Bertrand Candelon

Le décodeur de l’économie de Bertrand Candelon: l’euro reste une monnaie jeune et fragile (chronique)

Bertrand Candelon Professeur de finance à l'UCLouvain et directeur de la recherche Louvain-Finance.

Il y a vingt ans, l’euro se substituait au franc belge. Cette nouvelle devise était désormais partagée avec la plupart de nos voisins européens, notamment ceux avec lesquels nous entretenons d’importantes relations commerciales, comme la France et l’Allemagne. La décision de mettre en place une monnaie européenne trouvait ainsi sa justification dans la théorie des zones monétaires optimales développée par Robert Mundell.

En effet, une monnaie commune permet de réduire le risque associé à l’incertitude sur les taux de change, principal obstacle à l’investissement, ainsi que les coûts de transaction. L’avènement de l’euro consacrait également une longue période de convergence économique entre les différents membres de l’UE, stimulée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale par les divers traités d’intégration – le plus célèbre restant celui de Maastricht, en 1992. L’euro a aussi institué le transfert de la plupart des activités relatives à la politique monétaire des banques centrales nationales (notamment la Banque nationale de Belgique) vers la Banque centrale européenne (BCE) de Francfort.

Les vingt premières années de l’euro n’ont pas été de tout repos. Il a d’abord survécu à la grande crise financière de 2008 et aux faillites bancaires qui ont nécessité des plans de sauvetage exceptionnels. Ensuite, fin 2010, il a dû résister à la crise des dettes souveraines, obligeant la BCE à racheter (ou prendre en pension) des titres publics que certains pays ne pouvaient plus honorer. En parallèle, il a garanti la stabilité financière lors de chocs politiques spécifiques à plusieurs Etats. Par exemple, sans l’euro, les interminables négociations pour former un gouvernement belge ou les renversements réguliers de majorité du Parlement italien auraient accru la prime de risque associée à ces pays et auraient eu des conséquences majeures sur leurs finances. Au cours des deux décennies écoulées, la Banque centrale européenne s’est par ailleurs imposée, en ajustant les instruments de la politique monétaire, comme le chef d’orchestre permettant la viabilité de la monnaie commune. Elle a donc garanti la croissance du pouvoir d’achat des Européens.

Néanmoins, l’euro reste une monnaie jeune et fragile. Contrairement à ce qui avait été escompté, il n’a pas réussi à s’imposer comme devise internationale et la majorité des transactions mondiales se font toujours en dollars. La crise de la Covid a également montré les limites de la coordination entre les politiques monétaire et budgétaire dans la zone euro. Même si le plan de relance européen (NextGenerationEU) pose le premier jalon d’une future politique budgétaire commune, celui-ci reste limité et les différences entre les membres de l’Union en matière de déficit et d’endettement sont criants. Cette hétérogénéité accroît le risque d’une possible fragmentation européenne en cas de crise dans un des Etats membres du sud. La suppression des critères budgétaires du traité de Maastricht, même s’ils sont théoriques et plus respectés depuis des années par de nombreux pays, fragiliserait encore davantage l’euro en accentuant la perte de crédibilité quant à une convergence européenne à long terme.

La période post- Covid constituera donc une nouvelle épreuve de vérité pour l’euro. Espérons qu’il en sorte renforcé et qu’il devienne enfin une devise internationale dont l’existence ne pose plus question.

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