La guerre des affiches

Michel Delwiche
Michel Delwiche Journaliste

C’est le printemps, et les panneaux électoraux vont refleurir. Souvent en toute illégalité. La législation sur la publicité électorale est de plus en plus stricte, et doit être appliquée par les bourgmestres. Qui sont parfois des candidats…

« C’est une question de principe « , clame Daniel Ryckmans, militant Ecolo et ancien conseiller communal à Chastre (Brabant wallon), qui déplore le désintérêt général pour le respect de la législation sur l’affichage électoral.

 » Lors des communales de 2006, explique-t-il, j’ai appelé la police pour faire constater que des affiches avaient été apposées sur l’église, ou sur des panneaux réservés à des annonces culturelles. Je n’ai même pas pu obtenir le PV de mon audition. Aux législatives de 2007, un panneau avec la photo du bourgmestre (et candidat) était placé à l’entrée du bureau électoral, installé dans l’école. Nous avons demandé à la police d’intervenir, mais on nous a répondu que les policiers avaient autre chose à faire… « 

Aucune sanction

Daniel Ryckmans a constitué un volumineux dossier avec les nombreuses correspondances qu’il a adressées à toutes les autorités concernant ces affichages illégaux. Il y joint les réponses (quand il y en a), qui s’apparentent au mieux à des accusés de réception. Les ministres se sont renvoyé la balle du régional au fédéral et inversement, les gouverneurs successifs du Brabant wallon qui ont rédigé les arrêtés précisant les règles à observer ne les ont pas fait appliquer, et, comble pour ce citoyen ulcéré, le médiateur fédéral et celui de la Région sont restés sans réaction.

 » C’est l’ensemble du système que je veux dénoncer, dit-il. Les affiches n’ont pas été enlevées, et il n’y a eu aucune sanction. N’est-il pas intolérable que ceux qui ont fait la loi ne la respectent pas ? Que toute la chaîne, candidats, gouverneurs, ministres, médiateurs, fasse preuve d’autant de désinvolture, d’hypocrisie et d’arrogance ?  » Avec une mention particulière pour ce courrier d’août 2007 émanant de la gouverneure du Brabant wallon Marie-José Laloy qui précise que seuls les candidats ont le droit de protester si les autorités communales ne font pas respecter les instructions qu’elle a elle-même communiquées.

On a toujours fait comme ça

Le bourgmestre de Chastre, le libéral Claude Jossart, l’un des principaux candidats incriminés, admet qu’il a affiché le jour du scrutin fédéral près du bureau de vote, violant ainsi l’arrêté de police qu’il avait lui-même fait placarder.  » Cela fait des années que, dans la dernière ligne droite, je le fais, dit-il, mais je reconnais que je n’avais pas bien compris l’arrêté, et l’interdiction de placer des affiches le dernier jour. J’ai d’ailleurs réagi à la plainte, et suis allé pour enlever les panneaux. Mais la cousine de M. Ryckmans, candidate Ecolo, les avait jetés au sol, face contre terre bien entendu. Ce n’était tout de même pas à elle à faire la loi… « 

Ambiance. D’autres candidats ont expliqué que c’étaient des sympathisants venus de l’extérieur de la commune qui avaient collé leurs affiches, et que leur responsabilité n’était donc pas engagée. Un proche de Claude Jossart a même osé prétendre ( La DH du 27 octobre 2005) que  » quand les personnes âgées arrivent au bureau de vote, elles sont parfois heureuses de voir qui elles peuvent soutenir.  »

1 000 euros d’amende

 » C’est dans la région montoise que nous avons dû le plus verbaliser après les communales de 2006 « , explique Freddy Ruggiero, coordinateur de l’action judiciaire de la police domaniale de la Région wallonne, le service chargé de réprimer les infractions environnementales sur les voiries (routes et autoroutes) de Wallonie.  » De nombreux PV y ont été rédigés, mais… classés sans suite par le parquet. Aujourd’hui, avec le tout nouveau décret (adopté la semaine dernière) destiné à lutter contre la saleté des routes, nos agents pourront infliger des amendes administratives directement au responsable d’un affichage illégal. Electoral ou autre. L’amende pourra monter jusqu’à 1 000 euros. « 

A Mons, certains candidats n’avaient pas hésité à placarder leurs affiches sur les panneaux routiers. Des agents de la Région ont dû être mobilisés pour les enlever. Des remorques judicieusement abandonnées sur la voie publique ont été confisquées.  » Mais tous les candidats mis en cause ont payé la facture, poursuit Freddy Ruggiero, et il y en avait de toutes les formations, sauf Ecolo.  » Aux législatives de 2007, la situation a été beaucoup plus calme, poursuit-il.  » Les partis se sont rendu compte que c’était l’escalade, et qu’on risquait de dépasser les bornes. « 

Mais il n’y a pas que les voiries régionales. Ici et là, des concertations ont lieu pour tenter de se mettre d’accord sur une même façon de coller. A Liège par exemple, Bernard Wesphael, tête de liste Ecolo aux régionales, a applaudi l’initiative de Marie-Dominique Simonet, qui conduira les candidats CDH. La ministre a proposé au socialiste Willy Demeyer, président de la conférence des bourgmestres, que ce soient les employés communaux qui se chargent de coller toutes les affiches (fournies par les partis) sur les panneaux mis à disposition par les 24 communes de l’arrondissement. En France, pour l’élection présidentielle, ce sont des agences de pub qui le font.

A Bruxelles, le ministre-président Charles Picqué a invité les bourgmestres des 19 communes à se mettre d’accord pour limiter l’affichage strictement aux panneaux communaux.

MICHEL DELWICHE

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