Sentinelles rebelles

Doublement d’actualité, l’écrivain belge Xavier Hanotte est l’objet d’une monographie et l’auteur d’un nouveau roman. Deux héros s’unissent au nom de l’intégrité. L’amour a-t-il sa place dans un monde sans merci ?

Né pour rêver « , Xavier Hanotte poursuit sa route le long des lettres belges. Ceux qui veulent se familiariser avec ses écrits peuvent plonger dans la remarquable monographie que lui consacre Joseph Duhamel. Aux yeux de ce dernier, c’est le double qui anime son £uvre.  » Sa lecture pointue m’a permis de découvrir des éléments surprenants, comme le combat entre le Bien et le Mal « , confie l’auteur que nous rencontrons dans un café bruxellois. Alors qu’il situe habituellement ses romans à une époque précise, Hanotte s’amuse cette fois à brouiller les pistes.  » Créer un univers est l’un des enjeux de l’écriture « . La ville de Prague et le port d’Anvers lui ont inspiré  » l’Ile et le Continent  » de son nouveau roman. L’un est florissant, l’autre renferme une terre hostile et guerrière. Le brave adjudant Berthier est chargé d’une mystérieuse mission. Il s’appuie sur une légende et sur l’étonnante Frédérique Jeunehomme. Elle est censée l’épauler, mais elle va le déstabiliser. Comment être et demeurer un homme ?

Le Vif/L’Express :  » La littérature est une interrogation du monde plutôt qu’une explication « . Qu’interrogez-vous à travers cette fable politique, questionnant la foi en l’homme ?

> Xavier Hanotte : De par mes livres sur la Première Guerre mondiale, on m’a souvent décrit comme  » l’écrivain du devoir de mémoire « , or le roman n’est pas l’endroit pour ça. Joseph Duhamel me cerne bien en disant qu’ils renferment des questions sans réponse. S’ils aident mes lecteurs à trouver une vérité en eux, tant mieux. L’important est de leur laisser la place. Ce roman se demande comment on appréhende la vie. Les personnages s’interrogent quant à la place qu’ils occupent dans l’existence, la société, la relation amoureuse, l’opinion politique, la décision ou l’indécision, la passivité ou l’activisme. Loin d’être un roman à message, il peut être perçu comme une fable sur l’évolution du monde. Le nôtre se détourne de la culture, alors voici un univers privé de pouvoirs politiques et religieux, dans lequel les bibliothèques brûlent. Ce n’est pas facile d’avoir la foi en l’homme, mais il faut y croire envers et contre tout ! Le Mal est dans la démission.

Vous abordez souvent  » l’homme face à un dilemme « , or à quel combat se livre Berthier ?

> J’aime confronter un être qui nous ressemble à un dilemme, parce qu’on se demande forcément ce qu’on ferait à sa place. Comment garder son humanité, voilà ce qui me turlupine. Ceux qui disent non ou qui refusent des choix imposés par la société me fascinent. Il n’y a pas de soldats dans mes livres, juste des civils déguisés. Le costume ne change pas l’homme, il accentue ce qu’il a en lui. Ici, on ne voit pas l’ennemi, mais il évoque les extrémismes de tout poil, comme les Khmers rouges ou les talibans, des gens qui ne doutent pas. La difficulté étant de les combattre avec les pauvres armes de ceux qui doutent. Berthier est tout sauf un prophète, mais c’est peut-être avec ce genre d’humaniste, honnête et persévérant, qu’on sauvera le monde.

Pourquoi vos héros sont-ils des  » éclopés du sentiment  » ?

> On n’est pas grand-chose sans amour et pourtant mes héros le redoutent. Ils savent que cette émotion peut conditionner ou modifier une vie. Aimer, c’est admettre qu’on perd le contrôle. Cette faculté nous permet de sortir de nous-mêmes et d’espérer.

Quel prix ont la vérité et la liberté ?

> Il est très cher car notre société tend au confort, or la vérité s’accommode avec l’inconfort. Peut-être doit-elle toujours être remise en question ? On est tous sujets aux mensonges et aux illusions… Parfois, on cherche loin une vérité qu’on a sous la main, surtout en amour [rires]. La littérature est le moyen de chercher sa vérité et de voir plus clair en soi. Je crois à LA liberté de chacun. La mienne étant de convertir le rêve en roman, à partir des sentiments qui m’habitent. Cette matière première englobe une manière d’être au monde et de ne pas y être, tant l’écrivain vit dans le sien.

Des feux fragiles dans la nuit qui vient, par Xavier Hanotte, éd. Belfond, 331 p. Xavier Hanotte. Les doubles, par Joseph Duhamel, éd. Luce Wilquin, 255 p.

ENTRETIEN : KERENN ELKAïM

 » ceux qui refusent des choix imposés par la société me fascinent « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire