La conviviale attitude comme seconde nature

Salariés fatigués, stressés, incapables de déconnecter, au bord du burn-out… Ce manuel est pour vous. Son auteur propose 96 attitudes à cultiver pour se sentir bien au bureau. Interview.

Ne pas se laisser polluer par un langage négatif. Jouer  » aux mots autorisés « . Ne pas nier les problèmes, mais tourner son esprit vers la créativité. Pratiquer la puissance de la gentillesse. Se rendre remplaçable… Abdessamad Bennani, chef d’entreprise, livre 96 attitudes pour se sentir bien au bureau. Le principe est simple : partager la boîte à outils qu’il a lui-même mise en oeuvre dans sa société de service informatique et qui a fonctionné. Un ouvrage plein d’humour et à contre-courant de toutes les prédictions alarmantes et des scénarios catastrophes décrits dans les médias. On en sort mieux armé pour travailler dans le plaisir, supporter un collègue désobligeant ou un employeur harceleur.

Le Vif/L’Espress : Qu’est-ce qui a motivé la rédaction de votre ouvrage ?

Abdessamad Bennani : J’ai d’abord voulu témoigner. Je dirige une société où règne, depuis vingt-six ans, un climat sympathique. Je n’ai connu que ça ! Mais dans les colloques, dans mes relations professionnelles et dans mon entourage, j’entends de nombreuses personnes s’exclamer :  » Waouh, c’est super !  » Je constate que dans mon entreprise, nous sommes des privilégiés. Ailleurs, les gens sont malheureux à tous les étages. Même des patrons.

Comment expliquez-vous que chacun se sente plus ou moins concerné par le burn-out ?

Parce que nous évoluons dans une société qui met en avant des valeurs qui ne nous ne conviennent pas : l’individualisme, la vitesse, la compétition, le peu de soin porté aux autres. Ces valeurs usent les salariés, tuent le collectif. Chacun s’active comme un petit hamster dans sa roue. Dès lors, il n’y a pas d’autre solution que d’appliquer ma méthode : la conviviale attitude, c’est-à-dire la bienveillance réciproque.

Vous affirmez que la conviviale attitude n’est pas applicable partout.

Trop souvent, les gens s’épuisent à vouloir changer leurs collègues. C’est une illusion. Il y aura toujours des personnes qui ne seront pas réceptives aux propositions que je développe dans mon livre. Dès lors, je le répète : la seule solution est d’agir sur soi, et ensuite de s’occuper de ses collègues, avec bienveillance. Tout cela n’a rien à voir avec la structure dans laquelle vous êtes engagé, grosse boîte ou PME. C’est une disposition d’esprit, une posture intérieure. Autrement dit, on peut affirmer que l’on ne réussit pas sa vie professionnelle grâce à son QI mais grâce à son quotient émotionnel.

En quoi la conviviale attitude apaise-t-elle durablement les relations professionnelles ?

Cela prend des années ! D’abord, on lance des petites boules de neige, en espérant que certaines d’entre elles vont dévaler la pente. Aujourd’hui, tous mes employés ont adhéré à la conviviale attitude. Elle déclenche une réaction en chaîne et s’étend à ceux qui vous sont proches et enfin à tout votre milieu professionnel : vos clients, vos fournisseurs, même vos concurrents, que je n’appelle plus ainsi, mais que je qualifie aujourd’hui de confrères. Peu à peu, la conviviale attitude imprègne votre esprit, jusqu’à devenir une seconde nature. En revanche, l’erreur serait de prétendre créer de toutes pièces une entreprise conviviale. Tout simplement parce que ce n’est pas possible : on ne peut agir que sur soi.

