Thierry Fiorilli

Coronalove en couple : « C’est pas cette ordure de virus qui va nous faire passer le goût de l’autre »

Thierry Fiorilli Journaliste

S’aimer au temps d’un virus chinois. Episode 4 : le couple.

All inclusive. 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Mais sans l’horizon bleu, la plage à portée de paille, l’excursion demain, waouh la terrasse ! , allez une p’tite glace en ville, on se le fait ce trekking ? , top musée juste dommage le groupe qui nous collait, table avec vue sur la vallée honey ! , trop classe ce bronzage, sont gentils les proprios même si je capte rien de ce qu’ils disent, pour ta mère on trouvera au marché t’inquiète…

On n’a pas 17 ans, avec du ensemble toujours minuté. On n’a pas 25 ans, avec du ensemble toujours socialisé. On n’en a pas 40, avec du ensemble toujours mendié. Pas 50, avec du ensemble toujours programmé. Pas 68 ans et plus, avec du ensemble qu’on distrait souvent autant qu’on peut. On a seulement quatre murs. Avec du ensemble 100 % imposé. Et non-stop par-dessus le marché.

Mais pas d’éclate garantie. A part les courses (c’est mon tour ! ), à part le clebs (dis, c’est votre quantième promenade aujourd’hui ? ), à part les clous à ranger par taille à la cave (ouch, déjà fait hier, c’est vrai… Ben, je vais les compter alors. Demain, j’attaque les boulons, tiens), pas mille diversions solitaires possibles à la longue pause commune. No soirée foot. No dîner pro. No pilates. No je vais voir ma soeur. No c’est moi qui ramène les copains, m’attends pas. No va voir le gamin jouer cet après-m’. No mangez sans moi, désolé, c’est pas fini ici. No ciao. No à plus tard. No je t’appelle. No vite qu’on se retrouve.

Que du nous. Ici. Et ficelés dos à dos. Siamoiserie forcée, mode Alcatraz. Autre chose que  » Venise n’est pas en Italie, Venise c’est chez n’importe qui, Vous n’êtes plus dans cette chambre un peu banale, Ce soir, vous avez rendez-vous sur le canal, feux d’artifice, la barque glisse.  » Tu parles.

Shining, alors ? Pas partout. Eyes Wide Shut plutôt. Mais, et la faute à personne cette fois, sans les masques. Et yeux grand ouverts. Cartes sur table. Puisque, avec ce confinement, comme l’évoque pour Le Quotidien, au Luxembourg, la sexologue Laura Hendriks,  » on ne peut plus mettre la tête dans le sable et se cacher. Certains s’en sortiront plus forts. D’autres, plus fragiles ou plus jeunes, se sépareront et diront :  » C’est le coronavirus qui nous a détruits !  » Mais il aura en réalité juste accéléré les choses…  »

Là où il fallait toujours des gens, n’importe qui, n’importe où, plutôt que rien que nous deux. Là où, c’est mort, mais tu comprends, les enfants, le prêt, tout ça. Là où on tenait un livre de comptes. Là où le silence avait épuisé tous ces mots. Là où on s’affichait côte à côte sur le pont mais chacun avec déjà un balluchon fourré dans son canot de sauvetage. Là où le havre s’était fait zone de transit ou champ de mines.

Le Covid-19, crash test conjugal imprévu.

Mais ailleurs, puisque les épreuves magnifient autant qu’elles condamnent, il a presque des al- lures d’aubaine. Re-Laura Hendriks :  » Un couple qui dure depuis plus de dix ans, qui est passé par un deuil, des tromperies… et qui est toujours sur pied arrive plus facilement à surmonter avec ses moyens, ses méthodes, les difficultés.  »

En somme, c’est pas cette ordure de virus qui va nous faire passer le goût de l’autre. Aussi vrai qu’avec ce ciel que les carreaux ont dessiné, Venise peut être même où c’est confiné. L’all inclusive, c’est pas rien.

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