Rédacteur en chef adjoint du Vif/L'Express.

Les gilets jaunes peuvent conduire Macron à prendre une veste

La caractéristique principale du mouvement des gilets jaunes qui bloque les routes de France et a essaimé en Belgique wallonne serait d’être inclassable. Ni de gauche, ni de droite, apolitique et résistant vaille que vaille à la récupération des partis. Sans leadership et sans hiérarchie, insoumis aux syndicats. Avec des revendications plus imprécises au fil du temps, du retrait de la hausse des taxes sur les carburants à celui du président Macron. Populaire et populiste, transcendant les classes sociales mais n’échappant pas aux dérives homophobes ou racistes. Bon enfant et violent. Insaisissable. Qu’il soit insaisissable n’exempte pas le gouvernement de tenter de saisir ce qu’il dit de la situation actuelle de la France. Sans doute, le mouvement reflète-t-il, plus qu’une simple revendication matérielle, une aspiration sociale, celle d’échapper à une injustice subie et perçue comme récurrente, par rapport à d’autres classes de la population ou aux habitants d’autres territoires, ceux des grandes villes cosmopolites. On sait les gilets jaunes issus essentiellement de la France rurale et de la France dite périurbaine. On juge Emmanuel Macron comme le président des gagnants de la mondialisation et des riches. Même partiales et réductrices, ces appréciations situent le fossé qui s’est creusé entre le locataire de l’Elysée et une partie des Français.

Macron affronte le premier défi de sa présidence. Il n’a pas mis toutes les cartes de son côté pour le surmonter.

Or, la réponse du chef de l’Etat et de son Premier ministre n’a pas jusqu’à présent contribué à le combler. Certains Français se lassent de la propension du pouvoir macronien à vanter les vertus de l’écoute tout en n’infléchissant jamais sa politique. Cause toujours… tu m’intéresses. D’autres ou les mêmes s’irritent du mantra seriné à l’envi sur l’application stricte des promesses électorales, gage de sérieux et d’efficacité. Un exécutif est aussi censé s’adapter aux circonstances et aux revendications nouvelles.

Difficile à ce stade de déterminer l’ampleur que la mobilisation des gilets jaunes prendra et l’influence qu’elle exercera sur le gouvernement français. Il n’est pas exclu que le phénomène bénéficie aujourd’hui d’un effet grossissant en raison de son attractivité médiatique. Il touche certes une multitude de régions françaises, mais n’a finalement rassemblé, le samedi 17 novembre,  » que  » l’équivalent de l’assistance d’une manifestation moyenne, soit quelque 300 000 personnes. La perception en sera cependant modifiée s’ils se réunissent tous à Paris, comme annoncé, ce samedi 24 novembre, et assiègent l’Elysée…

Emmanuel Macron affronte le premier véritable défi de sa présidence. Il n’a pas mis toutes les cartes de son côté pour le surmonter. Il fait face aujourd’hui à un mouvement disparate qu’il a contribué à faire éclore sous cette forme en sapant la crédibilité des syndicats, à l’audience déjà limitée dans l’Hexagone. Il s’accroche, pour justifier la hausse des taxes sur les carburants, au mantra de la transition énergétique auquel, foi de Nicolas Hulot, il n’avait pas convaincu les Français d’être si attaché.

Le pouvoir français devrait pourtant être conscient que plus le mouvement des gilets jaunes résistera à l’épreuve du temps, plus il étoffera ses revendications qui seront d’autant plus difficiles à satisfaire.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire