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Détox : une pure intox ?

A l’automne comme au printemps, certains voudraient « détoxifier » leur organisme par des moyens divers. Mais il n’existe pas la moindre preuve qu’une cure détox, un régime à base de cassis ou de salade, n’ait un quelconque pouvoir purificateur. En réalité, la cure détox ne rapporte qu’à celui qui la vend.

Le monde regorge de substances nocives pour la santé. Métaux lourds, éléments radioactifs, minéraux dangereux ont toujours constitué une menace pour les personnes qui entrent en contact avec eux. Certaines plantes, certains animaux possèdent même des substances toxiques pour se défendre activement contre leurs ennemis. Nous avons appris à neutraliser quelques-unes d’entre elles en les cuisant, pour pouvoir les manger. Nous en évitons d’autres. Bref, rien de neuf sous le soleil ! Les substances toxiques ont toujours existé et existeront toujours.

Production industrielle

Nous ne pouvons cependant pas nier que la charge toxique de la vie sur terre a augmenté en raison de la production et de la dissémination de dizaines de milliers de substances industrielles dans le monde. La recherche scientifique a démontré que beaucoup d’entre elles sont nocives : elles peuvent provoquer des cancers ou des anomalies génétiques ou endocriniennes, perturber notre développement mental ou tout simplement nous empoisonner. Nous savons aussi que certaines substances peuvent s’accumuler dans le corps, dans le tissu graisseux par exemple, et renforcer mutuellement leurs effets.

Mais à l’instar d’autres formes de vie, le corps humain a développé des mécanismes et des processus pour détruire ces substances, les neutraliser ou les éliminer. Les reins en sont un parfait exemple : ils filtrent le sang en permanence et font en sorte que les toxines quittent l’organisme sous forme d’urine. Beaucoup de ces substances sont des résidus de notre métabolisme normal, qui deviennent nocifs lorsque leur concentration dans le sang devient trop importante.

Le foie est un deuxième organe chargé de débarrasser le sang de substances indésirables. Notre peau abrite elle aussi des cellules chargées de nous défendre. Quant à nos muscles, ils ont appris à utiliser de manière positive les radicaux libres oxygénés, libérés lors d’activités musculaires, pour stimuler leur croissance.

Une réalité complexe

Mesurer, c’est savoir, disent les chercheurs. Mais généralement, la réalité est bien plus complexe que ce que nos méthodes de mesure limitées nous apprennent. Il en va de même pour la charge toxique de notre organisme. Nous pouvons, par exemple, mesurer la concentration de mercure dans le sang et les tissus, ou de la cocaïne dans les cheveux. Mais nous ne le faisons que pour très peu de substances. Nous savons cependant peu de choses sur les éventuelles conséquences des substances toxiques relevées et encore moins sur ce que nous pouvons y faire. Si des normes de doses mortelles ont été fixées, elles n’ont cependant pas valeur d’évangile : ce qui est mortel pour l’un ne l’est pas pour l’autre.

Quant aux répercussions de la combinaison d’une multitude de substances toxiques, nous n’en savons pour ainsi dire rien. Nous n’avons pas non plus la moindre idée de ce que nous pouvons entreprendre contre cette charge toxique… Sauf peut-être mettre fin à la production et à la dissémination de ces substances, une mission impossible. Car même si nous arrêtions aujourd’hui, il faudrait encore des milliers d’années avant que certaines substances disparaissent. Il est donc compréhensible que d’aucuns se tracassent et se montrent critiques face aux substances que notre industrie met en circulation tous les jours.

Poison pour l’âme

En attendant, nos craintes sont continuellement attisées, et les personnes crédules en sont les premières victimes. On leur fait croire que de simples petits moyens peuvent les libérer des toxines qui pullulent dans leur organisme et qui sont la source de tous leurs maux. On leur propose les solutions et les cures les plus délirantes : ne manger que des raisins secs et boire de l’eau pendant une semaine, par exemple. Jetez un coup d’oeil sur internet et vous trouverez des dizaines de sites sur ce thème, qui se contredisent ou se copient joyeusement. Les raisins secs seraient excellents pour purifier l’organisme parce qu’ils sont riches en minéraux. Mais pour le même prix, la semaine suivante, on vous vantera les pruneaux « originaires d’un peuple en Inde qui cultive et sèche les prunes de manière traditionnelle ». Mais ce qui rend ces pruneaux tellement spéciaux, pourquoi et comment ils amélioreraient le processus de purification dans le corps, on ne l’explique pas. Sauf dans des slogans du style « ils renforcent les défenses immunitaires »…

Un autre exemple ? Les cures d’extraits de plantes sont devenues très populaires. Les fabricants applaudissent des deux mains évidemment. Il n’existe d’ailleurs pas de meilleure publicité que les arguments avancés par d’autres consommateurs. Qu’il n’y ait pas la moindre preuve de leur action ne semble déranger ni le consommateur, ni le producteur. Le consommateur achète un souhait, un rêve censé apaiser son inquiétude.

Aucune preuve

Soyons clairs, aucune preuve ne vient étayer que certains aliments, plantes, jus, thés, régimes ou cures aient le moindre effet sur la charge toxique de notre corps. Le plus grand danger des cures prétendues « détox » réside dans la conviction qui se forge lentement dans les esprits des plus naïfs et enferme les personnes influençables dans des chimères.

Mais soyons réalistes aussi. Nous aimons tous nous faire dorloter… par un jus, un massage ou que sais-je encore. Pourquoi pas ? Mais prenons cela pour un simple moment de bien-être et non pour un moyen de renaître à la vie.

Nous ne voyons qu’un seul aspect positif à toute cette mode « détox » : cela peut encourager les gens à évaluer leur mode de vie et leurs habitudes alimentaires d’un oeil critique et à faire des choix plus sains. Tels qu’une alimentation composée de plus de fruits et de légumes, davantage d’activités physiques, du repos en suffisance, moins de stress, etc.

En attendant, nos pouvoirs publics, la médecine et l’industrie doivent aussi balayer devant leur porte et faire en sorte que moins de substances dangereuses ne se retrouvent dans l’environnement et l’alimentation.

Transpirer fait du bien

Nous pensons que certaines choses nous aident à éliminer les substances toxiques, alors qu’il s’agit seulement d’un effet secondaire fortuit. Transpirer, par exemple, ne sert pas à éliminer. Nous transpirons pour garder notre température corporelle sous contrôle. Car cette transpiration s’évapore et soustrait de la chaleur au corps. Mais nos glandes sudoripares n’ont pas la capacité, contrairement aux reins, de filtrer les substances indésirables du sang. S’il y a des substances toxiques dans la transpiration, c’est uniquement dû au hasard. Mais bien transpirer à l’une ou l’autre occasion, dans un sauna ou sur son vélo, cela fait du bien. Et c’est toujours ça de pris !

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