La déferlante !

De grandes galeries d’art françaises s’implantent à Bruxelles. Une tendance en marche depuis quelques années qui semble encore s’accélérer avec l’ouverture imminente de nouvelles enseignes… Mais par quoi sont-elles motivées ?

Ce n’est un secret pour personne… L’absence d’ISF (impôt sur la fortune), l’imposition très faible sur les donations et successions ou encore la non-imposition des plus-values sur les biens culturels dépendant du patrimoine privé sont autant de conditions favorables rendant la Belgique très attractive… Pour preuve, le nombre de Français séduits : 200 000 y ont élu domicile. Si la plupart évoquent des raisons professionnelles, ils seraient quand même quelque 10 % à avoir choisir notre pays pour des raisons principalement liées à la gestion de leur patrimoine. Les galeries d’art françaises ont ainsi assisté, impuissantes, au départ de quelques grands collectionneurs.

Mais est-ce vraiment la présence massive de ces fortunes exilées qui drainerait tant de galeries d’art françaises à Bruxelles ? Ne soyons pas naïfs ! Nulle ne l’avoue en ces termes… Au mieux, elles évoquent du bout des lèvres la volonté de rester proche de leur clientèle basée ici. En revanche, les galeristes soulignent – presque à l’unisson – la qualité de vie et les facilités linguistiques, économiques et géographiques de notre capitale. Avec des connexions pour Paris, Amsterdam, Cologne et Londres en moins de deux heures, sa situation est parfaite !

Première raison invoquée, le coût de l’immobilier. Avec des loyers beaucoup plus abordables que dans d’autres capitales, les galeristes rencontrent moins de contraintes spatiales et peuvent plus facilement jouer d’audace. En fondant une antenne à Bruxelles en octobre 2008, la galeriste parisienne Nathalie Obadia ouvre la voie et nourrit un objectif : profiter de l’accessibilité économique des lieux d’exposition pour programmer des artistes émergents.  » La galerie de Bruxelles m’a permis de lancer des artistes, dont Michael DeLucia, un jeune Américain dont les oeuvres se vendaient peu cher. (…) En France, il aurait été autrement plus difficile de rentabiliser un tel projet avec des artistes qui ne coûtent pas cher.  » Face à sa grande soeur parisienne, la programmation bruxelloise se veut dès lors plus expérimentale, dynamique et réactive.

Une grande liberté

Fin 2012, c’est l’enseigne Galerie Paris-Beijing qui vient prendre ses quartiers à Bruxelles. Son aventure commence en 2006. Cette année-là, Flore et Romain Degoul inaugurent un premier espace à Pékin, en plein centre du  » 798 Art District « . En 2009, ils établissent leur deuxième galerie à Paris. Forts de leur succès, ils se mettent à la recherche d’un troisième pas-de-porte dans une autre ville. Et par un heureux hasard, ils découvrent ici de merveilleux locaux.  » C’est à ce moment-là que l’évidence s’est révélée. De grands volumes pour des loyers tellement plus accessibles qu’à New York, Hongkong ou même Paris ! À Bruxelles nous disposons d’une superficie de 800 m2 divisée en deux parties : d’une part l’Hôtel particulier Art nouveau et d’autre part le White Cube moderniste baigné de lumière zénithale. Ces deux entités architecturales nous autorisent une grande liberté d’action et d’imagination quant à la scénographie de nos expositions. L’adresse bruxelloise nous permet d’envisager toutes sortes de projets, comme l’exposition à venir de Martin Parr, sous des formes quasi muséales.  »

De nombreux autres galeristes Français ont misé sur Bruxelles. Citons entre autres Almine Rech, Valérie Bach, Flore de Brantes, Catherine Bastide, Sébastien Ricou… et la tendance ne semble pas faiblir !

Fraîchement arrivé !

Mi-avril. Après plus de vingt ans d’activité à Paris, Antoine Laurentin implante sa nouvelle adresse dans le quartier du Sablon.  » J’ai choisi Bruxelles car nous y avons noué de nombreuses relations avec des collectionneurs d’Europe du nord (Belgique, Pays-Bas et Allemagne), entre autres grâce à nos participations à la Tefaf et à la Brafa, explique le galeriste. En outre, il est bon de rappeler que la fiscalité belge sur le travail n’a aucun attrait par rapport à la France et est dans certains cas plus élevées : la TVA, par exemple. Il faut donc avoir une réelle volonté de développer une activité de galerie appuyée sur un programme d’expositions fourni et de qualité. Quant à l’immobilier, il est exact que nous avons pu trouver un espace rare à Paris. Avec un loyer beaucoup moins élevé que sur le quai Voltaire, ce lieu nous permettra de montrer des tableaux, des sculptures ou des dessins de grandes dimensions, ce qui nous est impossible à Paris. Pour notre ouverture, la monumentalité des dessins et des peintures de Judit Reigl se prête parfaitement à cet écrin d’une hauteur de quatre mètres sous plafond. ? Après des années de renoncement, c’est une grande satisfaction de pouvoir enfin montrer de façon optimale ces oeuvres magnifiques.  »

Autre figure majeure, Michel Rein nous confie qu’il cherche lui aussi à s’enraciner à Bruxelles. Seul obstacle : dénicher un espace à la hauteur du projet qu’il souhaite mettre en place. À la différence de ces prédécesseurs, ce galeriste n’a pas été attiré ici par le charme de nos loyers. Ses motivations sont multiples et variées.  » On a d’abord envie de développer un nouveau projet, souligne-t-il. On aime beaucoup Bruxelles, nous participons à la foire d’art contemporain depuis longtemps et y avons développé de nombreux contacts amicaux. On a aussi compris qu’il y avait ici un intérêt profond pour l’art contemporain. De nombreux collectionneurs belges sont engagés, nous souhaitons aller à leur rencontre. Je crois aussi très fort en Bruxelles. C’est une ville qui a énormément d’atouts et qui va encore profondément se développer dans les années à venir. Une place très intéressante, très prometteuse… En outre, nous défendons des artistes qui – à deux ou trois exceptions près – ne sont pas représentés sur la scène belge. Nous avons envie de les exposer à Bruxelles.  »

Et  » nos  » galeristes, comment voient-ils cet arrivage massif d’enseignes étrangères ? Très positivement !  » Cette multiplication a du bon, s’enthousiasme Albert Baronian, fixé à Ixelles depuis quarante ans. Ça crée une émulation… Une dynamique ! » Autant de signaux qui contribuent à donner de notre capitale l’image d’une cité artistique tournée vers l’avenir… Et peu importent les motivations, ces galeries françaises fraîchement installées partagent toutes un point commun : une confiance sans borne en la vigueur du marché bruxellois !

Infos sur les galeries d’art bruxelloises : www.neca.be

GWENNAËLLE GRIBAUMONT

 » On a aussi compris qu’il y avait ici un intérêt profond pour l’art contemporain  »

Michel Rein

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