Où placer votre épargne aujourd’hui ?

La volatilité des marchés financiers et les perspectives économiques moroses rendent les investisseurs sceptiques. Pourtant, beaucoup de spécialistes vous le diront : il n’y a pas de meilleur moment pour faire de bonnes affaires que lorsque personne ne veut investir.

Placer ses liquidités aujourd’hui peut en rebiffer plus d’un. La confiance n’y est plus. D’abord, la confiance vis-à-vis de son intermédiaire financier, de sa banque, qui n’a pas toujours été de bon conseil par le passé. Ensuite, la confiance vis-à-vis de l’économie en général et des marchés financiers en particulier. Parce que ceux-ci n’ont pas donné la preuve qu’ils pouvaient rémunérer correctement le risque pris. En un mot comme en cent : on n’y croit plus, on devient extrêmement prudent et on laisse son argent s’amasser sur un carnet d’épargne qui ne rapporte qu’un rendement maigrichon, qui compense à peine l’inflation ! Et pourtant, il n’y a peut-être pas de meilleur moment pour investir… Avis aux amateurs.

CINQ PROFILS DE RISQUE

Evidemment, il ne faut pas faire tout et n’importe quoi avec ses liquidités. Pour investir dans les règles de l’art, il faut d’abord se connaître. C’est une étape essentielle mais malheureusement trop souvent oubliée des investisseurs en herbe. Avant toute chose donc, il faut se poser trois questions primordiales : 1. Quel est mon horizon de placement ? 2. Quelle est la somme d’argent dont je n’aurai certainement pas besoin pendant cette période ? 3. Quel est mon profil de risque ?

A la première question, il vaut mieux prévoir une période suffisamment longue pour pouvoir investir de la manière la plus efficace possible. Au besoin, on peut prévoir éventuellement deux horizons de placement différents. Par exemple, cinq ans pour une moitié de son portefeuille et dix ans pour l’autre moitié. Tenez compte également de votre âge. Prévoir un horizon de placement de 20 ans alors qu’on en a 60 semble trop long. Et prévoir un horizon de cinq ans lorsqu’on en a 30 semble par contre un peu trop court. Généralement, plus on est jeune, plus l’horizon de placement sera long. Mais il faudra tenir compte de plusieurs étapes financières essentielles de la vie : l’achat d’une maison, l’achat éventuel d’une seconde résidence, la pension, la préparation de la succession…

Pour répondre à la deuxième question, le mieux est d’établir un échéancier des grosses dépenses (études des enfants, voyage lointain, gros travaux dans la maison, achat d’une voiture…) et de l’épargne annuelle. Il est nécessaire de calculer suffisamment large pour ne pas avoir de mauvaises surprises et faire face aux coups durs de la vie. L’argent qui ne sera pas nécessaire à payer les grosses dépenses compte tenu de l’épargne accumulée chaque année pourra être investi.

Le profil de risque va, quant à lui, donner une indication dont l’argent disponible devra être investi. Le tout est ici de pouvoir trouver l’équilibre idéal entre risque et rendement potentiel qui vous permet de dormir sur vos deux oreilles. Si vous paniquez à l’idée de voir la valeur de votre portefeuille baisser de 1 % en quelques jours, vous êtes sans doute un investisseur plutôt défensif. Si, par contre, vous êtes conscient que celui qui ne risque rien n’a rien et que vous êtes prêt à supporter des variations très fortes de votre portefeuille sans attraper d’ulcère, alors vous êtes probablement un investisseur un peu plus agressif. Pour déterminer votre profil de risque, plusieurs questionnaires sont disponibles sur Internet. Mais tenez compte également de la répartition de votre patrimoine. Si vous êtes déjà propriétaire de votre maison et de deux appartements et que vous avez encore 50 000 euros à investir, vous pouvez prendre, à profil équivalent, un peu plus de risque que celui qui dispose de la même somme mais qui est locataire. Globalement, on distingue cinq profils de risque : défensif, neutre défensif, neutre, neutre agressif et agressif.