L’élément central de votre méthode se base sur le langage…

Le langage est le facteur essentiel. Ainsi, dans notre entreprise, nous avons instauré  » Le jeu des mots autorisés « . Il y en a donc qui sont  » tabous « , comme  » souci « ,  » problème « ,  » difficultés « ,  » crise « ,  » tu dois « … Chez nous, nous n’entamons jamais un dialogue, une réunion par  » J’ai un problème… « . D’emblée, je dis :  » Je cherche une solution pour…  » Cette attitude permanente permet de ne pas se laisser polluer par un langage négatif. Et cet entraînement mental élimine le stress, l’agressivité, le pessimisme, les mauvaises habitudes…

Vous jouez aussi beaucoup au sein de votre entreprise ?

L’efficacité du jeu est surprenante ! Il y en a pas mal, celui des  » mots autorisés « , dont je viens de parler, mais aussi  » le thème de la semaine « . Nous le choisissons ensemble. Cela peut être  » concentration « ,  » humour « ,  » service « ,  » sourire « ,  » patience « … Il doit donner le ton, du lundi au vendredi. Si on opte pour  » sérénité « , tout le monde se donne plus de chances de rester zen même face à une grande agitation. L’objectif est de rester calme plus que d' » éviter l’agitation « . Ce n’est pas la même chose. Nous n’avons aucune prise sur l’agitation extérieure, alors que nous avons la maîtrise de notre sérénité extérieure. Naturellement, vous pouvez aussi jouer tout seul, si vous le décidez !

Mais cela ne vous met pas à l’abri de conflits. Vos employés ne vivent tout de même pas au paradis !

Ils vous diront qu’ils n’en sont pas loin ! Le paradis n’est pas un lieu mais un état d’esprit. Les soucis se présentent évidemment, mais nous les gérons avec plus de sérénité et de solidarité. Sur le plan personnel, je reçois les soucis comme un événement presque agréable, parce qu’ils peuvent être vécus dans le plaisir. S’ils arrivent, cela signifie que quelque chose ne fonctionne pas ou plus. Cela offre une occasion de considérer les choses selon une perspective nouvelle, plus vaste. La bonne attitude reste de ne pas ajouter de problème au problème, de ne pas le laisser grossir. Il ne s’agit pas de le nier, mais de tourner son esprit vers la créativité. Cette pratique permet bien souvent d’intervenir avant que ne s’amorce le conflit et l’agressivité qui parfois l’accompagne.

Quels sont les conflits auxquels vous êtes confrontés dans une société paradisiaque ?

Ils sont les mêmes qu’ailleurs. Et comme dans toute entreprise, les conflits puisent leurs origines dans deux types de tensions : les tensions entre collègues – les apaiser doit être la priorité n°1 d’un dirigeant. Et les tensions individuelles, celles que l’on se créé soi-même. Lorsque les gens se plaignent de leur boulot, il est rarement question de surcharge de travail, de salaire, du produit fabriqué… Le goût du travail n’a jamais disparu. Le hic, lorsqu’on les écoute, c’est l’environnement dans lequel ils travaillent.

N’y a-t-il pas un soupçon de paternalisme dans vos propos ?

Non ! Je me vois dans un rôle de coach. Moi-même, j’ai toujours eu des coaches. A mes yeux, c’est obligatoire pour un boss, car c’est rendre service à ses collaborateurs. Le coaching vous aide à prendre du recul sur le  » comment je travaille « . Avant de commencer la séance, vous prenez déjà le temps de la réflexion, vous examinez les éléments qui vous questionnent, vous cherchez des solutions…

Comment concilier une attitude conviviale avec le business ?

Je suis un capitaliste et je fais des bénéfices. Mais plus je me soucie du bien-être dans mon entreprise, plus la courbe de mes profits se hisse vers les hauteurs. La seule solution pour être rentable est d’être bien. En d’autres mots, la souffrance au travail peut être vaincue, à condition que les managers eux-mêmes soient heureux. Car, une fois pour toutes, la performance des équipes est directement corrélée à l’état d’esprit des dirigeants, chefs de file de la bonne humeur et de l’entente.

La conviviale attitude au travail, 96 attitudes pratiques pour prendre soin de soi-même, des autres et de la planète !, par Abdessamad Bennani, Editions Le Dauphin Blanc, 224 p.

Propos recueillis par Soraya Ghali

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