Son régime minceur peut lui rapporter gros

En perdant ses rondeurs, Bart De Wever, le leader de la N-VA, y gagnerait une redoutable crédibilité. Certitude : il a encore moins l’air de plaisanter qu’avant.

« Den Dikke  » a fondu mais ne passe toujours pas inaperçu : 60 kilos abandonnés en neuf mois de régime. Une cure d’amaigrissement aussi spectaculaire pourrait faire cogiter l’électeur. La parole est aux Anversois, appelés les premiers à juger, ce dimanche, ce Bart De Wever en format réduit. Avant que les Flamands ne récidivent aux élections fédérales, régionales et européennes programmées en 2014.

Quel poids ces kilos disparus pourraient-ils avoir dans le destin électoral du chef de file de la N-VA ? Professeur de psychologie à l’UCL, comportementaliste versé dans l’examen des personnages politiques, René Zayan a sorti le classique du genre. Photos et extraits vidéos à l’appui, de jeunes électeurs de 20 à 25 ans se sont prêtés au jeu du  » Bart De Wever avant et après « . En guise de cobayes : des Flamands, des Wallons, des Bruxellois et même des Français. Sympathisants, adversaires ou ignorant tout du personnage. Verdict…

Le Vif/L’Express : Tout bien balancé, De Wever aminci perd-il ou gagne-t-il au change ?

René Zayan : Ses sympathisants flamands, qui vont au-delà de la N-VA, considèrent son régime comme une décision volontaire et personnelle, une preuve de ténacité et de volontarisme. Bart De Wever le dit lui-même :  » Cela n’a pas été facile de résister à la tentation.  » Ce discours de rigueur fait mouche. Une moitié des Flamands qui déclarent lui être opposés jugent aussi ce régime comme un acte de courage, alors que l’autre moitié y voit une stratégie électorale ou un signe d’ennuis de santé. Le régime minceur de De Wever est donc reçu très positivement chez ses sympathisants et n’est pas totalement perçu de manière négative chez ses opposants flamands.

Certains de ses adversaires tomberaient-ils sous le charme de son régime minceur ?

Les opposants à De Wever, tant francophones que flamands, n’aiment pas les gros en général. Ils apprécient les minces, s’ils sont jeunes. Et ceux qui affichent un poids moyen, quand ils sont à l’âge mûr. Les Flamands attribuent aux gros une forme de laisser-aller. Ils les associent à un style de vie malsain, laxiste, au stéréotype d’une vie urbaine wallonne. Ils n’aiment pas les gros rougeauds, souvent assimilés au politique wallon corrompu. Au contraire, le poids moyen qu’affiche une personne leur apparaît comme un signe de rigueur. Il en ressort un profil de bon gestionnaire, compétent, éthique, non corrompu. Rester mince est une preuve de bonne hygiène de vie intellectuelle, de contrôle sur les sollicitations et les dépendances : De Wever y gagne donc en sérieux. Chez les francophones, le poids moyen est surtout vu comme un signe de chaleur, de sociabilité.

Qu’inspire cet homme-là à ceux, et il y en a, qui déclarent tout ignorer de lui ?

Sur la base des photos actuelles de De Wever ou d’extraits vidéo silencieux, ils l’ont perçu comme quelqu’un de dominant, qui dégage de l’autorité mais sans aucune anxiété. Aucun élément de soumission, d’empathie ou de sociabilité n’a été relevé. Quand ils entendent Bart De Wever s’exprimer, les francophones le ressentent comme arrogant, autoritariste,  » contre nous « . En revanche, les Français adorent son regard direct et prolongé, son débit constant, le fait qu’il ne bredouille jamais. Il apparaît comme quelqu’un de déterminé. On ne lui attribue ni sympathie, ni sociabilité, ni jovialité, ni séduction. Mais c’était déjà le cas quand il était gros.

Que lui ont aussi fait perdre ses kilos ?

Les éléments d’une excessive juvénilité. Son côté  » babyface « ,  » boy-scout « , a disparu. Sa minceur rend son regard prédominant, ses pommettes plus visibles, la différence entre le cou et les mâchoires s’est accentuée. Les traits de masculinité sont plus marqués qu’avant, ce qui est source de maturité. On leur attribue davantage d’éléments liés au pouvoir qu’à la sociabilité.

De Wever sans ses kilos n’a-t-il pas un côté maladif, qui peut inquiéter ?

Au contraire. Aminci, il gagne en crédibilité auprès des Flamands autonomistes : son assurance les rassure. En revanche, l’anxiété des francophones, elle, grandit : De Wever a encore moins l’air de plaisanter qu’avant.

Cet  » autre homme  » est-il à prendre plus que jamais au sérieux ?

Son changement physique est tellement important et brutal qu’il n’apparaît plus comme le même homme. Joëlle Milquet (CDH), comme d’autres francophones, l’a dit :  » Quand je l’ai vu, je ne l’ai pas reconnu. J’espère qu’il changera aussi d’idées.  » Sur ce dernier point, elle se trompe : son répertoire ne varie pas.

Tous ces kilos en moins pourraient-ils peser lourd dans les isoloirs, dès ce 14 octobre ?

Un impact, estimé à 5 % de voix maximum, est possible. Mais il sera limité pour les communales à Anvers, où De Wever affronte le bourgmestre sortant, Patrick Janssens (SP.A), qui passe aussi assez bien auprès des gens. Le grand rendez-vous est fixé à 2014, lors des élections fédérales, régionales et européennes : en réussissant ainsi à maigrir, Bart De Wever a gagné des points dans son image d’homme qui a de la suite dans les idées. Cela peut compter.

ENTRETIEN : PIERRE HAVAUX

 » Le régime de De Wever est perçu comme une preuve de ténacité, de volontarisme et de rigueur « 

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