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Comment sauver nos soins de santé ? « Les médecins devraient gagner maximum 10 000 euros »

Pour Jan De Maeseneer, professeur de médecine générale, les politiciens ne parlent jamais sérieusement d’un changement de cap dans les soins de santé. Aussi présente-t-il un plan ambitieux pour l’avenir.

Il y a trop peu de médecins généralistes, les listes d’attente s’allongent, les inégalités se creusent: ce ne sont là que quelques-uns des symptômes de nos soins de santé malades. Et – il suffit de penser au vieillissement de la population – elle risque également de devenir impayable. « Il est urgent d’adapter l’organisation et le financement des soins de santé », déclare Jan De Maeseneer. Pourtant, il n’y a pas de discussion sérieuse à ce sujet, ni au niveau fédéral, ni au niveau du gouvernement flamand. Fort de son expérience en tant que médecin, professeur et conseiller politique, De Maeseneer a rédigé un plan audacieux pour l’avenir : les soins de santé en Belgique en 2030. Il explique ses propositions les plus frappantes.

1. Prenez les moyens ailleurs

Jan De Maeseneer : Aujourd’hui, les ressources pour les soins de santé proviennent principalement des cotisations sociales des employeurs, des salariés et des indépendants. Cela se passe bien depuis longtemps : après tout, la plupart des gens travaillent la majeure partie de leur vie et paient donc des cotisations. Mais ce système n’est pas viable. Déjà rien que parce que le groupe de travailleurs actifs diminue et que la population compte 20% de personnes de plus de 65 ans.

D’où devraient provenir les ressources pour les soins de santé ? Si vous me demandez : des impôts nationaux directs et indirects. De cette façon, chacun y contribuera toute sa vie. La pression sur les coûts salariaux n’augmentera plus du fait de la hausse des cotisations dans le secteur de la santé. Et comme dans ce scénario le financement des soins de santé fera partie du budget, le Parlement en débattra sérieusement. Résultat : une politique plus transparente et plus démocratique.

2. Instaurez un taux de croissance de 3%

Le budget de la santé s’élève à environ 34 milliards d’euros. Ces dernières décennies, il a augmenté de plus de 4 % et il y avait beaucoup moins de marge. En raison de ces mouvements yoyo, le secteur ne sait jamais à l’avance où il en est. Compte tenu de l’évolution démographique, épidémiologique et technologique, je propose un taux de croissance annuel de 3%, en plus de l’inflation. Cela représente 1 milliard d’euros supplémentaires par an.

3. Instaurez une réforme de l’état

Aujourd’hui, le gouvernement fédéral et les communautés sont responsables de différentes composantes du système de santé. Il y a peu de logique là-dedans et c’est déroutant pour le citoyen. Comme les soins de santé sont une matière dite personnalisable, un Flamand et un francophone vivant dans le même immeuble bruxellois peuvent percevoir des indemnités différentes, car ils appartiennent à des communautés différentes. Ma proposition est de donner aux trois régions l’entière responsabilité des soins de santé. Le financement s’effectue par le biais des impôts prélevés par le niveau fédéral.

Combien chaque région reçoit-elle ? Cela dépendra des besoins de soins de ses habitants et des prévisions de leur évolution.

4. Formulez des objectifs concrets

Afin d’éviter que les gens ne se rendent dans la région avec le tarif le plus avantageux pour un traitement ou un médicament, le Parlement fédéral devra déterminer les mécanismes et les tarifs de financement. Dans mon plan, le même parlement fixe des objectifs de santé spécifiques tous les dix ans. Par exemple, réduire les inégalités dans les soins de santé. Les régions doivent atteindre ces objectifs et peuvent également fixer leurs propres objectifs.

5. Rendez les visites au généraliste gratuites pour tout le monde

Les médecins généralistes sont au coeur des soins de santé primaires. Si on permet aux gens de les consulter gratuitement, cela rapporta plus au gouvernement que cela lui en coûte, car les patients iront alors plus rapidement chez le médecin, ce qui réduit le risque qu’ils aient besoin de soins plus importants à long terme.

