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Covid: tous sous masques FFP2 ? Pas si vite

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Plusieurs pays européens ont rendu obligatoire le port de ces masques plus filtrants dans certains lieux clos. En Belgique, les autorités sanitaires le recommandent uniquement aux personnes les plus vulnérables et à leur entourage. On est, pour l’instant, loin d’une obligation.

En raison de la très grande contagiosité d’Omicron, plusieurs pays européens ont généralisé le port des masques de type FFP2, plus filtrants que les masques dits « chirurgicaux ». En Italie, depuis le 25 décembre, il est obligatoire dans les transports publics, les cinémas, les musées, les théâtres et les stades. Des lieux clos où l’affluence peut être forte et où l’air ne circule pas nécessairement. En Grèce, depuis le 3 janvier, tous les lieux publics fermés l’imposent, comme c’est déjà le cas en Autriche, où les clients des bars et restaurants doivent porter un masque FFP2 lorsqu’ils ne sont pas assis. Il en va de même pour les parties communes des hôtels. En Allemagne, certains Länder, comme la Bavière ou la Basse-Saxe, l’ont rendu obligatoire dans les transports et les commerces.

En Belgique, les autorités sanitaires n’ont, pour le moment, pas franchi le pas. Sciensano préconise ce type de masques, « bien ajustés », « aux prestataires de soin qui sont exposés pendant une période prolongée à un patient Covid-19 possible qui ne peut porter de masque chirurgical, en contact avec des patients confirmés et exposés à des traitements médicaux générant des aérosols ». Interpellés, les deux porte-paroles interfédéraux, les Dr Yves Van Laethem et Steven Van Gucht, le recommandent « aux personnes les plus vulnérables, en sortie de quarantaine et dans les transports en commun ». D’autres pressent d’étendre l’usage de ces masques. Marc Van Ranst, virologue à la KU Leuven, qualifie ainsi le port d’un FFP2 comme faisant partie « des mesures qui nous permettront de traverser cette période très difficile ».

En réalité, ce masque fait encore débat en Belgique. Au cours de ces derniers mois, il a été évoqué dans plusieurs rapports du Gems, l’organe consultatifs des gouvernements, dont Marc Van Ranst, Yves Van Laethem ou encore Steven Van Gucht sont par ailleurs membres. Bref, résumons : pour l’heure, le Gems n’est pas favorable à une extension du FFP2 au-delà de certaines catégories de personnes et le conseille dans les transports en commun. « Des moments où un effort peut être fourni, même en portant cette pièce inconfortable », commente Yves Van Laethem.

« Essayer donc un FFP2 durant huit heures »

A l’origine réservés aux professionnels de la santé, notamment, ces masques sont aujourd’hui vendus en pharmacie et dans le commerce. Certaines personnes, à risque ou plus inquiètes, en portent déjà.

C’est que le masque chirurgical – le plus répandu actuellement – demeure un filtre imparfait, qui ne peut être considéré comme totalement étanche. Assez lâche, il peut laisser passer de toutes petites gouttelettes ou des aérosols qui demeurent en suspension dans l’air lorsqu’un lieu est mal aéré. Il a été conçu pour être utilisé par des personnes malades qui, en le portant, protègent surtout les autres. Il est d’ailleurs recommandé de le changer toutes les quatre heures.

A l’inverse, le FFP2 protège les voies respiratoires contre les particules fines et toxiques, les poussières et certains virus. Doté d’un double filtre, il protège à la fois son porteur et son entourage. Sa capacité filtrante s’élève à 94 % des particules de 0,6 micromètre. Son avantage est d’englober l’intégralité du visage, du dessous des yeux jusqu’au menton, sans que l’air ne s’échappe ou ne pénètre par les bords du masque ou autour du nez. Sa durée de protection s’étend jusqu’à huit heures.

Depuis le début de la pandémie, plusieurs études ont tenté de démontrer sa plus grande efficacité. La plus récente, parue le 7 décembre dans la revue PNAS, rassemble des chercheurs de Göttingen (Allemagne) et de Cornell (Etats-Unis). De leurs résultats, ceux-ci estiment que lorsqu’une personne non infectée par le SARS-CoV-2 porte un masque chirurgical lors d’une discussion avec une personne infectée, non masquée, et à une distance de 1,50 mètre, le risque maximal d’infection atteint 90 % après trente minutes. Avec un masque FFP2, ce risque baisse à près de 20 %, même après une heure. Si les deux personnes portent un masque chirurgical, le risque maximal est inférieur à 30 %, même après une heure. Mais si les deux individus portent un masque FFP2 correctement ajusté, alors ce risque tombe à 0,4 % au maximum.

u0022Si vous êtes déjà d’avis que le masque classique est gênant, essayez un FFP2 durant huit heuresu0022 (Steven Van Gucht)

L’efficacité d’un masque dépend à la fois de sa filtration mais aussi de son ajustement sur le visage du porteur. Steven Van Gucht, également virologue chez Sciensano, considère que ce masque est trop contraignant pour être accepté et correctement porté par la population. Il est généralement relativement désagréable à porter. Ses élastiques serrent particulièrement fort. « Si vous êtes déjà d’avis que le masque classique est gênant, essayez un FFP2 durant huit heures », résume l’expert, qui redoute que l’avantage d’un masque plus protecteur soit gommé par le risque que les gens le portent mal. « Il n’offre une protection optimale que lorsqu’il est parfaitement porté, fermement placé sur le visage, et donc bien étanche. » Or, celui qui le porte peut facilement se sentir opprimé, respirer moins bien, surtout en mouvement. Il peut alors avoir envie de l’enlever, de le placer sous le nez ou sous le menton… Ce qui n’apporterait qu’un bénéfice incertain en matière de lutte contre l’épidémie.

D’autres, à l’instar d’Antoine Flahault, professeur de santé publique et directeur de l’Institut de santé globale (université de Genève), craint que le FFP2 procure un sentiment de sécurité, qui entraînerait un relâchement, une moindre adhésion aux gestes barrières, des distances sociales disparues, des contacts très larges. Il redoute également que l’on jette doute sur le masque chirurgical, tout de même efficace. « Si tout le monde le portait correctement, on serait tous mieux protégés. » Car, c’est bien là le souci : le masque classique semble de moins en moins bien porté (sous le nez ou sous le menton) dans les lieux où il est censé l’être. « Beaucoup d’infections se passent d’ailleurs pendant des moments où l’on ne porte pas le masque, en famille, chez soi, entre amis, quand on mange ou boit ensemble. Ce sont des choses que l’on ne peut pas régler avec un masque », ajoute Steven Van Gucht. Selon Sciensano, une transmission sur cinq a eu lieu au domicile de la personne contaminée (près de 15 %) et chez des proches (près de 8 %).

Lire aussi: Antoine Flahault: « On doit rechercher une baisse raisonnable du risque d’infection » (entretien)

L’autre inconvénient reste le prix. Vendus entre 1,75 euro et 3 euros l’unité, ces masques plus protecteurs coûtent jusqu’à six fois plus cher qu’un masque chirurgical. Un coût cependant en baisse depuis le début de la pandémie, à mesure que les producteurs chinois ont repris leurs exportations. Mais une obligation pourrait conduire les plus précaires à réutiliser le même masque tous les jours, le rendant ainsi beaucoup moins protecteur.

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