Réforme fiscale PS / N-VA Le grand écart

Le chantier de la grande réforme fiscale est lancé. Pour y voir clair, Le Vif/L’Express a poussé les partis politiques à se dévoiler. C’est le PS et la N-VA qui sont le plus opposés.

Une commission mixte Chambre-Sénat a été installée fin avril dernier pour préparer une réforme fiscale, que les observateurs avisés appelaient de leurs voeux depuis des lustres. La tâche parlementaire s’annonce longue. Pour voir ce que les partis ont dans les tripes, Le Vif/L’Express leur a posé 7 questions concises et directes. Résultats ?

La réforme se concrétisera après les élections de mai 2014, mais personne n’en doutait plus. Pourquoi la lancer maintenant alors, si ce n’est pour que le gouvernement se donne bonne conscience lui qui avait fait de la réforme fiscale une de ses priorités ? Taxes indirectes, revenus du capital, intérêts notionnels, impôt des sociétés, tout semble séparer le PS et la N-VA. A l’exception des charges sur les revenus du travail : les neuf partis s’accordent à dire qu’elles sont trop élevées.

Pour le reste, on sent que la campagne approche… Les formations flamandes sont obsédées par la réduction des dépenses publiques. En ce qui concerne la TVA, les positions sont plutôt tranchées, sauf pour le PS qui ne se mouille pas trop. Ce qui pourrait faire la différence au sein d’une future majorité. Les intérêts notionnels, eux, ont encore de beaux jours devant eux, sans doute sous une forme moins voyante. Quant à la fiscalité verte, elle semble faire l’objet d’un large consensus, pas toujours pour les mêmes raisons.

1. La réforme fiscale en un slogan ?

Pas juste une réforme, mais une réforme juste.

MR Baisser l’impôt pour protéger l’emploi.

CDH Une fiscalité juste, simple et efficace.

ECOLO Une fiscalité plus juste, plus efficace, plus verte.

NVA Une réforme ? Indispensable, tout de suite !

Simplification, justice, sécurité, redistribution.

Simplifier et diminuer les impôts.

Simplification, redistribution, confiance.

Moins taxer le travail, davantage taxer le capital et la pollution.

2. Une réforme fiscale avant ou après 2014 ?

Donnons au Parlement le temps de travailler. Faire croire qu’une réforme complète et neutre budgétairement peut être accomplie en quelques mois tiendrait de l’effet d’annonce.

MR Cette réforme aura lieu après 2014 car il faut assainir les finances pour dégager des marges budgétaires et s’assurer que le prochain accord de majorité décrive clairement une réforme fiscale importante.

CDH Des mesures doivent être prises dès maintenant pour alléger les charges sur le travail et faire contribuer les spéculateurs, à l’origine de la crise. Parallèlement, un dialogue doit être lancé pour créer les bases d’un nouveau contrat fiscal.

ECOLO Il faut accentuer la lutte contre la fraude fiscale sans attendre. Pour le reste, il paraît plus réaliste d’entamer une réforme profonde après 2014.

NVA Le plus vite possible, donc avant les élections. Mais, avec le PS au gouvernement, on sait que cette réforme ne sera possible qu’après le scrutin de 2014.

Une telle réforme est compliquée et doit être préparée. En outre, la 6e réforme de l’Etat doit aussi régler les transferts de compétences fiscales vers les Communautés. La réforme fiscale sera donc un des grands points de négociation après les élections.

Il faut dès maintenant préparer une réforme sérieuse qui se concrétisera au cours de la prochaine législature.

Le plus vite possible.

La réforme fiscale est urgente, mais elle arrive fort tard au Parlement. Les élections sont trop proches…

3. Qui paie trop, qui paie trop peu d’impôts ?

Les revenus du travail et la consommation des ménages sont le plus taxés en Belgique. Il faut davantage taxer les revenus du capital et poursuivre la lutte contre la fraude.

MR Les travailleurs paient trop : dès 1 246 euros net par mois – soit 38 euros de plus que le salaire minimum – chaque euro supplémentaire est déjà taxé à 40 %. Les PME sont également trop imposées en regard des niches fiscales qui profitent aux grandes entreprises.

CDH La contribution sur les revenus du travail est excessive. Cette fiscalité doit être allégée par un alourdissement fiscal sur les activités spéculatives et polluantes ayant un impact négatif en termes de développement humain.

ECOLO Les spéculateurs, les multinationales et les pollueurs paient trop peu. Les travailleurs salariés, les PME et les indépendants paient trop.

NVA Les charges sur les revenus du travail sont trop lourdes. En particulier, la classe moyenne se fait plumer par des prélèvements sournois (donation, épargne-pension, etc.) Il est urgent de réduire les dépenses publiques et d’envisager des formes d’impôts moins indirects.

La fiscalité du travail doit diminuer. Il faudra opérer un glissement vers les taxes sur la consommation, l’environnement et les revenus du capital. A plus long terme, il faudra se focaliser sur les dépenses publiques qui dépassent toujours le seuil de 50 % du PIB.

Tout le monde paie trop d’impôts, en particulier les travailleurs. La raison : des dépenses publiques trop élevées.

Les revenus du travail sont trop taxés. Les revenus du capital le sont trop peu. Exemple : l’exonération fiscale sur les plus-values place notre pays au même niveau que des paradis fiscaux européens comme Gibraltar ou les Iles vierges britanniques.

Le travail est trop taxé. Les revenus du capital et la pollution le sont trop peu.

