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« Jésus est devenu très humain et très peu divin »

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Les exégètes apportent un nouvel éclairage sur les figures de Jésus, Pierre, Judas, Marie-Madeleine… et sur la nébuleuse chrétienne. Regard sur les dernières recherches avec Régis Burnet, bibliste à l’UCL.

A 41 ans, Régis Burnet conjugue pédagogie et travail universitaire. Familier des salles de cours, des bibliothèques et des plateaux de télévision, il est docteur en sciences religieuses et historien spécialiste du christianisme primitif. Professeur d’exégèse du Nouveau Testament à l’UCL, il anime aussi, sur la chaîne KTO, La foi prise au mot, émission dominicale de décryptage. Il vient de publier un nouveau Que sais-je ? consacré au Nouveau Testament (PUF) et est l’auteur de Paroles de la Bible (2011), de L’Evangile de la trahison, une biographie de Judas (2008) et de Marie-Madeleine. De la pécheresse repentie à l’épouse de Jésus (2004).

Le Vif/L’Express : Sur quels aspects de la vie de Jésus et de la naissance du christianisme travaillent actuellement vos collègues exégètes et vous-même ?

Régis Burnet : Nous nous intéressons surtout à la séparation entre le christianisme et le judaïsme. Jusqu’il y a peu, les spécialistes jugeaient cette rupture consommée au cours des années 70. En réalité, elle est beaucoup plus tardive et a été un long processus. Du coup, on doit « judaïser » certaines de nos sources. Un texte du Nouveau Testament comme l’Epître aux Hébreux ne relève pas du christianisme en tant que religion, comme on l’a cru, mais d’une polémique interne au judaïsme. Il ne date pas des années 110 de notre ère, mais de 65 environ. Or, on y trouve déjà une haute christologie. Ce changement de paradigme est lourd de conséquences : de nombreux auteurs assurent aujourd’hui encore que le prophète Jésus a été progressivement divinisé au cours du temps. En fait, il a rapidement été considéré comme un Dieu.

La recherche historique a-t-elle changé l’image que l’on a de Jésus de Nazareth ?

Elle a contribué à une inversion des perspectives : on est passé d’un Jésus très divin et peu humain à un Jésus très humain et peu divin, voire pas divin du tout. Du coup, l’idée que nous avons du personnage de Judas a, elle aussi, complètement changé. Celui qui a livré Jésus à ses bourreaux a été perçu, pendant vingt siècles, comme le symbole même du mal humain. Son nom seul était une insulte. Aujourd’hui, il est peu ou prou réhabilité. Jusqu’à l’époque moderne, on opposait le Fils de Dieu au méchant Judas, poussé ou habité par Satan. A partir du moment où l’humanité de Jésus est mise en avant, la relation entre Judas et son maître devient une petite histoire humaine.

Vous avez-vous-même écrit une « biographie » de Judas. Quelles hypothèses plausibles à son sujet ?

Première hypothèse : Judas réalise qu’il s’est trompé. Il espérait que Jésus serait un vrai messie, un chef d’armée qui chasserait l’occupant romain, qui délivrait Israël des impies. La deuxième piste est celle des 30 deniers reçus des autorités religieuses. Judas aurait donc trahi par vénalité, un motif très humain mentionné par Matthieu et plus encore par Jean, qui précise que Judas tient la bourse du groupe et détourne ce qu’on y met. Troisième idée : Judas agit sur ordre de Jésus pour le bien, pour la rédemption du monde. Ce scénario d’un deal entre les deux hommes est très en vogue depuis la publication, en 2006, de L’Evangile de Judas, texte apocryphe qui daterait de la fin du IIIe siècle. Judas y apparaît comme le disciple préféré de Jésus, celui dont l’action permet au Christ de réaliser son destin : abandonner son enveloppe corporelle pour gagner le Ciel.

L’intégralité de l’entretien dans le dossier spécial de 20 pages du Vif/L’Express de cette semaine : « Jésus, 50 clichés crucifiés par les historiens ». Avec :

– Jésus, un mythe ?

– Les évangiles, source de première main ?

– Le Jésus de l’histoire, insaisissable ?

– Jésus, né en l’an I de notre ère ?

– Né un 25 décembre à Bethléem ?

– Avec le boeuf et l’âne ?

– Marie, restée vierge ?

-Jésus, fils unique ?

– De la lignée du roi David ?

– Douze disciples?

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