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Cancer du sein: la double mastectomie ne garantit pas une espérance de vie plus élevée

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Les femmes atteintes d’un cancer du sein ne retireront pas plus de bénéfices à subir une amputation mammaire complète selon de nouvelles recherches. Les chances de survie sont en effet aussi élevées lors d’une ablation de la tumeur présente dans un sein.

Angelina Jolie a fait parler d’elle dernièrement, non pas pour une de ses sorties sur tapis rouge, mais pour une cause beaucoup plus sérieuse. L’actrice américaine âgée de 37 ans a annoncé en mai 2013 qu’elle avait subi une double ablation des seins à titre préventif car elle porte un gène défectueux qui accroît le risque de cancer. Une année plus tard, un véritable effet « Angelina Jolie » était ressenti dans les hôpitaux belges, avec une hausse des analyses sanguines de l’ordre de 40%. De plus en plus de femmes désirant vérifier si elles sont porteuses de ce gêne afin d’opter, comme la star américaine, pour une double mastectomie préventive.

Dans ce contexte, de nouvelles études américaines réalisées par une équipe de chercheurs de l’université de Stanford révèlent qu’une amputation mammaire complète comparée à une ablation de la tumeur suivie d’une radiothérapie ne fait pas beaucoup de différence en termes de chances de survie après un cancer du sein. Sur près de 190 000 patientes atteintes de cette maladie entre 1998 et 2011, parmi celles qui avaient subi une double mastectomie, presque 19 pour cent étaient décédées 10 ans plus tard. Pour celles dont on avait enlevé la tumeur et qui avaient suivi une radiothérapie, le pourcentage de décès était d’environ 17 pour cent, selon le Journal of the American Medical Association.

Avec cette étude, « nous pouvons désormais dire qu’une patiente souffrant d’un cancer à un sein et subissant une double mastectomie n’aura pas de meilleures chances de survie que celle à qui on a enlevé la tumeur et qui a été traitée par radiothérapie« , conclut le docteur Allison Kurian, professeur de médecine à l’Université de Stanford (Californie), l’un des auteurs de ces travaux parus dans le Journal of the American Medical Association.

« Il n’y a pas de raison d’enlever un organe sain, et encore moins si la génétique est bonne. »

Le quotidien flamand De Morgen a interviewé le chirurgien Steven Colpaert attaché à la clinique du sein AZ Monica d’Anvers à ce sujet,  » les patientes pensent souvent à tort que l’ablation radicale est la meilleure solution. Or, il n’y a pas de raison d’enlever un organe sain, et encore moins si la génétique est bonne ». De nombreuses patientes sont pourtant en faveur d’une double ablation, explique le chirurgien. « Elles raisonnent de la sorte: plus l’intervention sera radicale, plus elles auront des chances de s’en sortir en supputant qu’une ablation augmentera leur espérance de vie. Nous devons leur enlever cela de la tête. Nous avons de bonnes raisons de proposer une opération qui épargne les seins.  » Mais parfois, la tumeur est trop grosse par rapport au sein ou il existe plusieurs foyers de l’excroissance dans un sein et l’amputation est alors préconisée, explique le spécialiste.

Une mastectomie présente aussi des désavantages, ajoute le chirurgien. « Il ne s’agit pas d’une simple réduction, cela entraîne aussi des problèmes pratiques et psychologiques: il faut retrouver de la confiance en soi, la vie sexuelle est perturbée. En plus de cela, une reconstruction mammaire est un long processus parfois couplé à des risques d’infection et des plaies qui ne guérissent pas bien. « 

Mais certaines femmes, dont un sein a été touché par un cancer, désirent aussi qu’on leur retire le deuxième, par précaution. Steven Colpaert: « En comparaison avec d’autres femmes, elles ont en effet un risque plus élevé de développer un cancer dans l’autre sein, mais ce risque est si faible qu’une amputation préventive ne se justifie pas. »

En définitive, ce n’est ni l’opération partielle, ni l’ablation totale qui définissent les chances de survie, nuance l’oncologue Sevilay Altintas (UZ Antwerpen), ce sont les marqueurs biologiques de la tumeur: « est-elle très agressive?, Y a-t-il des métastases invisibles ? » sont autant de questions à poser pour faire un bon diagnostique et envisager l’une ou l’autre opération au cas par cas. Dans le cas particulier d’Angelina Jolie, les auteurs de cette dernière recherche soulignent toutefois que les femmes présentant ces mutations génétiques ou ayant des antécédents familiaux, peuvent envisager une double mastectomie pour réduire le risque.

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