L’amertume des libéraux wallons

Michel Delwiche
Michel Delwiche Journaliste

Sous la façade du MR, les lézardes apparaissent. Ce n’est pas tant l’éviction de Rudy Aernoudt, deux jours seulement après son arrivée officielle, qui pose problème, mais la façon dont a usé le FDF pour avoir son scalp. Le tout sur fond de laborieuses confections des listes à Bruxelles.

La consigne est :  » L’affaire Aernoudt est classée.  » Alors, au MR et dans ses différentes composantes, on dit qu’on resserre les rangs, que la page est tournée ou que l’incident est clos, que c’est désormais le programme qui est important, que le débat va se recentrer sur l’essentiel, qu’il reste trois mois avant les élections, et qu’il faut monter au combat… Mais c’est sûr, l’épisode va laisser des traces profondes, en Wallonie particulièrement, où les libéraux ont du mal à contenir leur colère vis-à-vis du  » chantage  » pratiqué par le FDF, qui a lié son maintien dans le MR au renvoi de Rudy Aernoudt.

Tuer LiDé

Ce dernier avait été adoubé par Didier Reynders le samedi précédant le carnaval : il obtenait la troisième place sur la liste MR pour les élections européennes.  » C’était une excellente stratégie, analyse au FDF un candidat (qui tient à le rester, d’où sa discrétion) : en isolant Aernoudt sur la liste européenne, on tuait LiDé (Libéral Démocrate, le parti qu’il a créé). Son arrivée était en outre liée à son acceptation de la charte et des principes du MR, sous le contrôle de Louis Michel et Didier Reynders. Mais au cours du week-end qui a suivi, il a tenu à la télé des discours qui étaient pour nous inacceptables, surtout concernant le combat institutionnel pour Bruxelles. « 

Aernoudt soutient en effet la scission de BHV et n’envisage pas l’élargissement de la Région bruxelloise. Ces propos ont été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, et ont en tout cas servi de justification à l’éviction d’Aernoudt dès le lundi gras. Pour rester premier à Bruxelles, le MR ne peut en effet se passer du FDF, dont le patron Maingain a fait céder Reynders, sous la menace d’une sécession.

 » J’ai participé à la rédaction de la charte du MR, rétorque de son côté le député libéral bruxellois Alain Zenner, qui ne peut donc être suspecté de s’asseoir sur les principes fondateurs du mouvement, et je regrette que Rudy Aernoudt ne soit pas au sein du parti. Il était une acquisition positive. Il aurait suscité le débat, qui est nécessaire au sein d’un parti. C’est dommage ! « 

Du plomb dans l’aile

Richard Miller n’est pas loin de penser la même chose.  » J’étais d’avis qu’il fallait négocier un bout de chemin avec Aernoudt, dit le député wallon, et il y avait déjà des accords. A Mons, la troisième place pour les régionales devait revenir à LiDé, à Jean Zarzecki, qui a présidé pendant 25 ans l’équipe de foot des Francs Borains. On l’avait fait accepter par tout le monde, et maintenant, il faut recomposer la liste…  » Cela ne fait pas très sérieux, alors que 80 % des parlementaires du MR s’étaient prononcés pour la présence d’Aernoudt.

 » Le MCC de Gérard Deprez, poursuit Richard Miller, a dit dès le départ qu’il n’était pas d’accord, mais les troupes de Maingain, elles, se sont en majorité abstenues devant Didier Reynders et Louis Michel.  » Ensuite, le FDF a  » ridiculisé l’intergroupe parlementaire que je préside et a humilié Didier Reynders « . Le MR, poursuit Richard Miller,  » a pris du plomb dans l’aile de la part d’un allié auquel il a pourtant beaucoup donné. Alors là oui, j’éprouve de l’amertume… « .

Sentiment pareil chez Olivier Chastel. Le secrétaire d’Etat, qui occupera sans doute la troisième place d’abord présentée à Rudy Aernoudt, explique qu’il faisait partie de ceux que  » les excès de langage de Rudy Aernoudt rebutaient « , mais souligne lui aussi que le FDF, dans le premier temps, s’était abstenu, qu’il n’avait pas dit que c’était ou Aernoudt ou lui. En outre, déplore-t-il, le débat aurait dû se tenir en interne, et pas dans les médias.

L’unanimité des libéraux

Hervé Jamar, qui se revendique de son appartenance au libéralisme social de Louis Michel (lequel a lui aussi ouvert les bras au trublion flamand), estime qu’il est  » normal d’avoir des contacts avec ceux qui pensent plus ou moins comme vous. Quand arrive une personnalité comme lui, pourquoi ne pas l’intégrer ? « . C’était, à l’unanimité, la position des libéraux, ajoute-t-il. Le FDF ne s’est pas opposé, avant de changer d’avis.  » Ce n’est pas des plus glorieux de se rétracter « , juge le Hannutois.

Serge Kubla, chef de groupe MR au parlement wallon, qui a eu Rudy Aernoudt comme chef de cabinet adjoint lorsqu’il était ministre de l’Economie, et qui s’était tactiquement prononcé pour son accueil au sein du MR, constate qu’il y a, aujourd’hui, des blessures, ce qui  » n’est pas rare en politique « , mais il affirme lui aussi qu’il aurait été plus simple et logique que le FDF ne tergiverse pas.

Pas de chantage

Il n’y a pas eu de réelle volonté de sécession, ni même de tentative de chantage, rétorque-t-on au FDF,  » mais comment admettre les propos d’Aernoudt, quand il prétend que Bruxelles n’est pas vraiment une ville francophone ? Ou quand il compare le FDF à la NV-A ? Et il irait, lui, le Flamand, représenter les francophones à l’Europe ? Il a d’ailleurs bien trompé son monde en faisant mine de s’intéresser aux élections régionales : c’est le mandat européen, sans risque, qu’il visait « .

D’ici aux élections, le feu sera donc maintenu sous la cendre. Mais le soir du 7 juin, on fera les comptes. Si les voix de LiDé venaient à manquer au MR pour devenir le premier parti de Wallonie, alors les flammes ne seront plus maîtrisables et ils seront plus d’un à pousser Maingain vers le bûcher.

MICHEL DELWICHE

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