Ni Bulgares ni talibans

Victor Bout a commencé sa carrière de trafiquant d’armes en 1995, à Ostende, avec la complicité de plusieurs Belges ayant des contacts en Afrique. Des avions partaient à vide de l’aéroport du littoral, faisaient escale à Bourgas, en Bulgarie, avant de repartir, chargés d’armes, vers des pays frappés d’embargo par l’ONU. Toutefois, contrairement à ce qu’indiquaient certains médias, la Belgique n’a intercepté aucun ressortissant bulgare dans le cadre de l’enquête sur le réseau Bout. Les arrestations ne concernent que le trafiquant kényan Sanjivan Ruprah, dit « Monsieur Sanji », son associé portugais Carlos Alberto La Plaine, surnommé « Beto », et un troisième ressortissant étranger, domicilié à Uccle (sans doute le frère cadet d’Adolphe Onusumba, président du RCD-Goma, le mouvement rebelle congolais). Des diamantaires anversois ont par ailleurs été interrogés et les Belges Olivier Piret et sa soeur Nathalie, des proches de Victor Bout, ont passé quarante-huit heures derrière les barreaux.

Par ailleurs, rien ne certifie, à ce stade de l’enquête, que Victor Bout ait été l’armurier des talibans. L’information publiée par des quotidiens belges puis anglo-saxons repose sur une fiche (non dénuée d’imprécisions) rédigée en 2000 par le SGR, le service de renseignement militaire belge: « Bout Victor aurait gagné environ 50 millions de dollars grâce à son commerce avec les talibans, auxquels il a vendu des armes des stocks soviétiques. » Les livraisons auraient été effectuées en 1996, à l’époque où Ostende était le quartier général de Bout.

Il ne s’agit donc que de soupçons. De plus, Le Vif/L’Express a découvert que la source initiale de ces informations est un document sud-africain, pas très fiable, qui évoque les relations de Bout avec les Afghans, mais fait peut-être une confusion entre les talibans et leurs adversaires. Une certitude: « Monsieur Victor », tadjik d’origine, entretenait d’excellentes relations avec feu le commandant Massoud, tadjik lui aussi, et ennemi juré des talibans. L’un des avions de Bout a relié l’Albanie à Kaboul, via Sharjah, pour alimenter en armes le régime Rabbani soutenu par Massoud. Il a été intercepté par un Mig-21 et obligé de se poser en zone talibane. Certains commentateurs prétendent que Bout s’est alors lié aux « étudiants en religion ». Attitude peu vraisemblable. D’autant qu’il a pris de grands risques en envoyant ses hommes libérer l’équipage de l’appareil.

O.R.

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