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Comment la pandémie va changer nos vies à long terme

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

De la quasi-disparition des trajets quotidiens à la transformation de notre rapport à la nourriture, le coronavirus a déjà changé notre monde. Mais pour combien de temps ?

Le coronavirus peut toucher n’importe qui, mais les effets de la pandémie sont tout sauf équitables entre les membres défavorisés ou privilégiés de la société.

L’arrêt soudain de l’activité mondiale a révélé les fondations chancelantes sur lesquelles repose une grande partie de ce que nous considérons comme allant de soi dans le monde occidental : la nature de nos chaînes d’approvisionnement, la fabrication délocalisée de la plupart de nos biens, les livraisons à flux tendu dans les supermarchés, ainsi que les contrastes frappants entre les systèmes de santé gérés par les États et ceux financés par des assurances privées.

Les précédentes pandémies, telles que la peste noire ou la pandémie de grippe de 1918, ont eu d’énormes conséquences dans le monde. La pandémie de coronavirus entraînera inévitablement une myriade de changements, allant de certains ajustements personnels aux changements mondiaux, selon la BBC. Mais lesquels de ces changements auront un impact durable et lesquels pourraient rapidement disparaitre ? Pour répondre à cette question, nous devons examiner comment nous avons déjà commencé à nous adapter.

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L’évolution de notre vie personnelle

Dans un premier temps, nous avons tous vécu l’obligation du confinement comme un choc. En tant qu’individus, nous avons dû apporter des changements – petits et grands – à notre vie quotidienne. Mais malgré la distance physique, les écrans nous ont permis de rester en contact avec nos proches durant ces semaines très particulières. Pour beaucoup, leurs relations sociales en sont sorties indemnes. Pour d’autres, cela a remis en question certaines relations.

Cette période nous a également permis d’explorer des passe-temps et des hobbys que nous n’avions peut-être jamais eus auparavant. L’impossibilité d’exercer nos activités habituelles (shopping, restaurant, cinéma, etc.) nous a laissé beaucoup plus de temps libre et a libéré notre créativité et notre ingéniosité.

Cela s’est manifesté de différentes manières. Certains consacrent désormais beaucoup plus de temps à la cuisine, entretiennent un levain ou encore cultivent un potager. Les parents se sont impliqués dans un grand nombre de projets d’artisanat ou de bricolage, tout en faisant l’école à la maison.

D’autres, à leur manière, se sont reconnectés à quelque chose qui se perd de plus en plus dans la vie moderne trépidante : fabriquer quelque chose à partir de rien, et réaliser à quel point cela peut être profondément satisfaisant et épanouissant.

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L’un des principaux catalyseurs de cette évolution est le nombre d’entreprises qui sont passées massivement au télétravail et le nombre de personnes sans emploi parce que leurs ateliers ou leurs lieux de travail ont fermé – ne serait-ce que temporairement.

Les personnes qui pourraient continuer à bénéficier d’un gain de temps au quotidien seront celles dont le mode de vie au travail changera de manière irréversible. Cela risque évidemment de favoriser les employés de bureau par rapport aux travailleurs du secteur des services, ce qui signifie que tout le monde ne bénéficiera pas ces avantages de manière égale.

Un nouveau lieu de travail

Bien que le confinement soit progressivement levé, nous devrons encore maintenir une distance sociale pour contrôler la propagation du coronavirus. Nous pourrions voir l’adoption de contrôles de température apparaitre dans le hall d’entrée des grands immeubles de bureaux pour renvoyer chez elle toute personne présentant des signes de fièvre (bien qu’il y ait des doutes sur l’efficacité réelle de cette technologie de dépistage).

Les lieux de travail qui utilisaient auparavant des bureaux partagés devront probablement revoir leur manière de fonctionner. De nombreuses entreprises devront peut-être aussi échelonner les horaires de travail afin que les bureaux et les usines ne soient pas trop encombrés et que les travailleurs puissent maintenir une distance suffisante. Cela devrait permettre de réduire le trafic aux heures de pointe, les navetteurs n’ayant plus besoin de se rendre au travail et d’en revenir tous en même temps.

