Benjamin Netanyahu est le nouveau président d'Israël. © RONEN ZVULUN/BELGAIMAGE

 » Netanyahou est d’abord un pragmatique « 

La victoire du Likoud aux législatives annonce une nouvelle reconduction du Premier ministre sortant. Le géopolitologue Frédéric Encel décrypte sa méthode.

Comment peut-on résumer la stratégie gagnante de Benyamin Netanyahou ?

Il a toujours endossé le rôle du bouclier, tant en termes stratégiques que politiques. Netanyahou privilégie la posture de celui qui, par son entregent diplomatique – Trump, Bolsonaro, Poutine, etc. – donne à la nouvelle puissance israélienne une assise planétaire inédite. Souvenez-vous du bras de fer avec Obama remporté par  » Bibi « , que celui-ci a su mettre en avant auprès des Israéliens, et pensez au spectre iranien constamment agité ! Cette posture protectrice est très appréciée des électeurs ; elle le distingue de ses prédécesseurs et de tous ses opposants.

Quel est le degré d’illibéralisme dans le cocktail idéologique de Netanyahou ?

Je serais, en l’espèce, moins pessimiste que nombre d’observateurs : dans son cas, le populisme teinté de nationalisme a surtout incarné un levier électoral. Ce tacticien politique hors pair privilégie souvent la très wébérienne  » éthique de conviction  » avant le scrutin et, une fois aux affaires, bascule dans  » l’éthique de responsabilité « . Il s’agit d’une sorte de triangulation électorale destinée à siphonner les voix de l’extrême droite et, ensuite, à rester dans le mainstream du nationalisme classique. Il s’était abstenu lors du vote sur le retrait complet de Gaza en 2005, permettant à Ariel Sharon d’effectuer cet abandon honni par la droite… Du reste, si la droite dure décidait de quitter la nouvelle coalition, Netanyahou pourrait toujours proposer à Gantz (NDLR : son principal rival aux dernières législatives) l’union nationale.

 » Bibi  » est-il proche d’un néoconservateur comme Robert Kagan ou, plutôt, d’un Trump ?

Il me paraît plus proche de Kagan. Ne serait-ce que parce qu’il est beaucoup plus réfléchi que le second. Il s’apparente davantage aux intellectuels  » néocon  » qu’à un Trump dénué d’ossature idéologique cohérente. Mais, nuance, si les néoconservateurs insistent sur l’établissement de la démocratie comme réponse aux dangers de l’extrémisme, Netanyahou sait bien que, dans une région comme le Moyen-Orient, les chances d’une démocratisation sont extrêmement minces. Confer les suites du printemps arabe… Quoi qu’il en dise, il considère à cet égard que ce n’est pas le problème d’Israël. En même temps, là où il s’avère plus  » pragmatique  » que néoconservateur, c’est en ne remettant pas en cause ses excellentes relations avec des gouvernements est-européens ou sud-américains populistes ou illibéraux.

Quel est son plan pour la région ?

D’abord, pas de coups d’éclat, tant les rapports de force évoluent favorablement du fait de tendances lourdes ! Ensuite, jouer sur l’Egypte et la Jordanie comme pièces maîtresses dans le remodelage de la région. Netanyahou n’avait d’ailleurs pas mégoté son aide à sa voisine égyptienne quand celle-ci avait été brièvement dirigée par le Frère musulman Mohamed Morsi… Ce qui revectorise les alliances dans la région, c’est l’axe israélo-américano-sunnite face à l’axe russo-irano-chiite ; or, dans ce schéma général,  » Bibi  » parvient à conserver d’excellents rapports avec Poutine, lequel, tout en étant chef du principal partenaire étatique de… l’Iran, a favorisé sa réélection en le rencontrant tout sourire pendant sa campagne. C’est une forme aboutie d’habileté…

Auteur d’Atlas géopolitique d’Israël (Autrement, 5e éd., 2019) et de Dictionnaire géopolitique (PUF, 2e éd., 2019).

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