Le roman interactif de la commission Fortis

Fin sans gloire pour une commission d’enquête parlementaire qui, selon les quatre experts consultés, n’aurait jamais dû voir le jour. Elle émet des recommandations mais ne révèle pas de grand complot.

Les amateurs de polar en seront pour leurs frais. Le thriller politico-judiciaire qui a fait sombrer le gouvernement de Yves Leterme (CD&V), le 18 décembre 2008, n’accouche d’aucune vérité aveuglante. La commission Fortis a les traits tirés d’un héros à contre-emploi, l’Ostendais Bart Tommelein (Open VLD), plus amateur des joies de plein air auxquelles il a tenté en vain de convier ses coéquipiers, que des énigmes de la justice.

Comme dans un roman interactif, son équipe laisse à chaque (é)lecteur le soin de démêler le sens des nombreux coups de fil échangés entre les cabinets de Yves Leterme (Premier ministre CD&V) et Jo Vandeurzen (Justice, également CD&V) et des membres du parquet de Bruxelles. Les fins limiers pourront ainsi observer que Pim Van Walleghem, détaché du parquet de Bruxelles auprès du Premier ministre, et Herman Dams, chef cab’ du ministre de la Justice, ont appelé chacun le substitut Paul D’Haeyer dans l’exercice de ses fonctions, le 6 novembre. Mais ce dernier, lui, a saisi cinq fois son téléphone, le 6, le 10 et le 11, pour s’entretenir avec l’une ou l’autre personne qu’il connaissait bien dans ces mêmes cabinets. Les  » contacts  » ne se sont pas transformés en  » pressions « . Néanmoins, estime la commission Fortis,  » il y a eu mise en péril du principe de la séparation des pouvoirs « .

Au stade de la première instance, Didier Reynders (MR), ministre des Finances, et son chef de cabinet, Olivier Henin, sont restés des personnages en creux, indemnes de tout reproche ou comploteurs de l’ombre, suivant les affinités politiques ou communautaires. Lorsqu’ils se sont approchés des événements du 12 décembre 2008 à la cour d’appel de Bruxelles, les parlementaires-enquêteurs ont ralenti leur pas, car d’autres équipes étaient déjà sur le coup : le conseiller Henri Heimans (pour l’enquête pénale sur la juge Christine Schurmans) et le Conseil supérieur de la justice. Pas question de saboter la  » scène du crime « , malgré les étranges interventions épistolaires de magistrats flamands de la cour d’appel (Paul Blondeel, Jean Van der Eecken et Guy Delvoie), confits dans leur  » guerre des juges « .

La plupart des contacts peccamineux – à l’exception du grave soupçon de violation de son secret professionnel pesant sur la juge Schurmans – mettent en présence des hommes politiques et des membres du ministère public. Conseiller à la Cour de cassation, Christine Matray plaide, sur le site justice-en-ligne ( lire encadré p. 46), pour que les  » parquetiers  » s’abstiennent de faire le détour par des cabinets ministériels. La commission Fortis n’envisage pas un  » happy end  » aussi radical.

Marie-Cécile Royen

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