Tous les fournisseurs de soins de santé en première ligne doivent être directement accessibles. Consulter un kinésithérapeute ou un psychologue sans recommandation: cela doit être possible, à condition que ce dernier partage toutes les informations avec le médecin généraliste.

Il n’en va pas de même pour les consultations de spécialistes, où les temps d’attente sont souvent très longs. Dans mon plan, cela n’est permis qu’après que votre médecin vous ait transféré. Dans ce cas, vous serez remboursé pour ces soins pendant deux mois. S’il s’avère que vous avez encore besoin d’un traitement supplémentaire, votre médecin peut prolonger cette période.

6. Stimulez la collaboration

Nulle part ailleurs en Europe, on collabore aussi peu en soins de santé primaires qu’en Belgique. Si les généralistes, les physiothérapeutes, les infirmières à domicile, les pharmaciens, etc. forment de vastes réseaux, la qualité des soins s’en trouvera améliorée.

Il est crucial de rapprocher les politiques de soins de santé et de bien-être, étant donné le nombre croissant de malades chroniques et le fait que l’origine sociale d’une personne soit déterminante pour sa santé. C’est pourquoi les autorités locales, qui sont responsables de la politique sociale, sont les mieux placées pour soutenir cette large coopération.

7. Prévoyez moins de lits d’hôpital et plus de spécialités

Par rapport aux pays voisins, nous disposons d’un nombre élevé de lits d’hôpital par habitant. Notre taux d’hospitalisation est supérieur de 15 % à la moyenne européenne. Comme de plus en plus de traitements peuvent être effectués à la maison, nous pouvons réduire le nombre de lits.

Les hôpitaux n’ont pas, non plus, à proposer tous les traitements : en Flandre, par exemple, il n’en faut que deux pour effectuer des opérations de l’oesophage.

8. Donner un rôle particulier aux hôpitaux universitaires

Tout d’abord, réduisons de moitié le nombre de lits dans les sept hôpitaux universitaires. Il y a encore trop d’examens et d’interventions qui s’y déroulent et qui devraient en fait être effectués dans un hôpital ordinaire.

Les hôpitaux universitaires doivent se partager la recherche scientifique et les soins entre eux. Enfermez-moi dans une salle de réunion pendant une semaine avec leurs CEO et nous sortirons avec une répartition de tâches qui donnera aux Belges qui souffrent de problèmes rares et complexes un accès aux meilleurs soins médicaux du monde.

9. Versez un salaire équitable aux médecins

La tension des revenus entre les médecins en Belgique est d’à 1 à 8. Je plaide en faveur d’un revenu mensuel net disponible inférieur ou égal à 10 000 euros pour un médecin qui travaille 48 heures par semaine.

Bon nombre d’économistes préconisent de payer pour la qualité, ce qui signifie que le remboursement du fournisseur de soins est également lié à la qualité des soins. Je ne trouve pas que ce soit la meilleure des idées. Les médecins qui ont beaucoup de patients défavorisés, par exemple, risquent d’en être victimes, car ils ne sont pas en mesure de produire de bons résultats.

10. Transformez les mutuelles

Aujourd’hui, les mutuelles perçoivent ensemble des centaines de millions d’euros pour assurer les remboursements et autres frais administratifs. Comme une part de plus en plus importante de ce travail se fait par voie électronique, ce n’est plus vraiment une raison d’être. Bientôt, un guichet intermutualiste suffira pour 25 000 habitants.

Entre-temps, les mutuelles peuvent s’écarter de leurs piliers et devenir des organisations autonomes de la société civile. Elles ont également un rôle important à jouer en informant les citoyens sur la santé, en les sensibilisant aux problèmes de santé et en veillant à ce que chacun y ait facilement accès.

Pour lire le plan complet du professeur De Maeseneer (en néerlandais), cliquez ici.

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