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« Les cancers de la tête et du cou peuvent se confondre avec le covid »

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Le Covid a lourdement impacté les diagnostics de cancers en Belgique. Pendant la crise sanitaire cette année, 4.000 cas de cancer n’ont pas été détectés dans notre pays. C’est ce que révèlent les chiffres du Registre du Cancer, communiqué à la Fondation contre le Cancer.

« Tout diagnostic qui n’est pas posé est un diagnostic en trop », nous glisse le Dr.Veronique Le Ray, directrice médicale et porte-parole de la Fondation contre le cancer en Belgique. « Dans le sens où on sait que si on ne pose pas le diagnostic, la maladie évolue et devient moins facilement traitable, plus lourde de conséquences et plus longue à traiter. »

Le chiffre de 4.000 cas non détectés en Belgique est interpellant, pour la fondation. Mais il y a quand même une note ‘positive’. « L’année dernière, après la première vague, on recensait 5.000 cas non diagnostiqués. Donc, on voit clairement qu’il y a un rattrapage en cours, mais pas encore suffisant. Entre-temps, les hôpitaux ont rouvert, les médecins ont accéléré les consultations et étaient plus disponibles. Il y a eu une prise de conscience », explique Véronique Le Ray.

Quelques catégories inquiètent particulièrement la Fondation contre le cancer. « Premièrement, les tumeurs à la tête et au cou. Deuxièmement, les populations de plus de 80 ans, et plus spécifiquement les hommes », détaille la directrice médicale.

Et de fait, entre le covid et les cancers de la tête et du cou, des symptômes similaires peuvent apparaître. « Il y a des symptômes qui se ressemblent. Fatigue, changement de voix, démangeaison à la gorge, toux… Ce sont des symptômes du cancer ‘tête et cou’ que l’on retrouve également dans le covid. Et donc, les personnes qui remarquent ces symptômes en temps de pandémie restent à la maison. Parce qu’on a reçu les consignes de rester chez soi. La population va se faire dépister contre le covid, oublie qu’il y a d’autres pathologies, à savoir le cancer du cou et de la tête. »

Le côté confondant entre les deux maladies est problématique. « Ces deux cancers ne sont pas très fréquents, mais sont par contre très agressifs, dans le sens où il y généralement peu d’espace. Ils envahissent très rapidement les tissus environnants. Cela rend l’intervention du chirurgien plus difficile, et donc le traitement plus lourd », avertit Véronique Le Ray.

En comparant les diagnostics posés avant et pendant le Covid, la Fondation contre le cancer constate une différence négative de 6%, par rapport à une situation habituelle. Quelles raisons peuvent expliquer ce décalage? S’il faut noter un retard dans les diagnostics du cancer en général, pendant le covid, « les gens ont eu peur et préféraient rester chez eux à l’apparition de symptômes. Les hôpitaux ont bloqué les entrées. Il n’y pas eu suffisamment accès aux consultations spécialisées, typiquement pour les consultations ORL car ils étaient en première ligne pour les traitements des patients covid. Les médecins généralistes étaient, eux aussi, en première ligne pour les prescription PCR et étaient moins accessibles. Pendant un moment, on ne pouvait pas se rendre normalement chez le médecin généraliste », déplore la porte-parole.

« Pour les cancers tête et cou, en plus de ce manque d’accessibilité, il y a eu moins de soins dentaires. Les examens spécifiques pour détecter le cancer dans la bouche et dans la gorge étaient interdits car il y avait un risque de transmission de covid. L’effet à long terme de ce retard est très difficile à calculer pour l’instant. Car il faudra une année, voire deux pour rattraper le retard engrangé. »

Dès lors, quand faut-il franchir le pas pour aller se faire consulter ? Pour Véronique Le Ray, il faut surtout faire attention à la durée des symptômes. « Un rhume, c’est deux semaines maximum. Quand les symptômes durent plus de trois semaines, contactez votre médecin généraliste, ou votre spécialiste. »

Les diagnostics risqueraient encore de reculer en cas de quatrième confinement, mêlé à la fatigue générale du personnel médical. La Fondation espère éviter ce cas de figure.

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