Anvers, 20 juillet 2020

Coronavirus: le masque peut-il se transformer en « nid à bactéries » ?

Un masque en tissu est-il sûr lorsque les températures estivales et la chaleur de l’haleine le réduisent en une protection humide et potentiellement pleine de microbes ? La microbiologiste Sarah Lebeer (UAntwerpen) préconise une utilisation plus réfléchie.

Maintenant que de plus en plus de pays rendent le masque obligatoire dans les espaces publics, les discussions sur son utilité sont relancées. Afin de ralentir la propagation du coronavirus, le masque se voit accorder le bénéfice du doute pour le moment. À condition qu’il soit utilisé en combinaison avec un lavage régulier des mains, une distanciation physique et moins de contacts sociaux.

Il existe peu d’études sur l’effet des masques buccaux sur le déroulement d’une pandémie. Les études systématiques et contrôlées comparant un groupe de sujets portant un masque buccal à un groupe n’en portant pas sont difficiles à réaliser. En outre, les masques FFP de haute qualité, qui ne sont pas destinés au grand public, et les masques réutilisables sont souvent regroupés. Cette dernière catégorie fait l’objet de nombreuses discussions.

Faire du sport avec un masque

Si vous souffrez d’asthme ou si vous êtes insuffisamment entraîné, il n’est pas bon de faire de l’exercice avec un masque, qu’il soit chirurgical ou en tissu. Les experts semblent s’accorder sur ce point. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) les déconseille même totalement dans ce cas précis et estime qu’il est plus important de garder ses distances tout en faisant de l’exercice à titre préventif. S’il est plus difficile de respirer, le risque d’hyperventilation, de vertiges et d’évanouissement augmente. Même les athlètes entraînés sont gênés dans leur respiration par un masque buccal, ce qui affaiblit leurs performances.

La théorie selon laquelle le port d’un masque pendant une longue période contribuerait à augmenter la concentration de CO2 et à réduire la concentration d’oxygène dans le sang est cependant invalidée par l’OMS. Les masques buccaux sont désagréables et certaines personnes ressentent une sensation proche de la claustrophobie, mais ils ne sont pas assez serrés au visage pour provoquer une accumulation de CO2 dans le sang.

Fabrique à microbes

Mais que se passe-t-il quand vous ne faites pas d’exercice ? Un tissu devant la bouche et le nez est-il sans danger si votre haleine, votre salive, vos muqueuses nasales et votre sueur sont confinées dessous ? Les quelques études disponibles montrent que l’utilisation prolongée et abusive des masques en coton, en particulier, est désastreuse. Nous les mettons dans nos poches, en touchant constamment nos mains, nous les portons trop longtemps et nous les lavons trop peu et pas assez soigneusement. Et c’est ainsi qu’ils deviennent des lieux de reproduction pour les bactéries.

C’est également ce que montrent les recherches récentes du laboratoire de microbiologie appliquée et de biotechnologie de l’Université d’Anvers (UAntwerpen). L’équipe de recherche de la professeure Sarah Lebeer a découvert en juin que les masques en tissu contiennent 10 à 20 fois plus de bactéries que les masques chirurgicaux après les avoir portés pendant quatre heures, en raison de la teneur en humidité plus élevée du matériau utilisé dans les masques en tissu. Les masques chirurgicaux ont de meilleurs résultats, car ils sont faits d’un matériau plus absorbant, contiennent toujours un filtre et ne sont utilisés qu’une seule fois.

« L’humidité et les restes de nourriture dans la salive stimulent la propagation des microorganismes, ce qui permet aux bactéries et aux champignons de se multiplier sur le masque sans avoir besoin d’un hôte », explique Lebeer. « Les virus ne se propagent pas sans hôte, mais s’accumulent sur le masque à chaque respiration et à chaque goutte de salive, avec tous les risques que cela comporte. La règle générale est la suivante : plus vous le portez longtemps, plus vous devez être prudent. »

De plus, les bactéries identifiées lors de la recherche semblent être résistantes aux antibiotiques érythromycine et ampicilline. Près de 50 % des bactéries isolées présentaient une résistance à au moins un de ces antibiotiques.

Un motif d’inquiétude important, selon Lebeer. « La résistance aux antibiotiques est un problème majeur. Comme les antibiotiques sont très répandus, tout le monde est porteur de bactéries résistantes, mais dans des circonstances normales, le système immunitaire s’en occupe. L’introduction du masque à une si grande échelle est une chose à laquelle il faut réfléchir dans le contexte de la crise des antibiotiques. »

Le masque rend-il malade ?

Bien que les microorganismes présents sur les masques ne mettent pas immédiatement la vie en danger, ils peuvent vous rendre malade, estime Lebeer. Dans la prochaine phase de la recherche, elle veut savoir quelles sont les conséquences exactes sur la santé.

« Il est faux de dire que vous ne pouvez pas tomber malade de vos propres bactéries. De nombreuses maladies sont causées par une dysbiose ou un déséquilibre de votre microbiome. Par exemple, nous avons trouvé un certain nombre de staphylocoques, qui sont responsables de sinusites aiguës et d’infections cutanées comme l’acné. Bien sûr, ce n’est pas mortel comme le Covid-19, mais c’est une préoccupation pour les personnes déjà affaiblies. »

« Les staphylocoques sont généralement supprimés dans le nez et la bouche par toutes les autres bactéries ou par votre système immunitaire. Ce n’est pas le cas sur un masque buccal. Il n’est pas inconcevable qu’un staphylocoque qui se développe jusqu’à une certaine concentration en dehors du corps puisse vous rendre malade. »

Rendre le masque obligatoire à grande échelle, comme le fait la province d’Anvers, n’est pas une bonne chose pour Lebeer. Elle plaide en faveur d’une stratégie plus réfléchie. De nombreuses personnes ne sont pas conscientes de ce qu’elles touchent, ce qui augmente le risque de contamination.

« Comme nous en savons encore trop peu sur la biosécurité, je déconseille le masque en tissu lors d’une promenade à pied ou à vélo à l’extérieur. Il ne peut être utile qu’à l’intérieur, dans les lieux très fréquentés, lorsque la distance n’est pas garantie ou lorsque la ventilation n’est pas possible. L’ouverture des fenêtres, le lavage fréquent des mains et la désinfection des surfaces sont des mesures de sécurité plus efficaces ».

Selon Lebeer, le port d’un masque buccal est plutôt une question psychologique. « L’obligation du port du masque est une mesure très visible. Elle fait prendre conscience aux gens que le virus est toujours là. Mais normalement, on ne se protège que lorsqu’il y a un risque d’exposition, comme dans les hôpitaux, chez les médecins et dans les transports publics. »

« Le fait que le gouvernement applique le principe de précaution et recommande désormais également le port du masque dans les lieux publics est compréhensible et clair, mais sur base de la biosécurité, je m’interroge à ce sujet. Le masque buccal peut faire plus de mal que de bien. Et nous n’y prêtons pas assez attention. »

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