L’embarras du MR, vu d’en face

PS, CDH et Ecolo raillent Reynders, victime indirecte du feuilleton Aernoudt. Le président libéral, brouillé avec des partenaires potentiels et des alliés internes, est la cible rêvée du moment. Dur, à trois mois des élections.

 » LE MR, UNE COALITION EN SOI « 

Le Vif/L’Express : Pensez-vous que le MR sera affaibli par l’affaire  » Aernoudt  » et les disputes internes ?

> Paul Furlan, député PS au Parlement wallon : Oui. Le MR ratisse large avec pour seul objectif d’être le premier parti en Wallonie. Il est devenu une coalition en soi, cherchant à rassembler des libéraux purs et durs, des ultralibéraux, des libéraux sociaux adeptes de Louis Michel, des membres du MCC, connotés  » cathos  » alors que le mouvement libéral est d’inspiration laïque, et des régionalistes bruxellois convaincus. Qu’auraient eu en commun Rudy Aernoudt et Louis Michel ? Rien. Sauf leur volonté de battre le PS.

Les socialistes pourraient-ils gouverner la Wallonie avec le MR ?

> Je ne conteste pas l’objectif – battre les autres est le but de tout parti politique -, mais la manière. Le MR joue l’homme. A titre personnel, il me serait particulièrement difficile et même franchement impossible d’occuper la même table que ces gens dont la principale ambition est de nous mettre dehors…

Qu’adviendrait-il du MR s’il perd la bataille face au PS ?

> Qu’adviendrait-il de… Didier Reynders, plutôt ? Les partisans de Louis Michel reviendraient au grand galop. n

 » N’OUBLIEZ PAS LES OUVRIERS DU POUVOIR « 

Le Vif/L’Express : Ça vous agace, ce duel MR/PS ?

> André Antoine, ministre CDH, n°2 du gouvernement wallon : C’est terriblement réducteur. La politique est ainsi ramenée à un combat de boxe, où tous les coups semblent permis. On oublie qu’il y a en Wallonie des ouvriers du pouvoir, comme moi-même et les ministres CDH, qui font bien leur travail.

Que révèle à vos yeux l’absorption manquée, par le MR, du parti de Rudy Aernoudt ?

> Il s’agit d’une belle supercherie : Aernoudt est le chantre de la lutte des places. On ne sait toujours pas ce qu’il représente, ni qui il a derrière lui. Son cas est très révélateur. Le MR reste un attelage d’opportunisme, une machine à conquérir le pouvoir et, en fin de compte, une auberge espagnole. Otons le bikini FDF et MCC, il ne restera qu’un parti de droite…

Louis Michel vous semblait sincère, à la radio, en début de semaine, lorsqu’il a pris la défense de son président de parti Didier Reynders ?

> Non. Mais c’est un homme pragmatique, excellent communicateur, à nouveau très ambitieux sur la scène belge. Il fallait sauver les meubles de l’édifice MR en train de se fissurer. Louis Michel n’a aucun intérêt, à ce stade, à se brouiller en public avec Didier Reynders, qui, pourtant, n’a pas le moindre respect pour ses propres alliés.

Changer le centre de gravité politique en Région wallonne, comme le veut le MR, c’est possible ?

> Qu’y-a-t-il derrière les mots ? Rien. Et puis, avec qui Didier Reynders compte-t-il s’entendre ?

Avec le PS, qui sait ?

> Peut-être… Ce qui intéresse le MR, c’est avant tout le pouvoir. Et, au PS, je me méfie de certains nostalgiques d’une autre époque. n

 » UN MAUVAIS CHEF D’ENTREPRISE « 

Le Vif/L’Express : Comment se porte le MR, selon vous ?

> Zoé Genot, députée écologiste au Parlement fédéral : Didier Reynders est fortement affaibli. Il donne l’impression d’avoir été un mauvais chef d’entreprise : quand on agrandit une usine, on vérifie si le coût marginal n’est pas exagéré. Ici, pour gagner 2 ou 3 % d’audience, en absorbant LiDé et Aernoudt, Reynders a saboté sa propre entreprise. Ça pose problème : les libéraux sont quand même censés manier des chiffres…

Le MR qui tape sur le PS et, aujourd’hui, le PS qui rend coup pour coup, ça vous embarrasse ?

> Non. Nous sommes enchantés. Qu’ils continuent comme ça et nous n’aurons plus besoin de faire campagne (elle sourit). Plus sérieusement, ce combat des  » affaires  » – Fortis et consorts, d’un côté, Charleroi ou Huy, de l’autre – annonce, hélas, une campagne électorale peu reluisante. Pas facile pour l’électeur d’y voir clair, de comprendre les vrais enjeux (les urgences sociales et environnementales). Je crains que nous devions consacrer beaucoup d’énergie à rassurer des gens dégoûtés.

Contre toute attente, ces deux partis pourraient-ils se rabibocher ?

> C’est tout à fait possible. Ils ont besoin du pouvoir pour le pouvoir. Souvenez-vous des élections fédérales de 2003 : PS et MR se présentaient comme les pires ennemis ; mais, les urnes à peine vidées, ils avaient signé ensemble.

Entretien : Ph.E.

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