Coolblue comme d'autres acteurs de l' e-commerce a choisi la flexibilité des travailleurs bataves, adeptes des emplois à temps partiel. © belga image

L’emploi dans l’e-commerce est-il précaire?

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Loué par certains pour sa capacité à capter les poids lourds du secteur, le modèle néerlandais est décrié par d’autres pour ses dérives sur le marché du travail. La Belgique a pourtant décidé de faire un pas dans cette direction.

C’est un puzzle composé de grosses pièces, ceinturant le nord-est du pays. Coolblue, bol.com, Zalando, Decathlon, Primark, Amazon… Dès qu’il est question d’e-commerce, ses partisans les plus farouches invoquent le conglomérat d’entrepôts de grands groupes commerciaux pressés aux abords de nos frontières. Tout comme les vingt mille emplois dans ce secteur que la Belgique aurait laissé filer au profit de ses voisins, selon Comeos, la Fédération du commerce. Un chiffre à relativiser: rien ne permet d’affirmer que les grands groupes ayant jeté leur dévolu sur les Pays-Bas ou l’ Allemagne, quand ils n’y ont pas leur siège social, auraient nécessairement opté pour la Belgique dans d’autres conditions.

Mais cet encerclement n’a rien d’anodin. La flexibilité est l’un des atouts maîtres que cherchent les entreprises d’e-commerce. Or, dans l’Union européenne, les Pays-Bas se démarquent par une proportion record d’emplois à temps partiel, comme le confirment les données d’Eurostat: 47,3% en 2020, contre 23,7% en Belgique et 17,5% pour l’UE. D’après l’office néerlandais de la statistique (CBS), 1,7 million de travailleurs, hors indépendants, disposaient d’un emploi flexible en 2021, soit 19% de la population active. Autre exemple, toujours selon Eurostat: seuls 3% des Belges ont effectué du travail de nuit en 2020 (c’est-à-dire après 20 heures), bien en deçà des 7,7% des travailleurs néerlandais – la moyenne des Vingt-Sept s’élevant à 4,6%. Comme dans d’autres secteurs, les centres de distribution bataves recourent massivement à l’intérim, dont une grande proportion de travailleurs issus de l’étranger et d’étudiants.

Précarisation du lien de travail?

Faut-il céder à la logique de la concurrence intraeuropéenne ou défendre un modèle belge en dépit des pressions de l’économie moderne? C’est le coeur du débat qui opposait socialistes et écologistes francophones – plus encore que leurs homologues flamands – à la famille libérale, alors que la coalition Vivaldi s’attelait à faire atterrir sa réforme du marché du travail, incluant plusieurs mesures de flexibilisation (semaine de quatre jours sans réduction du temps de travail, réaménagement des heures de nuit…). C’est désormais chose faite. Le travail vespéral dans le secteur de l’e-commerce sera facilité (il commencera à partir de minuit au lieu de 20 heures) et les travailleurs de l’économie de plateforme (Deliveroo, Uber…), seront mieux protégés. « On s’aligne sur ce qui se fait dans les pays voisins. C’est une avancée majeure pour permettre la création d’emplois dans l’e-commerce« , a déclaré le ministre des Classes moyennes, des Indépendants et des PME, David Clarinval (MR).

« On entre peu à peu dans ce que l’on appelle la casualization du temps de travail, qui se caractérise par l’hyperflexibilité et par la précarisation du lien entre l’employeur et le travailleur », observait récemment Auriane Lamine, professeure de droit social à l’UCLouvain. De leur côté, les défenseurs d’un e-commerce inspiré du modèle néerlandais objectent qu’il ne doit en rien être perçu comme dégradant et que de nombreux Belges demanderaient à effectuer des horaires de nuit.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire