La nébuleuse Ecolo : à gauche, donc ?

Ecolo a-t-il été en passe de faire l’appoint dans un gouvernement libéral ? C’est la question que se sont posée, depuis plusieurs jours, les électeurs de gauche qui, comme aux élections législatives de 2007, avaient choisi, ce 7 juin, de reporter leur voix sur Ecolo. Lassés par les scandales révélateurs d’un PS corrompu, nombreux avaient déjà été les électeurs socialistes qui s’étaient reconnus dans le discours d’Ecolo, un discours plus engagé à gauche que celui du PS lui-même : sanctionner le PS ? Oui. Un parti qui n’a pas su se renouveler depuis les dernières élections et où l’on voit les mêmes barons à nouveau tremper dans les mêmes magouilles. Mais maintenir un vote à gauche. Ainsi, même si le recul du PS a été moins sensible, pour la deuxième fois, ce phénomène a néanmoins permis à Ecolo de progresser de manière spectaculaire. Pourtant, depuis 2007, l’observateur attentif aura pu remarquer que Jean-Marc Nollet restait à peu près le seul des ténors d’Ecolo à encore tenir des propos vraiment ancrés à gauche, même s’il a choisi, dans sa commune de Fontaine-l’Evêque, de s’allier à des candidats libéraux (MR)… Les autres, par contre, comme par exemple Marcel Cheron, qui a pris de plus en plus de place dans le leadership du parti, ont généralement éludé les questions des journalistes qui, souvent et avec insistance, ont tenté de savoir, tout au long de la campagne, si Ecolo était un parti de gauche ou de droite… Si Ecolo a finalement choisi un rapprochement avec le PS, aurait-il cependant été tenté de  » vendre son âme au diable  » ? A constituer une coalition tirant à droite, avec le CDH et le MR ( » la jamaïquaine « ), alors que, mathématiquement, se présente une opportunité historique de mettre en £uvre une majorité de centre-gauche, avec le CDH et le PS ( » l’olivier « ), en Wallonie et à Bruxelles ? Plusieurs signes le laissaient penser. Les leaders d’Ecolo, ainsi, au grand dam de leur propre base, écologistes de toujours, membres de mouvements associatifs, majoritairement à gauche, arguaient désormais en termes d’éthique, de principes et de la très à la mode  » bonne gouvernance « … Et de rechercher des partenaires  » fréquentables « … Oubliées, alors, les affaires du MR, Ducarme, la triche aux impôts à Charleroi ou un certain circuit de formule 1, pourtant tellement important pour les verts, il y a peu ? Le MR n’est pas non plus vierge de toute casserole… Ecolo estimait-il cependant que c’était cela, de la  » bonne gouvernance  » ? Que c’était  » éthique  » par rapport à leurs valeurs ? Et quand bien même, aurait-il fallu aller jusqu’à jeter l’enfant avec l’eau du bain et faire passer l’éthique absolue devant le social, préférer la forme au fond ? Pour un peu plus de portefeuilles, pour la répartition de jetons, de mandats, de désignations diverses, Ecolo, à tout le moins, apparaissait enclin à rallier la droite, en pleine crise du modèle capitaliste, chance incroyable, disait-on pourtant chez les écologistes, pour l’instauration d’un  » autre modèle « . Voilà donc de quoi surprendre le nouvel électorat d’Ecolo, qui lui a offert un bond de 10 %, en 2007 et en 2009… Mais Ecolo s’est manifestement ravisé. C’est que, si Ecolo avait joué ce petit jeu de la  » jamaïquaine « , s’acoquinant avec la droite, ceux qui lui ont fait confiance l’auraient attendu au tournant des prochaines élections. Pour cette frange particulière de l’électorat, qui n’a pas voté par habitude, mais bien par conviction et par un choix réfléchi, une participation d’Ecolo à un gouvernement de droite, avec le MR, aurait inévitablement été perçue comme une trahison. Ecolo, en définitive, semble avoir choisi de ne pas courir ce risque. Dans cette perspective, en effet, la baudruche verte aurait bien pu se dégonfler aussi vite et aussi spectaculairement qu’elle s’était enflée.

Pierre Piccinin, professeur d’histoire et de sciences politiques (Ecole européenne de Bruxelles I),

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