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De nouvelles preuves que le coronavirus se transmet dans l’air

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Le nouveau coronavirus peut-il se propager par voie aérienne ? Les scientifiques se posent cette question depuis le début de l’épidémie de Covid-19 à Wuhan, en Chine. Une nouvelle étude va dans ce sens. Des scientifiques ont identifié des marqueurs génétiques du virus (ARN) dans des micro gouttelettes en suspension dans l’air.

Parmi les modes de transmission du coronavirus, la pistes des « aérosols », ces gouttelettes ultra fines émises lors de l’expiration est débattue depuis le début de l’épidémie. Les conclusions d’une étude publiée ce lundi dans la revue Nature, amènent une preuve de plus que le nouveau coronavirus peut se propager dans l’air.

Des scientifiques chinois ont ainsi découvert de l’ARN de coronavirus – le schéma génétique du virus – dans ces minuscules gouttelettes en suspension dans l’air, sans toutefois être en état de dire à ce stade s’il s’agit bien d’un autre moyen de transmission du virus, relaie le New York Times.

Des expériences en laboratoire l’avaient déjà démontré. Des scientifiques chinois ont observé cette fois le coronavirus dans des conditions réelles. Ils rapportent qu’ils ont capturé de minuscules gouttelettes contenant les marqueurs génétiques du virus dans l’air de deux hôpitaux de Wuhan, en Chine, où l’épidémie a commencé.

« Un potentiel de transmission par voie aérienne »

Ces gouttelettes aussi petites, expulsées par la respiration et la parole, peuvent rester en l’air et être inhalées par d’autres personnes, et cela parfois des heures plus tard.

« Elles vont rester en l’air pendant au moins deux heures« , déclare Linsey Marr, professeur d’ingénierie civile et environnementale à Virginia Tech, interviewé par le NYT. « Cela suggère fortement qu’il y a un potentiel de transmission par voie aérienne. »

Les preuves s’accumulent donc pour dire que le coronavirus est aussi propagé par de minuscules gouttelettes appelées « aérosols ». L’Organisation mondiale de la santé a jusqu’à présent minimisé cette possibilité, affirmant que la maladie est principalement transmise par des gouttelettes beaucoup plus grosses, expulsées par le nez ou par la bouche lorsqu’une personne malade tousse, éternue ou parle. Selon l’OMS, ces gouttelettes ne restent pas longtemps en suspension dans l’air. Si les postillons peuvent être projetés jusqu’à 8 mètres, les postillons les plus chargés en virus tombent à moins d’un mètre.

Des concentrations élevées dans des endroits peu ventilés

Les virologues belges partent, eux, aussi du principe que « la transmission par l’air sur de longues distances ou la circulation par la climatisation n’est pas importante ». Selon le virologue Steven Van Gucht, « La propagation du virus se fait principalement par le biais de gouttelettes épaisses ».

Dans cette nouvelle étude, bien que l’ARN du coronavirus était présent dans les aérosols analysés, les scientifiques ne savent pas encore dire si les virus restent infectieux ou si les tests ont simplement détecté des fragments de virus inoffensifs. Leur charge virale pourrait en effet être insuffisante.

« La pièce manquante est la réplication virale viable« , déclare le médecin américain Harvey V. Fineberg, qui travaille sur les maladies infectieuses émergentes à la National Academies of Sciences, Engineering and Medicine. « Est-il possible de cultiver ce virus à partir de l’air? », s’interroge-t-il.

En février et mars, les scientifiques avaient déjà recueilli des échantillons de coronavirus à l’hôpital Renmin de l’université de Wuhan ainsi que dans une installation médicale temporaire utilisée pour mettre en quarantaine et traiter les patients présentant des symptômes légers, explique le NYT.

Ils ont également prélevé des échantillons d’air dans des zones publiques autour de Wuhan, dont un immeuble résidentiel, un supermarché et deux grands magasins. Très peu de virus ont été détectés dans l’air des salles d’isolement ou dans les chambres des patients de l’hôpital, qui étaient bien ventilées. Mais des concentrations élevées ont été mesurées dans les petites toilettes, d’environ un mètre carré, qui n’étaient pas ventilées. « Cela souligne en quelque sorte l’importance d’éviter les petits espaces confinés« , déclare le Dr Marr.

Des virus encore actifs ?

Les chercheurs ont également détecté des virus dans l’air aux endroits où les membres du personnel ont enlevé leurs vêtements de protection, ce qui suggère que les virus qui s’étaient fixés sur les vêtements pourraient être rejetés dans l’air. Ces relevés ont été fortement réduits après que les hôpitaux aient mis en place des procédures de nettoyage plus rigoureuses.

Dans le cadre de cette recherche de Wuhan, aucun virus n’a été détecté dans la plupart des lieux publics étudiés, y compris les immeubles résidentiels et les supermarchés, bien que certains niveaux aient été détectés dans des zones très fréquentées à l’extérieur de l’un des hôpitaux et dans les grands magasins. « Il est intéressant de voir qu’il y avait des quantités mesurables« , ajoute-t-il. Le Dr Marr estime qu’il faut environ 15 minutes à une personne pour respirer une particule de virus. Le document n’indique pas si les personnes qui passent par ces zones portent des masques, qui bloqueraient une grande partie du virus qu’une personne malade expulse.

Les données de Wuhan font écho aux résultats obtenus au centre médical de l’université du Nebraska, où d’autres chercheurs ont également trouvé de l’ARN de coronavirus en suspension dans l’air ainsi que sur les surfaces des chambres, rapporte encore le NYT. Ces recherches, encore en cours d’examen par d’autres scientifiques avant leur publication, n’ont pas permis de déterminer la taille des gouttelettes.

Mais, la présence de l’ARN du virus dans des endroits isolés, comme sous un lit et sur les rebords de fenêtres, a également suggéré que de petites gouttelettes étaient transportées dans les pièces par les courants d’air. Dans leur article, les chercheurs du Nebraska n’ont pas pu prouver que les virus étaient encore actifs. Dans le cadre d’autres expériences, les scientifiques tentent de cultiver le virus dans des cultures afin de déterminer s’ils sont encore capables de contaminer.

Le virus se transmet bien dans l’air, selon une étude néerlandaise

Une autre étude, néerlandaise cette fois, réalisée avec des furets, assure que le coronavirus se transmet bien dans l’air, sans aucun contact (direct ou indirect).

« Cela transforme une présomption en un fait étayé scientifiquement« , avance Sander Herfst, virologue au centre hospitalier universitaire Érasme à Rotterdam, aux Pays-Bas, citée par BD.nl.

Des furets ont été tenus à au moins dix centimètre de distance d’un furet infecté par le coronavirus. Au bout de quelques jours, tous ont été infectés. D’autres furets ont été placés en contact direct avec le même furet infecté : ils ont été contaminés plus rapidement. Dans les deux cas, les animaux ont subi une infection importante des voies respiratoires.

L’étude en conclut que les particules qui flottent longtemps dans l’air, via des gouttes ou des aérosols, et peuvent être inhalées parfois des heures plus tard peuvent transporter le virus. L’étude n’a pas réussi à déterminer la distance que pouvait parcourir le virus. « Dans des études de suivi, nous étudierons donc davantage si le transfert d’air est également possible sur une plus grande distance, et donc uniquement via des aérosols« , souligne la virologue néerlandaise.

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