RÉPARTITION STRATÉGIQUE

Une fois l’horizon, les liquidités disponibles et votre profil de risque définis, vous pouvez passer à l’étape suivante et déterminer la répartition stratégique de votre portefeuille. A chaque profil de risque correspondra une répartition spécifique  » standard « . Mais, en fonction des conditions de marché, cette répartition type devra être adaptée. Par exemple, si les circonstances sont très favorables pour les actions, il faudra peut-être prendre un peu plus de risques. Si les taux sont faibles et menacent de progresser, il conviendra peut-être de diminuer quelque peu sa position en obligations.

Actuellement, on peut dire que les conditions de marché sont très favorables pour les actions. Depuis son sommet du 23 mai 2007, notre indice Bel20 a perdu plus de 60 % de sa valeur. La conjoncture économique, même si elle va mettre du temps à se reprendre, semble avoir atteint un plancher. Les spécialistes prédisent un redressement à la fin de cette année ou l’année prochaine. Mais sachez que la Bourse anticipe toujours ! On peut dire, par contre, que les conditions de marché ne sont pas idéales pour les obligations, surtout gouvernementales. Les taux d’intérêt à long terme sont très faibles (un peu plus de 3 %) et, si la croissance devait effectivement se reprendre, avec l’aide des plans mis sur pied par les gouvernements de par le monde, l’inflation devrait remonter, et les taux se redresser. Un environnement qui n’est pas idéal pour les obligations d’Etat. En revanche, les obligations d’entreprises peuvent encore profiter des différentiels de taux élevés qui sont affichés aujourd’hui.

Compte tenu de ces différentes constatations, on pourra adapter les portefeuilles types pour les profils de risques en augmentant un peu la part du volet  » croissance  » (essentiellement, les actions) et en diminuant donc le poids du volet  » rendement  » du portefeuille (essentiellement, les obligations). Etant donné les taux faibles proposés sur les placements en liquidités (notamment, le carnet d’épargne) et la confiance retrouvée dans les marchés, il vaut mieux aujourd’hui limiter le plus possible les liquidités en portefeuille.

RÉPARTITION TACTIQUE

Une fois la stratégie déterminée en fonction de votre profil de risque, il convient bien évidemment de choisir les meilleurs actifs en fonction des conditions de marché. Nous passons ci-dessous les différents types d’actifs en revue dans chaque volet du portefeuille et nous indiquons à chaque fois le poids que cet actif doit représenter dans le volet concerné.

VOLET CROISSANCE

Actions : 55 %

Les actions traditionnelles sont comme toujours le type de placement à privilégier dans le volet  » croissance  » de tout portefeuille. Dans cette partie du portefeuille, il vaut mieux privilégier les valeurs cycliques, issues de secteurs tels que la sidérurgie et la construction. Ce sont en effet ces valeurs qui profiteront le plus du redressement économique annoncé, tandis que leur valorisation est actuellement ridiculement faible. Par contre, il vaut mieux éviter les secteurs défensifs tels que l’alimentation et les télécoms. Ces secteurs ont moins souffert que les autres de la crise, mais pourraient bien être négligés par les professionnels de la finance ces prochains mois et années, au profit justement des actions cycliques. De plus, les valorisations des secteurs défensifs sont restées plus élevées que la moyenne. Enfin, il vaut mieux adopter une position neutre vis-à-vis du secteur bancaire. Même si d’autres mauvaises nouvelles ne peuvent être exclues, il semble que le secteur ait atteint un plancher en Bourse.

Or : 15 %

Vu l’incertitude qui règne encore actuellement, placer une partie de son portefeuille dans l’or constitue une excellente protection. Le métal jaune est en proie à des tensions au niveau de l’offre et de la demande. Autrement écrit, l’offre n’arrive pas à satisfaire la demande, ce qui crée une pression à la hausse sur les prix. Par ailleurs, l’or, valeur refuge par excellence, devrait profiter plus généralement de la fuite des investisseurs vers la sécurité. Enfin, vu les plans de relance qui ont été mis sur pied par la plupart des gouvernements, les prix à la consommation devraient rapidement remettre le cap à la hausse dès que l’économie se redressera. Et on sait que l’or est une excellente protection contre l’inflation… Les plus optimistes prévoient que le cours d’une once d’or devrait dépasser allègrement la barre des 2 000 dollars (contre 900 dollars actuellement) à moyen terme. Si une telle performance n’est pas impossible, il est clair qu’il faut plutôt parier sur un prix de 1 000 à 1 500 dollars à court ou moyen terme. Pour investir dans l’or, plusieurs solutions existent. L’or physique reste à privilégier mais est loin d’être pratique (il faut un coffre, une assurance spécifique…). Les trackers sur l’or constituent une alternative valable. Ils se négocient en Bourse et suivent parfaitement l’évolution du cours de l’or.

