La bourse de New York, en plein marasme. © Belgaimage

La crise du coronavirus a provoqué un krach boursier sans précédent… Faut-il fuir les marchés d’actions?

Il y a un mois, le coronavirus était une lointaine menace qui avait à peine fait sourciller les marchés financiers. Depuis, les Bourses ont été emportées par une dégringolade inédite.

Jamais Wall Street n’avait connu une déroute aussi rapide. Le vénérable indice Dow Jones a connu le retournement baissier (recul de 20 % par rapport au sommet) le plus abrupt de son histoire, en 20 séances contre 36 pour le précédent record de 1929 ! En ce début de semaine, la plupart des indices affichent des pertes de plus de 30 % et le Bel 20 d’Euro-next Bruxelles a même abandonné près de 40 %. Où cela s’arrêtera-t-il ? Que faire de vos investissements ? Quelles valeurs refuges privilégier ? Xavier Timmermans, stratégiste chez BNP Paribas Fortis, et Etienne de Callataÿ, économiste en chef d’Orcadia Asset Management, livrent leurs analyses.

Comment expliquer l’ampleur et la rapidité de la chute des Bourses ?

Xavier Timmermans : C’est avant tout lié à l’incertitude concernant l’ampleur et la durée de l’impact économique de la pandémie. Les marchés détestent ne pas savoir ce qui les attend. On observe donc une surréaction par rapport à l’évolution des fondamentaux.

Etienne de Callataÿ : La chute est amplifiée par la panique et les ventes forcées. Ce sont, par exemple, des investisseurs qui ont des échéances à respecter ou dont les positions à effet de levier sont insuffisamment financées. La chute concomitante des actions et des obligations la semaine dernière tend à confirmer ce scénario de ventes forcées par des investisseurs devant dégager des liquidités à tout prix.

Que peut-on attendre au cours des prochaines semaines ?

E. de C. : Les marchés vont rester rivés sur l’évolution de la pandémie. Si le pic est atteint en Italie, cela soulagera les marchés. Si, au contraire, le nombre de malades connaît aussi une évolution exponentielle au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, cela risque fort de continuer à plomber la tendance.

X. T. : Des mesures fortes ont enfin été prises. Au niveau sanitaire, les confinements et restrictions de déplacements devraient permettre de limiter la propagation du virus. Cela a été efficace en Chine. Le pic de contamination a été atteint mi- février, six semaines après l’accélération des contaminations début janvier. Au niveau monétaire, de nombreuses banques centrales ont abaissé leurs taux. La Réserve fédérale américaine s’est montrée tout particulièrement active. Elle a ramené son taux directeur à zéro et annoncé un nouveau plan d’assouplissement quantitatif, prévoyant le rachat de 700 milliards de dollars d’actifs sur les marchés. Cela devrait contribuer à éviter que la crise sanitaire ne dégénère en une crise du crédit. Les lignes bougent également au niveau politique. Un plan de soutien est en négociation aux Etats-Unis entre Donald Trump et la Chambre des représentants à majorité démocrate. En Europe, la promesse de la chancelière allemande Angela Merkel de faire tout ce qu’il faudra est un signal clair dans la perspective de mesures de relance budgétaire. Tout cela devrait permettre aux Bourses d’atteindre rapidement un plancher.

Xavier Timmermans
Xavier Timmermans© DR

Quels sont vos conseils pour les investisseurs ?

X. T. : La correction est clairement exagérée. Lorsque l’on calcule la valeur d’une action, on actualise la valeur de ses bénéfices futurs. Admettons que l’on se base sur une période de dix ans – soit 40 trimestres -, la perte de deux trimestres pour cause de confinement représente 5 % ou, si on affine le calcul, de l’ordre de 7 % – 8 %. Pas plus de 30 % comme le plongeon actuel. Les Bourses incorporent dans leur prix une récession très sévère, ce qui est peu probable car l’économie ne devrait pas subir de dommages durables. Dans ce contexte, notre conseil est de conserver ses positions en actions et même de les compléter à bon compte. D’autant plus que ce n’est vraiment pas le moment d’investir en obligations. Les taux ont aussi chuté aux Etats-Unis et les banques centrales les maintiendront à un niveau bas encore plus longtemps qu’escompté il y a quelques semaines.

Etienne de Callataÿ
Etienne de Callataÿ© belgaimage

E. de C. : Les valorisations actuelles des marchés boursiers sont très attractives. Ce n’est donc certainement pas le moment de vendre ses actions. Les personnes qui ont les nerfs assez solides pour supporter l’extrême volatilité des derniers jours peuvent même profiter de la chute pour renforcer leurs positions.

L’investisseur doit-il se méfier ou privilégier certains secteurs ?

E. de C. : Certaines entreprises pourraient souffrir plus durablement comme les compagnies aériennes, dont certaines connaissaient déjà des difficultés avant l’épidémie, ou le secteur des croisières. Après le drame du Diamond Princess, ce navire confiné pendant plusieurs semaines, beaucoup pourraient y réfléchir à deux fois avant d’opter à nouveau pour de tels séjours avec une grande promiscuité.

X. T. : Si on se projette de quelques mois, on pourrait assister à une reprise synchronisée dans toutes les régions du monde. Une reprise d’autant plus forte qu’elle profiterait d’un effet de rattrapage (les dépenses qui n’ont pu être faites pendant l’épidémie) ainsi que d’une politique monétaire et budgétaire particulièrement stimulante. Cela profiterait à des secteurs plus cycliques comme les matières premières.

La chute du pétrole est-elle durable ?

E. de C. : De nombreux facteurs peuvent expliquer la chute du pétrole, qu’il s’agisse du rapport entre l’offre et la demande, de l’impact du coronavirus ou des aspects géopolitiques. Il est donc difficile d’isoler un élément mais il est certain que le secteur pétrolier fait face à des perspectives mitigées. La concurrence d’énergies renouvelables moins chères et la transition énergétique pourraient rendre certains gisements inexploitables économiquement, sans parler du risque d’amendes ou de procès environnementaux.

Pour celui qui souhaite éviter les actions, quelle valeur refuge privilégier ?

X. T. : L’or demeure la valeur refuge par excellence et pourrait profiter des nouvelles mesures de soutien monétaire, les taux bas/négatifs étant plutôt favorables au métal jaune.

E. de C. : Il ne faut pas oublier que l’or reste un actif dont le cours peut être très volatil. Son principal intérêt est qu’il peut être décorrélé, c’est-à-dire qu’il n’évolue pas comme les actions. Mais pour celui qui ne veut vraiment pas prendre de risque, la seule solution, ce sont les liquidités comme un livret d’épargne garanti, par exemple.

Primark à -100 %

Preuve de l’extrême nervosité des marchés financiers, on assiste à certaines variations de cours ubuesques. Lundi 16 mars, Associated British Foods annonçait la fermeture temporaire de 74 Primark. Même si ses autres activités, notamment dans le sucre, sont moins affectées, le groupe britannique se disait dans l’incapacité d’émettre des prévisions de résultats. Une mise au point qui a plombé le titre en Bourse de Londres au point de provoquer momentanément un plongeon de 100 % à 0,01 pence par action au lieu de 16 livres. Le genre d’anomalie technique qui témoigne d’un climat pour le moins tendu…

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