous interdit de croire que la vie cesse au moment de l’arrêt des fonctions cérébrales et physiologiques. On ne peut plus l’affirmer scientifiquement.

La mort n’est pas la fin de la vie et on continue à être. Mais à être qui ? Ou quoi ?

Je suis convaincu que la mort n’est pas une fin. Les médiums communiquent avec les défunts mais cette communication ne se passe pas comme une communication entre deux êtres vivants. On ne peut pas poser des questions et obtenir des réponses aussi facilement qu’on voudrait. J’ai caché des objets dans le cercueil de mon père. Je m’attendais à ce qu’il se manifeste et dise aux médiums ce que j’ai caché. Mais ça ne s’est pas passé comme ça. Je sais que mon père est vivant quelque part mais il n’est pas en mesure de me dire spontanément ce que j’attends de lui, je ne sais pas pourquoi. Il me dit d’autres choses qui lui sont peut-être plus importantes. J’ai l’impression que nous sommes aujourd’hui, dans nos corps, une sorte d’êtres réduits par rapport à ce que nous sommes dans l’absolu. J’ai l’impression que notre existence terrestre nous réduit considérablement, réduit nos perceptions et nos capacités et nous coupe d’une certaine manière de l’être que nous sommes réellement. Pour preuve, les témoignages de personnes qui ont vécu la mort imminente et qui disent que dès qu’elles sont sorties de leur corps, elles avaient l’impression d’être enfin revenues dans la réalité, d’être dans quelque chose de beaucoup plus réel que ce qu’elles connaissaient de leur vivant. C’est comme si notre corps et notre cerveau, plutôt que d’être le déclencheur de la réalité, étaient en fait des filtres qui réduisaient la réalité pour nous permettre une existence. En fait, j’ai l’impression que la personne qu’on est après la mort, est une personne, un être, une entité, capable de percevoir une réalité beaucoup plus large. Alors, qui est-elle ? Je ne sais hélas pas.

Où vivent les défunts ?

En dehors du temps, en dehors de l’espace… J’ai le sentiment qu’ils sont à l’intérieur de nous, autour de nous, mais en dehors de l’espace et du temps. Donc, c’est vraiment difficilement perceptible. Les médiums disent que les défunts sont nulle part et partout et ce qui crée la proximité, c’est le lien d’amour qu’on peut avoir avec eux, le fait qu’on pense à eux. Donc, j’ai le sentiment qu’il n’y a pas de monde de morts quelque part au ciel, sous terre ou je ne sais où, mais que les morts sont constamment là. Ils ne sont pas là à nous regarder dans notre inimité, mais ils activent le lien quand on les appelle avec nos prières ou notre amour.

Que fait-on dans l’au-delà ? On s’occupe de son « développement personnel », comme le suggère le psychiatre Christophe Fauré que vous interviewez à la fin du livre ?

Encore une fois, je n’en sais rien, mais je pense qu’après la mort on continue d’évoluer, de faire des progrès, d’apprendre des choses, de faire des erreurs. Le monde des morts n’est pas un monde statique dans lequel on s’assiérait dans un fauteuil en savourant l’éternité. Quand on meurt on n’est jamais parfait, on a toujours des progrès à faire et je pense qu’il nous est donnée la possibilité de suivre cette évolution de l’autre côté.

Comment les médiums communiquent-ils avec les morts ?

Ils communiquent en essayant de s’ouvrir à quelque chose de très subtil et de très fragile, comme un murmure qui viendrait d’un monde de l’au-delà. Pour cela, il faut réussir à faire taire tous les bruits environnants de notre quotidien. Le cerveau produit beaucoup de pensées, de joies, de désirs, d’attentes et qui nous fait réagir de manière précise aux sollicitations de l’environnement. On a donc une sorte de mécanisme cognitif permanent, comme la lumière d’un phare de camion. Le message d’un défunt, ça va être la lumière d’une petite luciole. Si vous n’éteignez pas le phare de camion, vous ne verrez jamais la lumière de la luciole. Pour éteindre la lumière du phare, il faut essayer de stopper ses pensées, ses désirs, ses peurs et son stress. Les bons médiums savent dissocier ce qui vient de leur cerveau et ce qui vient de l’extérieur, mais ça demande beaucoup de pratique et d’expérience.

A quoi ça nous sert de savoir que nous continuons de vivre après la mort ?

Cette question est propre à chacun. Je pense que la mort va ressembler à la vie, qu’elle va être son prolongement. Donc, si je suis un salaud dans ma vie, j’ai une forte chance de l’être dans la mort. Depuis la mort de mon frère, j’essaie de m’appliquer à penser à la mort chaque jour, pour me préparer à être conscient de ce qui se passera lorsque je mourrai, pour ne pas être esclave de mes émotions, mes instincts, mes peurs au moment où je serai embarqué dans cette aventure. Pour essayer de faire de la mort le moment le plus fort possible. Je ressens que la vie est pour moi un espace de travail pour améliorer les défauts que j’observe. Je passe mon temps à donner du sens à cette existence qui est au-delà de notre existence terrestre. Comme disait le philosophe Blaise Pascal : « S’il y a quelque chose après, autant poser les actes bénéfiques qui auront une continuité après la mort. »

(1) Le Test. Une expérience inouïe : la preuve de l’après vie, par Stéphane Allix, éd.Albin Michel, 288p.

(2) Stéphane Allix donnera une conférence le vendredi 20 novembre à 19 h 30 à l’UMons (amphithéâtre Stievenart, 53, rue du Joncquois, à Mons). www.au-dela.be

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