Matières premières : 15 %

Outre l’or, les autres matières premières sont également à privilégier à long terme. Dans cette catégorie d’actifs, il y en a vraiment pour tous les goûts. Ici aussi, tout est une question d’offre et de demande. Actuellement, l’offre a tendance à se stabiliser alors que la demande a légèrement souffert suite à la crise économique. Mais, à moyen et à long terme, les perspectives au niveau de la demande sont excellentes grâce à l’essor des pays asiatiques. La consommation y progresse très fort et la très bonne conjoncture économique nécessite de nombreux travaux d’infrastructures, ce qui devrait soutenir grandement la demande. Dans les matières premières, outre l’or et les métaux précieux en général, trois segments présentent, selon nous, le plus de potentiel : les matières agricoles, les métaux industriels et l’énergie. Ici aussi, il est préférable de passer par les trackers pour investir dans cette catégorie d’actifs pour des raisons évidentes de facilité. Pour les patrimoines plus petits, un tracker général qui suit un indice de plusieurs types de matières premières fera très bien l’affaire.

Marchés émergents : 15 %

Si vous recherchez la croissance économique, il est inutile de rester dans les pays occidentaux. Il faut voyager plus loin, vers les pays émergents. Plus particulièrement, le continent asiatique, la Chine en tête, présente les meilleures perspectives économiques du monde. Malgré la crise, la croissance y reste forte (7,5 % cette année, selon les prévisions), même si elle est au plus bas depuis 1990. Mais la Chine a de l’argent, beaucoup d’argent. Elle a ainsi mis sur pied un plan de relance de l’économie de pas moins de 450 milliards d’euros, soit 14 % du PIB pendant deux ans. Alors que les pays occidentaux reste coincés à des plans de 0,5 à 3 % du PIB… Et comme on sait que la croissance des bénéfices évolue en parallèle avec la croissance économique, il ne faut pas chercher plus loin les plus fortes croissances bénéficiaires. Et la Bourse, elle, évolue en parallèle avec la croissance des bénéfices… Pour investir dans les pays émergents, une bonne diversification sera nécessaire. Mieux vaut donc passer par un fonds de placement ou, encore une fois, un tracker.

VOLET RENDEMENT

Obligations d’Etat : 15 %

Les temps ne sont pas roses pour les obligations d’Etat. Avec un taux d’intérêt à long terme d’à peine plus de 3 %, les rendements n’y sont pas très intéressants. De plus, la perspective d’une reprise de l’inflation, et donc d’une hausse des taux, va contraindre l’investisseur en obligations d’Etat à garder ses titres jusqu’à maturité pour ne pas être pénalisé. Pour pallier cet inconvénient, une solution existe : les obligations indexées sur l’inflation. Ces obligations distribuent un coupon qui évolue en fonction de l’inflation. Plus l’inflation est élevée, plus le coupon est élevé, de sorte que les prix de ces obligations varient très peu. Actuellement, une obligation au Trésor français indexée sur l’inflation de la zone euro (OATeuroi) rapporte 1,9 % (échéance juillet 2020). Il s’agit là du rendement réel de l’obligation, auquel il faut ajouter l’inflation européenne au moment de la distribution du coupon pour obtenir le rendement total. A titre de comparaison, une obligation au Trésor (OAT) non indexée venant à échéance en avril 2019 affiche un rendement de 3,6 %. Quel que soit le niveau de l’inflation, c’est le rendement que vous obtiendrez. Autrement dit, l’OATeuroi est rentable à partir d’un niveau d’inflation de 1,7 %, ce qui devrait être possible ces prochaines années. En janvier et février dernier, en pleine période de crise, l’inflation annuelle était encore de 1,1 % et de 1,2 % respectivement.