4. Pas touche à la TVA ?

La TVA est un impôt qui n’est pas progressif. Il pèse plus lourdement sur les bas et moyens revenus. En cela, il est le plus injuste.

MR Non ! Toucher à la TVA ne sert qu’à reboucher des trous budgétaires.

CDH Certains taux TVA sont anormaux : coquilles Saint-Jacques et truffes à 6 %, lunettes correctrices pour enfants à 21 %… Adapter la TVA pour soutenir les activités qui renforcent le développement humain, c’est oui.

ECOLO La TVA est une taxe régressive. Ce ne serait pas une bonne idée de l’utiliser pour trouver de nouvelles recettes.

NVA Si nous voulons créer de l’emploi et maintenir le coût salarial sous contrôle, cela se répercutera forcément, en partie, vers la fiscalité sur la consommation.

Alléger la fiscalité du travail nécessite, entre autres, un glissement vers la consommation.

Nous n’avons pas de tabous fiscaux. Pour autant que cela ne mène pas à une hausse générale des impôts.

Les impôts indirects sont régressifs et ne constituent donc pas un bon instrument pour opérer une redistribution fiscale.

Non. Augmenter la TVA serait socialement injuste.

5. Revenus du capital : taxer plus ?

Le gouvernement a déjà uniformisé au taux de 25 % le précompte mobilier. Fiscaliser les plus-values sur action, à partir d’un certain seuil, rendrait notre système fiscal plus juste.

MR Il faut protéger le fruit du travail qui est, par ailleurs, déjà taxé. Il faut aussi défiscaliser les investissements dans l’économie réelle, ceux dirigés vers les PME et la création d’emploi.

CDH Sans augmenter la pression fiscale globale, il faut parvenir à un meilleur équilibre fiscal entre les différents revenus (travail, mobilier, immobilier…) en évitant de taxer les outils de travail.

ECOLO Oui, en alignant la taxe sur les opérations boursières sur les pays voisins, via une taxe sur les transactions financières et une taxation dégressive des plus-values mobilières qui encouragerait les placements à moyen terme et découragerait la spéculation.

NVA Une pression fiscale plus forte, c’est non négociable. En outre, les revenus du capital sont déjà lourdement taxés en Belgique.

Oui, pour contribuer à l’allégement fiscal sur les revenus du travail.

Les impôts sont globalement trop élevés. Il ne peut être question d’augmenter encore la fiscalité du patrimoine.

Oui. Il faut d’abord élargir la taxe sur les plus-values aux actions et aux Sicav. Il faut ensuite réfléchir à une meilleure progressivité en matière de taxation du capital qui mettrait les grosses fortunes davantage à contribution que les petits épargnants.

Oui. Il faudrait créer un cadastre de la fortune, puis supprimer les taxes particulières et prélever une taxe progressive sur le rendement de l’ensemble du patrimoine.

6. Intérêts notionnels, stop ou encore ?

Ce n’est plus la niche fiscale d’antan. Les conditions ont été resserrées. Il faut néanmoins remplacer cette déduction par des mesures ciblées encourageant l’emploi et les investissements productifs, en particulier dans les PME.

MR Il faut faire en sorte que la déduction des intérêts notionnels profite davantage aux PME.

CDH Réduire les niches fiscales, dont les notionnels, permettrait de réduire le taux facial de l’impôt des sociétés à 25 %, soit la moyenne européenne.

ECOLO Il faut les modifier en combattant l’effet d’aubaine dont profitent certaines multinationales et en renforçant leurs effets pour les PME. Il faut surtout harmoniser la fiscalité des sociétés au niveau européen pour éviter le dumping entre Etats de l’UE.

NVA C’est un système spécial, un compromis typiquement belge, imaginé parce que les socialistes refusent d’abaisser l’impôt des sociétés. Tant que celui-ci ne diminuera pas, les notionnels subsisteront.

Il n’est pas bon de remettre constamment ce système en question. Cela fait fuir les investisseurs. Nous ne renoncerons pas aux notionnels sans alternative convaincante.

Les notionnels ont permis à nos entreprises de résister à la crise, davantage qu’ailleurs en Europe. Une piste alternative, pourquoi pas ? Si c’est dans le sens d’une diminution.

Le système peut être maintenu, mais la déduction ne devrait pas être accordée à certaines entreprises comme les banques qui, de toute façon, doivent répondre à des exigences de fonds propres.

C’est potentiellement un bon système qui devrait davantage être orienté vers la création d’emplois.

7. Plus de fiscalité verte ?

Oui, mais sans que cela soit une charge pour petits et moyens revenus.

MR Oui au principe du pollueur-payeur, mais sans fragiliser la compétitivité des entreprises.

CDH Nous préférons parler de fiscalité intelligente et dissuasive pour les activités ayant un impact négatif sur la santé, le bien-être, la nature.

ECOLO Oui à la fiscalité verte tout en intégrant la question de la redistribution des richesses et donc de la justice sociale.

NVA Pour créer des emplois, il faudra faire glisser la charge fiscale du travail vers des impôts indirects.

Comme la consommation et le capital, la fiscalité verte permettra de réduire la fiscalité du travail.

D’accord avec le principe du pollueur-payeur, mais dans un cadre global de diminution des impôts.

Oui, mais cela ne doit pas servir un but redistributif, uniquement à préserver l’environnement.

Oui. La Belgique s’est déjà fait taper sur les doigts par le Commission européenne parce que sa fiscalité verte est trop maigre.

THIERRY DENOËL

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