En cas d'épidémie importante, nous pourrions faire face à une pénurie d'infirmières, de médecins ou de pharmaciens. © NICOLAS BORDIGNON/BELGAIMAGE

Coronavirus en Belgique: les soins devraient être priorisés

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

En cas d’épidémie grave en Belgique (qui compte actuellement 8 cas) l’organisation des hôpitaux devrait être revue. Le docteur Alain De Wever, professeur émérite à l’ULB et spécialiste en économie de la santé, n’est toutefois pas inquiet.

Quel serait le premier impact d’une épidémie de coronavirus en Belgique ?

Si nous avions affaire à une épidémie importante, le secteur hospitalier serait très encombré. Le personnel médical et infirmier en paierait fortement les conséquences, puisqu’il est en contact direct avec les patients. Si 10 à 15 % du personnel hospitalier sont contaminés, il sera d’autant plus difficile de recevoir correctement les malades dans les hôpitaux. On serait dès lors confronté à une plus grande difficulté à distribuer des produits et des services de santé puisque nous devrions faire face à de possibles pénuries parmi les infirmières, médecins, ou pharmaciens.

Comment les hôpitaux devraient-ils s’organiser si le personnel vient à manquer ?

Il faudra en repenser l’organisation de manière à pouvoir accueillir de nombreux malades, dont une série devront être dirigés vers les soins intensifs, en mettant en place une priorisation des soins de manière plus pyramidale. Des interventions chirurgicales pourraient ainsi être reportées à plus tard. C’est la seule façon de faire face à une catastrophe, que je ne vois pas arriver. Sauf cataclysme énorme, la Belgique dispose d’assez d’hôpitaux.

L’arrivée éventuelle de ce virus en Belgique pourrait-elle avoir d’autres impacts dans le secteur de la santé ?

Elle pourrait donner lieu – c’est ce que j’espère – à un changement d’organisation des politiques de santé dans le pays. Actuellement, la médecine préventive dépend des Régions tandis que la politique curative ressort du fédéral. En matière de sida, par exemple, lorsque les Régions mettent en oeuvre une politique de prévention efficace, c’est le fédéral qui en retire le bénéfice puisqu’en aval, il a moins de curatif à prendre en charge. C’est absolument incohérent. Soit on fédéralise toute la politique de santé, soit on la régionalise entièrement. Mais en matière de santé, il faut être complet, ça me paraît indispensable. Le coronavirus va forcer des acteurs politiques différents à faire du préventif et du curatif, ce qui est complètement idiot.

Alain De Wever, économiste de la santé (ULB).
Alain De Wever, économiste de la santé (ULB).© DR

Comment organiser la vaccination en Belgique si un vaccin était mis au point ?

Il faudrait s’inspirer de ce qui s’est passé à la fin des années 1960, au moment de la vaccination contre la poliomyélite. A l’époque, ce sont les communes qui avaient pris la responsabilité de l’organisation de cette vague de vaccinations, avec succès puisque la polio avait disparu. Les médecins généralistes, qui sont en première ligne, devraient aussi être impliqués. Comme en cas de grippe classique, il faudrait prioritairement vacciner les groupes à risques : le personnel médical, les personnes âgées, ceux qui souffrent d’une insuffisance pulmonaire ou cardiaque… Cela présuppose de déterminer d’abord qui fait partie des groupes à risque et à partir de quel âge.

Lors de l’épidémie du H1N1, en 2010, le gouvernement fédéral avait initialement commandé 12,6 millions de doses de vaccin. Un tiers environ de cette commande avait ensuite été annulé, ce qui avait permis à l’Etat d’économiser 33 millions d’euros…

C’est la panique qui avait conduit l’Etat à acheter autant de doses de vaccins. En santé publique, il faut toujours se garder de la peur.

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