Obligations d’entreprises : 60 %

Pour obtenir un rendement alléchant aujourd’hui, il faut surtout se tourner vers les obligations d’entreprises. Etant donné la crise économique, bon nombre de ces obligations ont été massacrées, de sorte que les rendements offerts sont maintenant très attrayants. Certes, une bonne diversification s’impose, peut-être plus qu’à l’habitude, tant le taux de défaut de paiement a augmenté. Mais si l’on se concentre sur des entreprises de (très) bonne qualité, le risque devrait rester limité. Et cette légère augmentation du risque est exceptionnellement bien rémunérée aujourd’hui. Aux Etats-Unis, une obligation à dix ans de bonne qualité (rating A) offre un surplus de rendement (spread) de 4,5 %, en moyenne, par rapport aux obligations de l’Etat américain de même échéance. Le rendement total atteint ainsi 7,5 % brut. De quoi même rendre jaloux les investisseurs en actions ! En Europe, le constat est pareil, même si les spreads sont un peu plus faibles. Si vous ne savez pas quelles obligations choisir, nous vous conseillons de passer par un fonds de placement. Préférez ceux qui ont une échéance fixe, qui vous permettent d’être sûr de récupérer votre capital à l’échéance (sauf en cas de faillite d’un émetteur, par exemple). Dexia, KBC et Petercam émettent notamment des fonds de ce type.

Sicafis : 25 %

Pour obtenir un rendement attrayant, l’investisseur peut également se tourner vers les sicafis. Il s’agit de sociétés qui investissent en immobilier et qui sont soumises à des règles spécifiques en échange d’avantages fiscaux intéressants. Ces sicafis permettent aux investisseurs de placer une partie de leur argent en immobilier, mais de manière beaucoup plus diversifiée que s’ils avaient dû le faire par eux-mêmes. De plus, les sicafis produisent bien souvent un rendement supérieur à celui des petits investisseurs privés, car elles peuvent acheter leur appartement au  » prix de gros  » ou elles construisent elles-mêmes les immeubles qu’elles vont mettre en location, ce qui revient moins cher. Par ailleurs, elles se chargent de toutes les démarches administratives, comme la recherche des locataires, le suivi des paiements… ce qui peut parfois être lourd pour une personne seule. Actuellement, même après le sursaut des marchés boursiers ces derniers mois, on peut obtenir des rendements de dividende de 5 ou 6 % net, voir plus, sans tenir compte des plus-values boursières éventuelles. Mieux vaut privilégier les sicafis qui se concentrent sur l’immobilier résidentiel, comme Aedifica (où les logements pour seniors représentent une grosse part du portefeuille) et Home Invest (beaucoup d’appartements). Ces deux sicafis offrent un rendement de 5 % net actuellement, avec un risque assez limité. Accessoirement, il est aussi possible de prendre des participations dans Befimmo (bureaux loués, pour une grande quantité d’entre eux, à des institutions publiques), qui affiche un rendement net de 6 %, et dans Cofinimmo (majorité de bureaux, mais quelques maisons de repos aussi ainsi que des cafés), dont le rendement de dividende dépasse même 7 % net.

VOLET LIQUIDITÉS

Compte d’épargne : 100 %

Garder des liquidités en portefeuille sert essentiellement à se constituer un matelas de sécurité en cas de chute du portefeuille. Ces liquidités pourront en effet être utilisées pour racheter des actifs qui ont fortement baissé, par exemple. Il ne faut donc pas  » bloquer  » cet argent pendant plusieurs mois, voire années, en investissant dans un compte à terme, un bon de caisse, voire un bon d’assurance. Ces derniers produits, qui n’offrent actuellement qu’une très faible rémunération, viennent plutôt en remplacement des obligations d’Etat quand le besoin s’en fait sentir (mais pas maintenant). Le compte d’épargne, même après la modification de la législation, reste donc le placement à privilégier. On peut obtenir actuellement un taux de base compris en général entre 2 et 2,5 %, augmenté d’une prime de fidélité de 0,5 % pour tout argent resté en compte pendant 12 mois consécutifs ou pendant 11 mois consécutifs au cours d’une même année.

Vincent Joye

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