Malgré tout, si les mesures de distanciation sociale sont maintenues, il est probable que les transports publics tels que les bus, les trains et les métros ne soient plus qu’à 15 % de leur capacité.

Plusieurs villes ont imposé des programmes visant à encourager les gens à se rendre au travail à pied ou à vélo, et certains espaces routiers ont déjà été réaffectés – au moins temporairement – pour créer des pistes cyclables supplémentaires et pour élargir les trottoirs. Tout cela aura pour avantage notable d’améliorer la qualité de l’air, ce qui sera bénéfique pour notre santé dans les mois à venir.

Une nouvelle habitude qui devrait probablement se poursuivre après la pandémie, c’est un nombre beaucoup plus important d’employés de bureau travaillant à domicile.

Cela a manifestement fonctionné pendant la période de confinement, et les responsables ne peuvent donc plus se fier aux arguments traditionnels contre le télétravail. Cela pourrait également entraîner un changement dans la perception du travail, où les employés sont appréciés pour la façon dont ils atteignent leurs objectifs, et non pour le nombre d’heures qu’ils passent derrière leur bureau. Il est donc probable que les horaires flexibles deviennent beaucoup plus courants, et peut-être même que le 9h-17h disparaissent complètement.

Une diminution de la pollution

En chine, le niveau de dioxyde d'azote dans l'air a diminué de 10 à 30% par rapport à février 2019.
En chine, le niveau de dioxyde d’azote dans l’air a diminué de 10 à 30% par rapport à février 2019.© GETTY IMAGES

Les données satellitaires ont révélé une baisse des niveaux atmosphériques de dioxyde d’azote (un polluant atmosphérique clé libéré par la combustion de combustibles fossiles) au-dessus des villes et des centres industriels d’Europe et d’Asie, le trafic et les usines s’étant calmés – diminuant dans certaines régions de 30 à 40 % par rapport à la même période l’année dernière.

Les niveaux de particules de suie dans l’air – qui, comme le dioxyde d’azote, provoquent des maladies respiratoires – ont également fortement diminué. Ainsi, en plus de ralentir la transmission du coronavirus, le confinement et la réduction conséquente de la pollution atmosphérique industrielle ont probablement sauvé la vie de dizaines ou de centaines de milliers de personnes.

On estime que le ralentissement de l’économie mondiale causé par la pandémie réduira de 8 % les émissions mondiales de CO2 en 2020. Si nous voulons limiter le réchauffement climatique à moins de 1,5 °C au-dessus des températures préindustrielles, comme le stipule l’accord de Paris, il nous faudrait réduire les émissions de cette quantité chaque année au cours des prochaines décennies.

Les gouvernements nationaux ont adopté des mesures drastiques pour immobiliser leurs populations et suspendre des secteurs entiers de l’économie afin de contrôler la pandémie. Cela a mis en évidence le pouvoir impressionnant de l’État, lorsqu’il doit agir de manière décisive pour protéger ses citoyens. Ce type d’effort collectif national n’est normalement observé qu’en temps de guerre, lorsque l’ensemble de la main-d’oeuvre et de la base industrielle est réorienté pour vaincre un ennemi extérieur. Mais ce qu’il faut pour contrer la menace posée à la fois par la pandémie de coronavirus et le changement climatique, c’est une sorte d’économie anti-guerre – pour réduire la production industrielle et la consommation d’énergie.

Pour la pandémie, il a été relativement simple de faire reconnaître par le grand public qu’il existe un danger clair et présent, et donc d’accepter les interventions nécessaires pour assurer sa propre sécurité et celle de ses proches, ainsi que celle de la communauté au sens large. Mais le problème du changement climatique est qu’il s’agit d’un processus plus progressif et qu’il y a un lien moins direct avec les décès.

Serons-nous capables de tirer des leçons de l’action collective utilisée contre les coronavirus pour répondre aussi efficacement au changement climatique ? L’avenir nous le dira.

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