» LE RIRE JOUE UN RÔLE POLITIQUE ET SOCIAL « 

Complices sur France Inter, Alex Vizorek et Charline Vanhoenacker jubilent quand ils font tanguer l’actu ou l’invité. Pour le duo, l’humour n’est pas tant une arme qu’une manière d’aborder plus subtilement la (dure) réalité. Chacun à sa manière.

Points communs : Belges, chroniqueurs et jamais démontés par leur interlocuteur. Différences : Alex Vizorek est là pour  » faire marrer les gens « . C’est un humoriste à temps plein. Sur scène, avec Alex Vizorek est une oeuvre d’art. Sur La Première, avec notamment les Cafés serrés, de bon matin. Et sur France Inter, avec Le septante-cinq minutes et Si tu écoutes, j’annule tout, en journée. Charline Vanhoenacker, elle, dans ces mêmes deux émissions,  » ne cherche pas à déclencher le rire en premier. Dans mes billets, je suis encore journaliste à 60 ou à 70 %.  » Mais en utilisant la plus grande liberté de ton que permet l’humour.

A leur niveau, les deux comparses confirment la place croissante consacrée à l’humour dans les médias.  » Parce que les gens découvrent de plus en plus de styles ou que l’humour répond à un vrai besoin pour compenser l’atrocité de ce que l’on peut vivre ? s’interroge Alex Vizorek. Je n’ai pas entièrement la réponse. Au Québec, ça fait dix ans qu’on se demande s’il n’y a pas trop d’humoristes et, chaque année, on en compte encore plus. Par contre, j’entends de plus en plus de gens qui nous encouragent à continuer à les faire rire, plus que jamais.  »

L’élément déclencheur : l’attentat contre Charlie Hebdo, à Paris, le 7 janvier 2015.  » Ces événements ont démontré l’importance de rire, y compris dans les moments les plus tragiques « , constate Charline Vanhoenacker.  » Charlie Hebdo fait de l’humour très dur, cynique, cinglant, poursuit Alex Vizorek. Mais les gens ont eu l’impression qu’on s’attaquait à bien plus que ça. Ce qui était pris pour cible, c’était cette façon gauloise de voir la vie et d’en rire. Aujourd’hui, quiconque fait de l’humour, même si ça n’a rien à voir avec Charlie Hebdo, me semble davantage respecté qu’auparavant.  »

 » L’humour doit déranger les certitudes  »

La manière de faire de l’humour dépend avant tout de sa finalité. Charline Vanhoenacker revendique un ton assez engagé.  » L’humour sans message m’emmerde. Le rire doit permettre de s’opposer au pouvoir en place, de déranger les certitudes et les croyances. En cela, il joue un rôle politique et social.  » Elle ne se range pas pour autant dans la catégorie des leaders d’opinion.  » Les éditorialistes me saoulent, parce qu’ils se prennent beaucoup trop au sérieux et donnent des leçons de morale. Mes billets sont plutôt une parodie de ça. Par contre, j’ai un personnage politique.  » Louis Aliot, vice-président du Front national, empêtré dans le scandale des Panama Papers, se souviendra de son passage sur France Inter, le 6 avril.  » Quand le parti disait « Tous pourris ! », nous, on n’avait pas compris que le FN s’incluait dedans « , lui a notamment lancé Charline.

De son point de vue, l’humour est un  » lubrifiant des débats « , puisqu’il offre une latitude plus large que le journalisme classique pour dénoncer des faits. Dans le Journal de presque 17 h 17, sur France Inter, le duo n’hésite pas à mélanger les genres.  » On y dit que Patrick Balkany (NDLR : maire UMP de Levallois-Perret, en France, mis en examen pour corruption passive et blanchiment de fraude fiscale) est un escroc. On s’approche davantage de la vérité en le disant de cette manière qu’en ayant l’obligation de mentionner la présomption d’innocence.  »

Pour Alex, l’humour, en particulier dans un contexte délicat, sert plutôt de  » baume temporaire  » en permettant à une société de rire des mêmes choses.  » Ça ne m’empêche pas d’être caustique et pertinent. Mais l’important, pour un humoriste, c’est de proposer un regard décalé, inattendu. Pour peu qu’il soit drôle, ça me convient.  »

PAR CHRISTOPHE LEROY

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